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Nous apprenons de Quinte-Curce & d'autres Auteurs anciens, , que la Statue de Jupiter Ammon avoit la tête d'un be(1) Liv. 17. lier, avec fes cornes; & de Diodore de Sicile (1), la maniere dont ce Dieu rendoit fes Oracles, lorfque quelqu'un venoit le confulter. Quatre-vingt Prêtres de ce Dieu portoient fur leurs épaules dans un Navire doré, fa Statue, qui étoit couverte de pierres précieuses ; & alloient ainsi, fans tenir de route certaine, où ils croyoient que le Dieu les pouffoit. Une troupe de Dames & de filles accompagnoient cette procession, chantant des hymnes en l'honneur de Jupiter. Quinte-Curce, qui (2) Liv. 4. dit la même chofe (2), ajoute que le Navire, ou la niche fur laquelle on portoit la Statue de ce Dieu, étoit ornée d'un grand nombre de Pateres d'argent qui pendoient des deux côtés. C'étoit apparemment fur quelque figne ou fur quelque mouvement de la Statue, que les Prêtres annonçoient les deci(3) Liv. 17. fions de leur Ammon: car, comme le remarque Strabon (3), fur l'autorité de Callifthene, les reponfes de ce Dieu n'étoient point des paroles, comme à Delphes, & chez les Branchides, mais un figne ; & il cite à cette occafion, les vers d'Homere où le Poëte dit : Jupiter donna de fes fourcils un figne de confentement.

C. 7.

L'Oracle

d'Apollon à (4) Sat. Liv.

Heliopolis.

1. c. 23.

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Je mets ici l'Oracle d'Apollon dans la ville d'Heliopolis en Egypte, parce qu'au rapport de Macrobe (4), ce Dieu rendoit fes reponfes de même que Jupiter Ammon. » On porte, dit cet Auteur, la Statue de ce Dieu, de la même maniere qu'on porte celles des Dieux dans la pompe des Jeux du Cirque. Les Prêtres accompagnés des principaux du pays, qui affiftent à cette ceremonie, la tête rafée, & après une longue continence, n'avancent pas felon qu'ils pourroient le vouloir, mais felon le mouvement que le Dieu qu'ils portent leur donne, par des mouvemens semblables à ceux des Sorts ou des Fortunes d'Antium ». C'étoit apparemment L'Oracle de fur les mêmes mouvemens de la Statue de Jupiter Phlius, que Jupiter les Prêtres annonçoient les Oracles, comme on peut le voir (5) Hiftoire dans Eufebe (5), & dans Ruffin.

Phlius.

Ecclef. L. 9.

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ARTICLE III.

L'Oracle de Delphes.

Si l'Oracle de Delphes n'a pas été le plus ancien de ceux de la Grece, il a été du moins le plus celebre, & celui qui a duré le plus long-temps. Il faudroit copier prefque tous les anciens Auteurs, & un grand nombre des modernes, fi on vouloit rapporter tout ce qui a été dit fur cet Oracle: ains pour fatisfaire ceux qui n'aiment pas les longues difcuffions, je me contenterai d'en donner ici une hiftoire abregée.

Le temps auquel cet Oracle fut établi, n'est pas connu; ce qui d'abord prouve une grande antiquité, & Apollon n'eft pas le premier qu'on y ait confulté. Mais comme les Anciens ne conviennent pas entre eux au fujet des Dieux qui eurent fucceffivement cet Oracle, il eft neceffaire de rapporter leurs opinions. Æfchile, au commencement de fa Tragedie des Eumenides, dit que la Terre fut la premiere qui y rendit des Oracles, enfuite Themis, puis Phoebé, autre fille de la Terre, ( celle-ci, fuivant les Mythologues, étoit mere de Latone & grand-mere d'Apollon,) enfin Apollon fut le quatrième. Ovide nous apprend (1) feulement que Themis rendoit des (1) Met. L. 1. Oracles au pied du Parnaffe, & que Pyrrha & Deucalion allerent la confulter fur les moyens de repeupler la terre, dont le Deluge venoit de detruire les habitans. Paufanias (2) ajoûte (2) Liv. 9. qu'avant Themis, la Terre & Neptune y avoient auffi rendu leurs Oracles; & fi nous nous en rapportons à l'ancien Scholiafte de Lycophron, Saturne y avoit auffi été confulté avec Neptune & la Terre. Diodore de Sicile qui avoit recherché avec foin l'origine de cet Oracle, rapporte (3) une tradition qu'il (3) Liv. 16, avoit puisée dans les monumens les plus anciens. Des chevres, dit-il, qui paiffoient dans les vallées du mont Parnaffe, donnerent occasion à la découverte de cet Oracle. Il y avoit dans le lieu, qui depuis a été appellé le Sanctuaire, un trou dont l'ouverture étoit fort étroite. Ces chevres en ayant approché la tête, commencerent à faire des fauts fi extraordinaires, que le Berger (a), qui en fut étonné, vint au même lieu, se pencha

