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qu'aux Dieux on fit mettre fur cette derniere une tête d'Apollon.

C'étoient-là des ouvrages finguliers; mais ordinairement les Statues des Dieux imitoient la belle nature, fur-tout quand elles devoient être pofées à portée de la vuë. Ainfi celles des Dieux étoient un peu plus grandes & plus fortes que celles des Déeffes, au fujet defquelles les Ouvriers habiles s'attachoient fur-tout à imiter la delicatesse & la molleffe du fexe.

Il y avoit cependant des Dieux dont les Statues étoient ordinairement petites, & peut-être qu'elles devoient l'être. Celles des Pataïques, ou Patæques, qu'on mettoit fur la pouppe des vaiffeaux, étoient de ce genre, fi nous en croyons Herodote (1), ainsi que celles des Dieux Lares, des Ca- (1) Liv. 3. bires, & quelques autres. Il y en avoit dont les Statues étoient monftrueufes, & qui reprefentoient des têtes de chien, de chat, de bouc, de finges, de lion, &c. comme nous le dirons en parlant des Dieux d'Egypte.

Le nombre des Statues des Dieux étoit immense, non feulement dans la Grece & dans l'Italie, mais auffi dans les pays Orientaux; & rien n'eft plus propre à le faire connoître que l'expreffion de l'Ecriture Sainte, qui nomme la Chaldée une terre d'Idoles. Ainfi on en trouvoit par-tout, dans les Temples, où elles étoient fur des pieds-d'estaux, ou placées dans des niches, dans les places publiques, aux portes des maisons ; & hors des villes, dans les grands chemins, & dans les champs. On ne peut rien ajouter au refpect qu'on avoit pour elles: lorsqu'on paffoit auprès, on fe profternoit, ou on portoit la main à la bouche, pour marquer qu'on les adoroit. C'étoit en elles qu'on mettoit toute fa confiance. On leur faifoit des voeux, on leur offroit des facrifices, on leur adreffoit les prieres: c'étoit d'elles qu'on attendoit la fanté & les autres biens, comme la délivrance des maux, & des calamités publiques. Ce refpect & cette confiance étoient fondés non feulement fur ce qu'elles reprefentoient les Dieux, mais parce qu'on croyoit auffi qu'ils y habitoient eux-mêmes, & écoutoient de-là les vœux & les prieres. Au jour des Fêtes de chacun de ces Dieux, on avoit foin de parer leurs Statues, de

tout ce qui paroiffoit devoir les embellir, rubans, bandelettes, rameaux; tout étoit employé. On les oignoit avec de l'huile, ou on les frottoit avec de la cire pour les rendre plus luifantes; & cet ufage étoit fur-tout pratiqué à l'égard des Dieux Lares & des Penates. Quoique la maniere de representer les Dieux ne fut pas uniforme, il y avoit cependant des ufages affez generalement obfervés. Ainfi on donnoit à Jupiter un air noble & majeftueux, qui annonçoit le Maître du monde, & il paroît toujours avec de la barbe. Apollon qui eft peint en jeune homme, n'en porte point; Bacchus en a quelquefois, & alors on l'appelle le Barbu, plus fouvent il n'en a point. Junon paroît avec un air digne de l'époufe de Jupiter, & de la Reine des Dieux. Minerve a une beauté mâle & douce, telle qu'il convenoit à la plus fage & à la plus chafte des Déeffes. Celle de Venus au contraire prefente je ne fçai quoi de mol & d'effeminé, qui annonce la mère d'Amour. Mars a l'air guerrier, Neptune a de la fierté, &c.

Les Dieux portoient ordinairement fur leurs Statues, les fymboles qui leur étoient confacrés. Ainfi paroiffent Jupiter avec fa foudre, Apollon avec fa lyre, Neptune avec for trident, Pluton avec le même fceptre, mais feulement à deux fourches. Bacchus y tient à la main des grappes de raifin; Cerès, des épis de bled; Hercule, fa maffue, & Diane porte fes fleches & fon carquois. Le chien paroît dans les Statues de Mercure, la chouette dans celles de Minerve, & le ferpent entortillé autour d'un cippe, dans celles d'Efculape. Le char de Neptune eft attelé à des chevaux marins, celui de Venus à des colombes, celui de Junon à des Paons, & celui de Cybele à des lions. Quelquefois ces fymboles font uniques, quelquefois ils font multipliés; & quand il paroît qu'ils font propres à plufieurs Dieux, on nomme Panthées les Statues qui les portent, telles que font ordinairement celles d'Harpocrate, & quelques autres. Les Statues Egyptiennes étoient plus chargées de ces fymboles que celles des Grecs & des Romains, comme on peut le voir dans les Antiquaires. Ces fymboles étoient pris ou des arbres, ou des plantes, ou des animaux qui par des raifons particulieres étoient chers aux Dieux, ainsi que nous le dirons en parlant des Sacrifices,

des Offrandes & des Victimes, qu'on prenoit ordinairement parmi les chofes qu'on croyoit leur être agréables.

Les raifons de cette prédilection des Dieux étoient quelquefois myfterieufes, & les Anciens n'ont pas ofé les rapporter, fouvent, auffi elles font connues. Ainfi, pour en donner feulement quelques exemples, le laurier étoit cher à Apollon, à caufe de Daphné; le pin à Cybele, à cause d'Atys; & le peuplier à Hercule, parce qu'il en avoit apporté un du Pays des Hyperboréens, &c.

