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quelques Oracles.

dés à Rome, comme un Oracle continuel; mais j'en parlerai au long dans l'hiftoire de ces Prophéteffes.

Enfin les Sorts pafferent jufques dans le Chriftianisme, & on les prenoit dans les Livres facrés, dont les premiers mots qui fe rencontroient, étoient la décision de ce qu'on vouloit fçavoir. Finiffons en rapportant quelques réponses fingulieres 'des Oracles.

Reponfes L'ambiguité étoit ordinaire dans les réponses des Oracles, Angulieres de & le double fens qu'elles contenoient, ne pouvoit que leur être favorable, puifqu'en les interprétant d'une certaine maniere, qu'elles pouvoient comporter, l'Oracle avoit presque toujours raison. Ainfi la réponse donnée à Crefus par la Prêtreffe de Delphes, ne pouvoit manquer de paroître une vraie prédiction. Crefus, avoit dit la Pythie, en paffant l'Halis, renverfera un grand Empire: car fi ce Roi de Lydie avoit vaincu Cyrus, il renverfoit l'Empire des Affyriens; s'il étoit vaincu lui-même, c'étoit le fien qui étoit renverfé.

Celle qui avoit été donnée à Pyrrhus, & qu'on a renfermée dans ce vers Latin: Credo equidem Eacidas Romanos vincere poffe, avoit le même avantage car les deux Accufatifs, par les regles de la Syntaxe, peuvent également regir le verbe, & le vers être expliqué, ou en difant que les Romains pourront vaincre les Eacides, defquels defcendoit Pyrrhus, ou que ceux-ci pourront vaincre les Romains.

Lorfqu'Alexandre tomba malade à Babylone, quelques-uns de fes Courtifans qui fe trouverent en Egypte, ou qui y allerent exprès, pafferent la nuit dans le Temple de Serapis, pour lui demander s'il ne feroit pas à propos de lui faire apporter le Roi, afin qu'il le guerît. Le Dieu répondit qu'il valoit mieux qu'Alexandre demeurât où il étoit. Il avoit raison quoiqu'il arrivâr: fi le Roi recouvroit la fanté, quelle gloire pour Serapis de lui avoir épargné la fatigue du voyage! s'il mouroit, c'eft qu'il lui étoit avantageux de mourir après des conquêtes qu'il ne pouvoit ni augmenter ni conferver. C'eft effectivement le fens qu'on donna à cette réponse au lieu que fi Alexandre fût mort dans le voyage qu'il eût fait, au

(a) Ciceron nie que cette réponse ait jamais été donnée.

Temple ou dans le chemin, il n'y avoit aucune interprétation favorable pour Serapis.

Lorfque Trajan eut formé le deffein d'aller attaquer les Parthes, on lui confeilla de confulter l'Oracle de la ville d'Heliopolis, auquel il fuffifoit d'envoyer un billet cacheté : ce Prince qui ne fe fioit guere aux Oracles, y envoya un billet blanc; & on lui en renvoya un semblable. Voilà Trajan convaincu de la divinité de l'Oracle. Il renvoye au Dieu un fecond billet, par lequel il lui demandoit, s'il retourneroit à Rome après avoir terminé la guerre qu'il avoit deffein d'entreprendre. Le Dieu, au rapport de Macrobe qui conte cette hiftoire, ordonna qne l'on prît une vigne, qui étoit parmi les offrandes de fon Temple, qu'on la mît en morceaux, & qu'on la portât à Trajan. L'évenement justifia l'Oracle, car cet Empereur étant mort dans cette guerre, on apporta à Rome fes os, qui avoient été reprefentés par cette vigne rompue. Comme les Prêtres de cet Oracle fçavoient avec toute la terre, le deffein de Trajan, ils imaginerent heureusement cette réponse, qui ne pouvoit manquer, quoiqu'il arrivât, de recevoir une interprétation favorable, foit qu'il eût vaincu ou divifé les Parthes; foit que fon armée eût été défaite & féparée, &c.

pue.