vers le trou, & fut saisi d'un enthousiasme qui le porta à debiter des extravagances, qui pafferent pour des Propheties. Le bruit de cette merveille y attira les habitans du voisinage, qui s'étant auffi approchés de la même crevaffe, furent pareillement enthousiafmés. Surpris d'un prodige fi étonnant, ils fuppoferent qu'une Divinité favorable, ou la Terre elle-même le produifoit ; & dès-lors on commença à honorer en ce même endroit cette Divinité, d'un culte particulier, & à regarder ce qu'on débitoit dans l'enthousiasme, comme des prédictions & des Oracles. L'endroit où fe voyoit le trou dont je viens de parler, étoit à mi-côte du Parnaffe, montagne de la Phocide, en la descendant du côté du midi; & ce fut là que furent bâtis dans la fuite le Temple & la ville de Delphes.

Comme plufieurs Dieux y avoient fucceffivement rendu des Oracles, ainfi qu'on l'a déja remarqué, les Hiftoriens & - les Poëtes racontent d'une maniere fort finguliere, comment ils s'étoient démis de leur droit. La Terre & Neptune le poffedoient en commun; avec cette difference que la Terre donnoit fes Oracles elle-même, & Neptune par le ministere d'un Prêtre, nommé Pyrcon. De la Terre, l'Oracle paffa à Themis fa fille, qui le poffeda affez long-temps, & s'en démit en faveur d'Apollon qu'elle cheriffoit tendrement. Suivant une (1) Iphig. ancienne tradition, qu'a fuivie Euripide (1), la ceffion ne fut rien moins que volontaire. Apollon à qui Pan avoit appris l'art de prédire l'avenir, étant arrivé fur le Parnaffe, avec l'équipage que décrit Homere, c'est-à-dire, revêtu de fes habits immortels, parfumé d'effences, & tenant à la main une lyre d'or, dont il tiroit des fons charmants, s'empara de force du Sanctuaire, tua le Dragon que la Terre y avoit établi pour le garder, & fe rendit maître de l'Oracle. Neptune qui y avoit auffi fa part, & qui ne voulut point la difputer à fon neveu, l'échangea avec lui pour l'Ifle de Calaurie, vis-à-vis de Trezene. Depuis ce temps là il n'y eut plus qu'Apollon qui rendit des Oracles à Delphes. On fent bien que cette fiction n'a d'autre fondement que l'interêt des Prêtres, qui voyant refroidir le zele du peuple, tâcherent de le reveiller en presentant de nouveaux objets à fon culte.