Prefque toujours les Statues des Dieux étoient fimples & ne presentoient qu'une feule figure, quelquefois elles étoient grouppées, & en contenoient plufieurs. Le Philofophe Albricus qui nous a laiffé un petit Traité latin fur la maniere de représenter les Dieux, femble s'être attaché particulierement à ces dernieres figures, comme il eft aifé de s'en convaincre en lifant ce petit Ouvrage, & par l'exemple de Saturne que je vais raporter.

Saturne, dit-il, le premier des Dieux, étoit peint fous la figure d'un viellard, les cheveux blancs, la barbe longue, courbé, l'air trifte, la tête voilée, & la couleur blême, tenant de la main gauche une faulx, & un ferpent qui fe mordoit la gueuë, & de la droite un jeune enfant qu'il portoit à la bouche pour le devorer. Il avoit près de lui Jupiter, Neptune, Pluton, Junon & Ops fa femme, dont une main étoit étendue, pour marquer qu'elle étoit prête de fecourir tout le monde, pendant que de l'autre elle prefentoit du pain à ceux qui pouvoient en avoir befoin.

On rapportera dans l'hiftoire particuliere de chaque Dieu, la maniere dont on avoit coutume de le reprefenter.

(1) Lib. de

Abft. ap. Euf.

L

CHAPITRE X.

Des Sacrifices & des Victimes.

E Sacrifice eft un acte de Religion, par lequel l'homme reconnoît la Divinité de celui à qui il l'offre, prétend l'honorer de la maniere la plus authentique, le remercier des biens qu'il croit en avoir reçus, & lui en demander de nouveaux. Dans les premiers temps du Paganisme, le culte qu'on rendoit aux Dieux étoit très-fimple: les Egyptiens, fi nous en croyons Theophrafte, cité par Porphyre (1), offroient Præp. Ev. liv. anciennement à leurs Dieux, non de l'encens & des parfums, mais de l'herbe verte qu'ils cueilloient avec les mains, & qu'ils leur prefentoient comme les premieres productions de la nature. Övide peint très-bien la fimplicité de ces premiers Sacrifices: L'encens, dit-il, n'étoit point encore venu des bords de l'Euphrate, ni le coftus de l'extrémité de l'Inde. On ne connoifoit pas encore le fafran, & on fe contentoit de mettre fur l'autel de l'herbe ou du laurier.

1. ch. 9.

(2) Faft. liv. 1.

Thura nec Euphrates, nec miferat India coftum,

Nec fuerant rubri cognita fila croci.

Ara dabat fumos herbis contenta Sabinis,
Et non exiguo laurus adufta foco (2).

Le même Theophrafte ajoute qu'on joignoit la libation à ces anciens Sacrifices; c'étoit de l'eau fans doute qu'on répandoit à l'honneur des Dieux, car les Egyptiens dont il parle, ne se fervoient point d'autre liqueur, comme nous le dirons dans la fuite. Pline, Macrobe, Plutarque, Denys d'Halicarnaffe, & Thucydide, parlent fouvent de la fimplicité des Fêtes & des Sacrifices des anciens Egyptiens, des Grecs & des Romains, comme on peut le voir dans Voffius, qui les a cités pour prou(3) De Orig. ver cette verité (3). & progreff. Idol.

Cette premiere fimplicité dura très-long-temps, & il y eut

des lieux où elle fubfifta toujours. Paufanias (1) parlant d'un autel d'Athenes, confacré à Jupiter le Grand, dit qu'on n'y offroit rien d'animé, & qu'on fe contentoit d'y faire de fimples offrandes, fans fe fervir même de vin dans les libations. Cette coutume venoit de Cecrops, lequel en reglant le culte des Dieux & les ceremonies qu'il avoit apportées d'Egypte dans la Grece, avoit ordonné qu'on ne facrifiât rien qui eût vie, & qu'on fe contentât d'offrir de fimples Gâteaux, ainfi que nous l'apprenons du même Auteur (2).

Comme l'on facrifioit les mêmes chofes dont on fe nourriffoit, lorsqu'aux herbes on commença à fubftituer le pain, on employa dans les Sacrifices de la farine & des gâteaux qu'on pétriffoit avec un peu de fel. Horace fait allufion à cette cou

tume:

Non fumptuofa blandior hoftia
Mollibit averfos Penates

Farre pio, & faliente micâ (3).

(1) In Att,

(2) In Arc.

(3) Liv. 3.

On joignoit à ces Sacrifices les fruits de la terre, le miel, Od. 23.
l'huile, le vin; mais lorsqu'on vint dans la fuite à fe nourrir
de la chair des animaux, on commença auffi à en immoler
en l'honneur des Dieux : car il y a toujours eu un rapport mar-
qué, entre la nourriture des hommes & la matiere des Sa-
crifices, puifque la Loi ordonnoit qu'on en mangeât une par-
tie, & qu'ils étoient toujours fuivis du feftin, comme on le
verra dans la fuite.

Il feroit difficile de décider en quel temps commença parmi les Payens, l'ufage des Sacrifices fanglans. On ne prendra pas pour garant de cette découverte Ovide, qui prétend que la truye fut la premiere Victime animée qu'on offrit à Cerès, à caufe des ravages que cet animal fait dans les champs. Cerès fut la premiere qui prit plaifir à voir couler le fang d'une truye, pour venger par la mort de cet animal, les ravages qu'il fait dans les champs:

Prima Ceres avida gavifa eft fanguine porca,
Ulta fuas meritæ cæde nocentis opes (4)

(4) Faft. L. z.

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