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ch. 29.

Sçavans. Il fuffit de dire ici avec Jul. Pollux (1), que la Vic (4) Liv. &time devoit être pure, non mutilée, fans tache, fans défaut, faine, ni boiteufe ni contrefaite; blanche & en nombre impair pour les Dieux céleftes, noire & en nombre pair pour les Dieux infernaux. Enfin, choifie parmi les animaux, les plantes, ou les fruits, agréables aux Dieux aufquels on les offroit; car on n'immoloit pas toutes fortes de Victimes indifferemment à chaque Divinité. Ordinairement c'étoit une truye pleine qu'on offroit à Cybele & à la Déeffe Tellus; le taureau à Jupiter; à Junon, des géniffes, des agneaux femelles, des brebis, & à Corinthe on lui facrifioit une chevre. A Neptu ne, un taureau & des agneaux, comme il paroît par Homere. A Pluton, aufli un taureau noir, & à Proferpine une vache noire; & lorfqu'on prenoit cette Déeffe pour Hecate, on lui immoloit un chien, animal qu'on croyoit éloigner en abboyant les spectres qu'envoyoit cette Déeffe. La Victime la plus agréable à Cerès, étoient le verrat & la truye. On lui offroit auffi du miel & du lait. A Venus, la colombe, le bouc, la geniffe, une chevre blanche, &c. A Bacchus, un bouc. On immoloit la vache & le taureau à Hermione, comme nous l'apprenons d'Elien (2), qui ajoute, que dans ces Sacrifices un taureau, qu'à peine dix hommes avoient pu dompter, fuivoit de lui-même une vieille Prêtreffe jufqu'à l'autel. Au Soleil, quelquefois du miel, mais les Armeniens & les Maffagetes lui immoloient des chevaux. A Apollon, car fouvent il étoit diftingué du Soleil, on offroit le belier, la chevre, la brebis, & le bouc; & quand on le confondoit avec le Soleil, un jeune taureau aux cornes dorées, pour marquer fes rayons: on lui offroit auffi un corbeau. A Mars, let cheval, le taureau, le verrat, & le belier: les Lufitaniens lui: immoloient des boucs, des chevres, & quelquefois leurs ennemis. Les Scythes lui offroient des ânes, & les Cariens des chiens. Homere nous apprend que les Victimes les plus agréa bles à Minerve, étoient le taureau & l'agneau, ou, felon Ful gence Planciadès, des boeufs qui n'avoient point encore été fous le joug. A Diane, des cerfs, des chevres, fur-tout parmi les Atheniens, & en quelques endroits, des vaches. Aux DieuxLares, un jeune taureau, ou un agneau femelle, felon les

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1

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Anim.

facultés de ceux qui facrifioient. On leur immoloit aussi des cocqs & des hirondelles, & le cochon, d'où ils prirent le nom de Grundiles.

Enfin, chaque Dieu avoit fon animal, ou son arbre, ou fa plante favorite. Parmi les animaux le lion étoit confacré à Vulcain; le loup à Apollon & à Mars; le chien, aux Dieux Lares & à Mars; le dragon, à Bacchus & à Minerve; les griffons à Apollon; les ferpens à Efculape; le cerf à Hercule; T'agneau à Junon; le cheval à Mars; la geniffe à Ifis. Parmi les oifeaux, l'aigle l'étoit à Jupiter; le paon à Junon; la chouette à Minerve; le vautour & le pivert à Mars; le cocq, au même Mars, à Efculape, à Apollon & à Minerve; la colombe & le moineau à Venus; les alcyons à Tethys; le phenix au Soleil, & la cigale, efpece d'infecte qui vole, à Apollon. Parmi les poiffons, qui appartenoient tous à Neptune, la conque marine, & le petit poiffon nommé Apua, que Feftus dit être produit par la pluie, étoient chers à Venus, & le barbeau, à Diane. Parmi les arbres & les plantes, le pin étoit confacré à Cybele, à caufe d'Atys; le hêtre à Jupiter; le chêne & fes differentes efpeces, à Rhea; l'olivier, à Minerve; le laurier, à Apollon, après l'avanture de Daphné; le roseau, à Pan, après celle de Syrinx; le lotus, & le Myrte, étoient auffi confacrés à Apolon & à Venus; le cyprès, à Pluton; le narciffe & l'adiante, qu'on nomme auffi le clou de Venus, à Proferpine ; le frêne & le chiendent, à Mars; le pourpier, à Mercure; le myrte & le pavot, à Cerès; la vigne & le pampre, à Bacchus ; le peuplier à Hercule; le dyatime & le pavot, à Lucine; l'ail, aux Dieux Penates; l'aune, le cedre, le narciffe & le geniévre, aux Eumenides; le palmier, aux Mufes; le platane, aux Génies; l'aulne, au Dieu Sylvain; le pin, à Pan, &c.