Quoiqu'il en foit, l'Oracle d'Apollon l'emporta fur tous les

autres

autres par fa célébrité & par fa durée. On venoit de toutes parts pour le confulter; les Grecs & les Etrangers, les particuliers & les Princes, tous pour la moindre entreprise, comme pour les grandes affaires, alloient eux-mêmes à Delphes, ou y envoyoient leurs Députés, pour apprendre la volonté d'Apollon. De-là les prefens infinis & les richesses immenses, dont le Temple & la Ville étoient remplis, & qui devinrent fi confiderables, qu'on les comparoit à celles des Rois de Perse. Dans les premiers temps de la découverte de l'Oracle dont je parle, il n'y avoit point d'autre myftere pour prédire l'avenir, que de s'approcher de la caverne, & de refpirer la vapeur qui en fortoit; & le Dieu infpiroit alors toutes fortes de perfonnes indifferemment; mais enfin plufieurs de ces Phrenetiques dans l'excès de leur fureur, s'étant précipités dans l'abyfme, on chercha les moyens de remedier à cet accident, qui arrivoit frequemment. On dreffa fur le trou une machine qui fut appellée Trepied, parce qu'elle avoit trois barres, & l'on commit une femme pour monter fur cette efpece de chaise, d'où elle pouvoit recevoir l'exhalaison fans aucun rifque, parce que les trois pieds de cette machine pofoient fur le roc. Cette Prêtreffe fut nommée Pythie, à cause du ferpent Python qu'avoit tué Apollon, comme nous le dirons dans fon Hiftoire. On éleva d'abord à ce ministere de jeunes filles encore vierges, & on prenoit beaucoup de précautions dans le choix qu'on en faifoit. On choififfoit ordinairement la Pythie dans une maifon pauvre, où elle eût vécu dans l'obfcurité, fans luxe, fans amour de la parure, & des autres ornemens par lefquels les filles cherchent à briller. Il n'y avoit pas jufqu'à l'ignorance même, qui ne fervît à élever à cette dignité, & il fuffifoit que celle qui devoit être élue, fçût parler & repeter ce que le Dieu dictoit. La coutume de choifir de jeunes vierges, dura très-long-temps, & fe feroit peut-être toujours confervée, fans un accident qui la fit abolir. Un jeune Theffalien, nommé Echecrates (1) étant à Del(1) Diod. phes, devint amoureux de la Pythie, qui étoit extrêmement liv. 1. belle, & l'enleva. Pour prévenir de pareils attentats, le peuple de Delphes ordonna par une Loi expreffe, qu'à l'avenir on n'éliroit que des femmes au-deffus de cinquante ans. On s'étoit

contenté dans les commencemens, d'une feule Pythie, & (1) Plutarc. elle fuffifoit pour répondre à ceux qui venoient à Delphes (1); mais dans la fuite il y en eut deux & même trois.

loc. cit.

Les Oracles ne fe rendoient pas tous les les jours: les facrifices, réiterés jufqu'à ce que le Dieu qui les rendoit fût content, confumoienr fouvent une année entiere, & ce n'étoit qu'une fois l'an, dans le mois Búrio, qui repondoit au commencement du Printemps, qu'Apollon infpiroit la Pythie. Hors ce jour marqué, il étoit défendu à la Prêtreffe fous peine de la vie d'aller dans le Sanctuaire confulter Apollon. Alexandre, qui avant fon expedition dans l'Afie vint à Delphes dans un de ces jours de filence, pendant lefquels le Sanctuaire étoit fermé, fit prier la Pythie de monter fur le Trepied : elle le refufa, & allegua la Loi qui l'en empêchoit. Ce Prince étoit vif, & preffé de partir: il arracha de force la Prêtreffe de fa cellule, & la conduifoit lui-même au Sanctuaire, lorfqu'elle s'avifa de lui dire; Mon fils, tu es invincible. A ces mots il s'écria qu'il étoit content, & qu'il ne vouloit point d'autre Oracle.

Comme rien ne fervoit tant à accrediter un Oracle, ou à le maintenir, que l'air de myftere qu'on donnoit à tout ce qui s'y pratiquoit, on peut bien juger qu'on n'avoit rien négligé à Delphes pour le rendre refpectable. On prenoit des précautions infinies dans le choix des Victimes, dans l'infpection des entrailles, & dans les augures qu'on en tiroit. Une minutie negligée, engageoit à renouveller les Sacrifices qui devoient préceder la réponse d'Apollon, & on les réiteroit jufqu'à ce que tout fùt bien. La Prêtrefle elle-même se préparoit à fes fonctions: elle jeûnoit trois jours, & avant que de monter fur le Trepied, elle fe baignoit dans la fontaine de Caftalie. Elle s'y lavoit ordinairement les pieds & les mains, quelquefois tout le corps; & elle avaloit une certaine quantité d'eau de cette fontaine, parce qu'on croyoit qu'Apollon lui avoit communiqué une partie de fa vertu enthoufiaftique. Après cela on lui faifoit mâcher des feuilles de laurier, cueillies encore près de cette fontaine : le laurier étoit le fymbole de la divination, & n'étoit pas inutile à l'enthousiasme. Après ces preparations, Apollon avertiffoit lui-même de fon arri

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