&

Mais parmi les réponses des Oracles, il y en avoir quelques-unes de fingulieres. Crefus qui n'étoit pas content de celui de Delphes, quoiqu'il l'eût comblé de prefens, comme nous l'apprenons d'Herodote, envoya à deffein de le furprendre, demander à la Pythie, ce qu'il faifoit dans le temps même que fon Envoyé la confultoit. Elle lui répondit qu'il faifoit cuire alors un agneau avec une tortue; ce qui étoit vrai. Crefus qui avoit imaginé ce bizarre ragoût, dans l'ef perance qu'on ne devineroit jamais ce qu'il n'avoit revelé à perfonne, & ce qui en même - temps n'étoit pas de nature à être deviné, fut frappé de cette réponse: augmentation de crédulité, & de prefens; mais comme ce fait eft très fingulier, & qu'il renferme encore d'autres circontances, je vais rapporter ce qu'en dit Herodote ( 1 ), « Crefus voyant que la puiffance des Perfes augmentoit de jour liv. 1. en jour par la valeur de Cyrus, fongea à fe mettre en

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(1) Herod.

état de la renverfer. Avant que de rien entreprendre il envoya confulter les Oracles de la Grece, & de l'Afrique. Ainfi il nomma des Députés pour Delphes, pour Do→ done, d'autres pour l'Oracle d'Amphiaraus, pour celui de Trophonius, & pour celui des Branchides, qui étoit fur ⚫les frontieres des Milefiens. Il en dépêcha en Afrique pour ⚫aller à l'Oracle de Jupiter Ammon. Cette premiere démar

che n'étoit que pour fonder les Oracles; & fuppofé qu'ils » répondiffent quelque chofe de vrai, il se propofoit d'y envoyer une feconde fois, pour apprendre d'eux s'il s'engageroit dans l'entreprise qu'il meditoit contre les Perfes. Il commanda à ces Envoyés d'obferver exactement le temps qui fe feroit écoulé depuis leur départ de Sardes, & de demander lorfqu'ils les confulteroient, ce que faifoit Crefus ce jour-là. On ne dit point ce que répondirent les autres Oracles; mais quand ils furent arrivés à Delphes, à peine » étoient-ils entrés dans le Temple, que la Pythie leur dit en vers héroïques, qu'elle connoiffoit l'efpace immenfe de la mer, qu'elle fçavoit comme les Dieux le nombre des grains de fable qu'elle contient, qu'elle entendoit parler celui qui > ne parle jamais, que rien ne lui étoit caché; & qu'actuellement elle voyoit que dans un lieu éloigné on faifoit cuire »dans un pot de cuivre, avec un couvercle de même metal, » de la chair d'agneau mêlée avec de la chair de tortue. Lorf» que les Députés envoyés aux autres Oracles, arriverent, Ĉrefus examina avec grand foin les réponses qu'ils apportoient, & n'en fit aucun cas, fi ce n'eft de celle d'Amphiaraüs (fur laquelle notre Auteur ne nous donne aucun éclairciffement;) mais lorfque les Députés de Delphes ar> riverent, ce Prince fut frappé d'étonnement en apprenant la réponse de l'Oracle, & le regarda comme le plus infaillible de tous ».

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Un Gouverneur de Cilicie,obfedé d'Epicuriens qui tâchoient de lui infpirer du mepris pour les Oracles, refolut, comme le dit agreablement Plutarque, d'envoyer un Efpion chez les Dieux. Il lui donna un billet bien cacheté, pour le porter Malles, où étoit l'Oracle de Mopfus. Cet Envoyé coucha dans le Temple, & vit un homme fort bien fait, qui lui dir,

'Noir. Il porta au Gouverneur cette réponse, qui parut ridicule aux Epicuriens, à qui il la communiqua; mais lui, il en fut frappé d'étonnement, & en ouvrant le billet, il leur montra ces mots qu'il y avoit écrits: T'immolerai-je un bœuf blanc, ou noir?

Quelquefois les réponses des Oracles n'étoient qu'une fimple plaifanterie; témoin celle qui fut faite à un homme qui venoit demander, par quel moyen il pourroit devenir riche. Le Dieu lui répondit qu'il n'avoit qu'à poffeder tout ce qui étoit entre les Villes de Sicyone & de Corinthe. Et celle de ce Gouteux, à qui l'Oracle répondit que pour guerir, il n'avoit qu'à boire de l'eau froide.