Si vous exceptez quelques raifons fymboliques qu'on a rapportées en paffant, de ces fortes de confécrations, il n'est pas poffible de deviner les autres : il y a apparence que, comme anciennement, & dès les premiers temps, l'Idolâtrie ne connoiffoit pas toutes ces diftinctions, ni de Victimes, ni d'êtres fpécialement confacrés à quelque Divinité, à l'exclufion des autres, tout ce raffinement fut imaginé par les Prêtres, qui

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fe propofoient d'imprimer par-là plus de veneration pour les Dieux.

(1)Tout cela n'étoit point general pour

La Victime étant choisie de la maniere que j'ai dit, on la paroit de rubans & de bandelettes; on lui doroit les cornes, on mettoit fur la tête des gâteaux, du fruit & de l'encens mâle (1); c'eft ce qu'on appelloit l'immolation, immolatio. Enfuite venoit la libation; c'étoit du vin qu'on prenoit foi-même, & tous les Sacriqu'on faifoit goûter aux affiftans. Puis litabatur ; c'eft-à-dire, fices. que le Prêtre prenoit quelques poils entre les cornes de la Victime, les jettoit dans le feu, & enfin après s'être tourné du côté de l'Orient, ordonnoit au Victimaire d'égorger la Victime. A peine étoit-elle morte, que le Prêtre lui enfonçoit dans les entrailles le couteau facré, pour voir fi le Sacrifice étoit heureux, an perlitatum foret ; & l'Harufpice les examinoit, pour en tirer un augure favorable. Enfuite on coupoit la Victime en pieces, on les faifoit cuire, & on les distribuoit pour le feftin. Ceux qui l'égorgeoient, étoient nommés Victimarii, Popa, Cultrarii. Le Prêtre, outre les habits destinés à ses fonctions, ne manquoit pas de porter fur la tête une couronne de branches ou de feuilles de l'arbre qui étoit spécialement confacré au Dieu pour qui étoit le Sacrifice; comme, de chêne pour Jupiter, de laurier pour Apollon, de peuplier blanc pour Hercule, de pampre pour Bacchus, de cyprès pour Pluton; ainfi des autres.

Mais comme il y avoit differentes fortes de Sacrifices, l'ho locaufte, le Sacrifice expiatoire, le Sacrifice d'actions de graces, & plufieurs autres, on agiffoit differemment par rapport à la Victime. Dans l'holocaufte, elle étoit entierement confumée par le feu, fans qu'il en reftât rien. Quelquefois on repandoit feulement le fang autour de l'autel; on brûloit deffus les graiffes qui entouroient les vifceres, & on emportoit le refte, ou on le mangeoit près du lieu-même de l'immolation. Il y avoit des portions aufquelles le Prêtre feul avoit droit de toucher, les autres étoient diftribuées ou emportées. Il paroît même que parmi les Gentils, tout ce qui étoit pour l'ufage de la nourriture ordinaire, fur-tout la chair des animaux, avoit été offert auparavant en Sacrifice; & de-là vint l'attention qu'avoient les premiers fidéles, lorfqu'ils vivoient au milieu

des Payens, de prendre garde de ne point manger de viandes qui euffent été offertes aux Idoles. Si cette idée, qui a été fuivie par quelques Auteurs, & qui paroît fondée fur l'Antiquité, n'eft pas exactement jufte, du moins eft-il vrai que tous les feftins publics étoient précedés de Sacrifices, dont on mangeoit les viandes, ainsi que le dit formellement Athe(1) Liv. 5. née(1): pour s'en convaincre, on n'a qu'à lire Homere, Virgile, & d'autres Anciens.

P. 192.

y

On peut conclure de ce qu'on vient de dire, qu'il devoit avoir dans les Temples, & dans les autres lieux où on sacrifioit, differentes places marquées; les unes pour preparer la Victime, d'autres pour l'égorger, d'autres pour en faire cuire la chair, d'autres enfin pour célebrer le feftin; lequel, quoiqu'un acte de Religion, étoit fort gai, & toujours accompagné de danfe, de mufique, & d'hymnes chantés en l'honneur des Dieux. Les Devins, chez les Grecs, comme Calchas, Mopfus, Amphiarée, & plufieurs autres ; & les Harufpices chez les Romains, affiftoient aux Sacrifices, pour confulter les entrailles de la Victime, & en dire leur fentiment. C'étoient eux qui ordonnoient le temps, la forme, & la matiere des Sacrifices, fur-tout dans les occafions importantes; & on ne manquoit guere alors de les confulter, & de fuivre leurs décisions.

Il n'étoit pas toujours neceffaire de conduire la Victime
vivante auprès des Autels, puifque faute d'autres animaux, on
en alloit tuer à la chaffe, comme nous l'avons dit, pour les
immoler enfuite. L'animal même n'étoit pas offert entier aux
Dieux; les cuiffes étoient le morceau qui leur étoit destiné
(2) In Att. ainfi que Paufanias (2) l'a remarqué en general pour les Sacri-
fices des Grecs; & on faifoit brûler cette partie de la Viêti-
me fur un feu clair, de bois coupé par éclats. Apollonius de
(3) Liv. 1. Rhodes (3) dit la même chofe : Ils égorgent, dit-il, deux bœufs,
coupent par quartiers, & enfuite par morceaux, ils en feparent
les cuiffes votives; & après les avoir couvertes de la graiffe, ou
de l'omentum qui eft gras, il les font griller fur des éclats de

P-22. & in
Arc. p. 269.

V. 432.

les

bois.

Les libations accompagnoient toujours les Sacrifices : c'étoit une liqueur qu'on repandoit en l'honneur du Dieu à qui

on

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(1) Liv. 1.

on offroit le Sacrifice, & fouvent le Sacrifice même n'étoit
qu'une fimple libation. Anciennement ce n'étoit que de l'eau
qu'on repandoit, lorsque l'usage du vin n'étoit pas établi, ou
ne l'étoit qu'en quelques endroits; & ce qui paroîtra furpre-
nant, c'eft que plufieurs Peuples qui celebroient les Orgies,
ou les Bacchanales, ignoroient, ou du moins ne faifoient au-
cun ufage du vin. Les Perfes, au rapport d'Herodote (1), ne
beuvoient que de l'eau. On doit dire la même chofe des Na-
tions du Pont, des Cappadociens, & des Scythes. Comment
les Arcadiens, qui anciennement ne vivoient que de glands,
ou plûtôt de quelques châtaignes fauvages; comment les
Troglodytes, les Iathyophages, & une infinité de Peuples
errants, qui vivoient au milieu des bois ou dans des grottes
auroient-ils connu l'ufage du vin? Ils avoient cependant une
Religion, des Sacrifices & des Libations. Des Peuples mê-
me plus polis, & qui en connoiffoient l'usage, tels que les
Egyptiens, n'ofoient, fi nous en croyons Plutarque (2), en
porter dans les Temples. En effet avant Pfammeticus, les & Ofir.
Egyptiens n'en ufoient point du tout, & n'en offroient point
à leurs Dieux, croyant qu'il ne leur étoit pas agréable, puif-
qu'ils le regardoient comme le fang des Titans, qui mêlé
avec la terre, après que Jupiter les eut foudroyés, avoit
produit la vigne.

(2) De IGd.

Quoiqu'il n'y eût point de temps marqué pour les Sacrifices particuliers, on obfervoit cependant très-religieufement dans les Sacrifices publics, de prendre le matin pour les Dieux celeftes, & le foir ou la nuit, pour les Dieux terreftres ou infernaux. Les Sacrifices faits en l'honneur de ces derniers, exigeoient des ceremonies qui leur étoient particulieres. On ne leur immoloit que des victimes noires; on faifoit une foffe pour en recevoir le fang, & on y jettoit le vin de la libation On brûloit la victime entiere comme dans les holocauftes, fans en reserver rien pour le feftin; car il n'étoit pas permis de manger les viandes qui étoient offertes aux Dieux infernaux & aux Manes (3).

Enfin il eft bon de remarquer après Lucien (4), que les Sacrifices étoient differens felon la qualité des perfonnes. Le Laboureur, dit-il, immole un bœuf, le Berger, un agneau ; le Tome I.

Ii

(3) Voyez Ifidore. (4) Des Sacr.

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