Finiffons cet article par une réponse, que rapporte Strabon (1), & qui fut bien funefte à la Prêtrefle de Dodone (1) Strab. qui l'avoit rendue. Pendant la guerre des Thraces contre les pag. 177: Béotiens, ces derniers allerent confulter l'Oracle de Dodone, & la Prêtreffe leur répondit qu'ils auroient un heureux fuccès, s'ils en agiffoient en impies. Les Envoyés des Béotiens perfuadés que la Prêtreffe vouloit les tromper, pour favorifer les Pelafges dont elle defcendoit, & qui étoient Alliés des Thraces, prirent cette femme, & la firent brûler vive, difant que de quelque maniere qu'on tournât cette action, elle ne pouvoit qu'être touvée jufte. En effet, fi la Prêtreffe avoit eu deffein de les tromper, elle étoit punie de fa fourberie: fi elle avoit parlé fincerement, ils n'avoient fait qu'executer l'Oracle à la Lettre. On ne fe paya pas de cette raison, on fe faifit des Envoyés; mais comme on n'ofoit pas les punir, fans les avoir jugés auparavant, on les conduifit devant les deux Prêtreffes qui reftoient; car il devoit y en avoir trois alors à cet Oracle, felon le recit de Strabon. Les Deputés ayant reclamé contre cette conduite, on leur accorda deux hommes, pour les juger avec les Prêtreffes. Celles-ci ne manquerent pas de les condamner; mais les deux Juges leur furent plus favorables. Ainsi les voix étant partagées, ils furent abfous.

Remarquons en finiffant que comme les Prêtres tournoient en vers ce que la Pythie avoit dit dans fa fureur, ils en faifoient fouvent de fort mauvais. Les Epicuriens fur-tout s'en

mocquoient ouvertement, & difoient dans leurs railleries; qu'il étoit bien étonnant qu'Apollon, le Dieu de la Poëfie, fût bien plus mauvais Poëte qu'Homere, qu'il avoit infpiré lui-même. Souvent même les Poëtes étoient obligés, n'efperant pas faire fi bien, de fe fervir de ce fameux Poëte. Ce furent fans doute les railleries de ces Philofophes, & plus particulierement encore celles des Cyniques, & des Peripateticiens, qui obligerent les Prêtres à ne plus mettre en vers les réponses de la Pythie, ce qui fut, felon Plutarque, une des principales caufes de la décadence de l'Oracle de Delphes.

(1) Ser.

Gallai Differt.

de Sibyll.

Amft. 1688.

in quarto.
(2) Pet. Pe-

tit. de Sibylla.

Lip. 1686. in

octavo.

(3) De Reli.

Vet. Perf

A

CHAPITRE II.

Hiftoire des Sibylles.

U Chapitre des Oracles je dois joindre celui des Sibylles, dont les prédictions étoient, fur-tout pour les Romains, une espece d'Oracle permanent, qu'ils confultoient dans toutes les occasions où la Republique étoit menacée de quelque malheur.

On ne s'attend pas fans doute que je m'étende beaucoup fur un fujet déja traité à fond par plufieurs Sçavans; mais comme cette Mythologie doit être à l'ufage de tout le monde, & que fouvent on n'eft pas en état de confulter des Livres où l'Hebreu & le Grec fe trouvent entaffés fans ménagement, je ne fçaurois me difpenfer d'en dire du moins ce qu'on ne doit pas ignorer, renvoyant ceux qui voudroient approfondir davantage la matiere, aux fçavantes Differtations de Gallæus (1); au Traité qu'en a fait M. Petit (2), Medecin de Paris; à Van-Dale, à Thomas Hyde (3) & en particulier à Lactance, qui nous a confervé fur les Sibylles l'ancienne tradition qu'il avoit puifée dans les Ouvrages de Varron.

Pour rendre plus methodique ce que j'ai à dire dans ce Chapitre, je le divife en plufieurs Articles. J'examinerai, 1°. S'il eft vrai qu'il y ait eu des Sibylles. 2°. Combien il y en a eu. 3°. Sur quel fondement les Anciens ont cru qu'elles

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