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avoient le don de prédire l'avenir. 4°. De quelle maniere on avoit eu le Recueil de leurs préditions. 5°. Comment elles annonçoient leurs Oracles. 6°. Enfin, si on les a regardées com me des Divinités, & quel culte on leur a rendu.

ARTICLE PREMIER.

S'il y a eu des Sibylles.

LES Anciens donnerent le nom de Sibylles à un certain nombre de filles qu'ils croyoient avoir été douées du don de prédire l'avenir: foit que ce nom füt hebreu d'origine, comme l'ont prétendu Delrio, Peucerus, Neander, & quelques autres; ou latin, ainfi que le dit Suidas; ou Africain, comme le veut Paufanias (1); ou enfin Grec, comme (1) La Plioc Vaffurent la plupart des Sçavans. C'est ainsi qu'en a pensé Diodore, qui dérive ce nom d'un mot, qui dans la langue Grecque, fignifie infpiré, enthousiaste (a), parce qu'effectivement orr étoit perfuadé que les Sibylles étoient infpirées par les Dieux : mais de tous ceux qni ont cherché l'étymologie de ce nom, Lactance est celui dont le fentiment eft le plus generalement fuivi. Ce fçavant Auteur dit qu'il fignifie Confeil de Dieu : Omnes (fœminæ vates) Sibyllæ funt à veteribus nuncupatæ, vel ab anius Delphidis nomine, vel à confiliis Deorum enunciandis Zids enim, Deos, non es, & confilium, non Buxur, fed Buxur, appellabant Eolico fermonis genere ; itaque inde Sibyllam dictam, efe Συβολήν, (confilium Dei )

;

Quoiqu'il en foit, toute l'Antiquité confpire à établir l'exiftence de ces fortes de perfonnes; & fi l'on ne trouve point de tradition conftante für leur nombre, & qu'au contraire on varie beaucoup fur cet article, ainfi qu'on le verra dans la fuite, il n'en eft pas moins vrai qu'il y en a eu. On difpute fur leur nombre, fur leur pays, fur le temps auquel elles ont vêcu, &c. mais ces difputes-là même, prouvent qu'on a fup pofé leur exiftence; ainfi on ne fçauroit la nier fans renverfer ce que l'Antiquité a de plus certain, & fans contredire. en même-temps plufieurs Peres des premiers fiécles, qui ont fuivi le fentiment unanime des Anciens. Je n'ai pas deffein de

(1) In Phæd.

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rapporter tous les témoignages qu'on pourroit raffembler pour prouver cette verité; mais auffi je ne dois pas efperer qu'on m'en croira fur ma parole.

Platon (1), à l'occasion de cette forte de fureur dont quelques perfonnes font faifies, & qui les met en état de connoître l'avenir, après avoir fait mention de la Prêtreffe de Delphes, & de celles de Dodone, ajoute : « Si nous voulions parler de » la Sibylle, & des autres perfonnes qui ont été faifies de la » même fureur, nous perdrions notre temps & nos peines. (2) Prob. Ariftote (2) recherche quelle peut avoir été la cause qui ren30. Quæft. 1. doit les Sibylles capables de connoître l'avenir; & dès-là il (3) Liv. 4. fuppofe leur existence. Diodore de Sicile (3) est entré à ce fujer dans un plus grand d'étail, à l'occafion de Daphné fille de Tirefias, que les Epigones pour fatisfaire à leur vou, envoyerent à Delphes, après la prife de Thebes. « Cette fille, » dit cet Auteur, n'étoit pas moins fçavante que fon pere, dans, l'art de la divination, & elle y fit de très-grands progrès, après qu'elle eut été transportée à Delphes. Comme elle » étoit douée d'un efprit merveilleux, elle écrivit un grand → nombre d'Oracles de plufieurs manieres differentes les unes des autres. On dit que le Poëte Homere s'eft approprié plufieurs vers de Daphné, & qu'il s'en étoit fervi pour orner ses Poëmes. Comme cette fille étoit fouvent éprise d'une » fureur divine, en rendant fes réponses, on lui donna le nom de Sibylle; qui dans la langue du pays fignifioit enthousiaste. (4) Liv. 14. Strabon (4) fait mention de la Sibylle Erythrée, & d'une autre qui, felon lui, vivoit du temps d'Alexandre, & qu'on nommoit Athenaïs ; & ce même Auteur prétend dans un au(5) Liv.16. tre endroit (5), qu'il y en avoit eu une plus ancienne. Plutarque dans l'Opufcule où il recherche la caufe de la ceffation des Oracles, parle fort au long des Sibylles; & pour fermer la bouche à ceux qui n'ajoutoient pas foi à leurs Oracles, il rapporte plufieurs exemples de prifes de villes, de guerres, d'irruptions de Barbares, de migrations de differens Peuples, & plufieurs autres évenemens remarquables, qui étoient ar(6) Hiftor. rivés de la maniere dont elle les avoient prédits. Elien (6) Var. liv. 12. parle de quatre de ces Sibylles, comme nous le dirons dans (7) In Phoc. Î’Article fuivant. Paufanias (7) fait la discription du Rocher où

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habitoit

habitoit & où rendoit fes Oracles la Sibylle Erophile, qui vivoit avant le Siege de Troye, quoique, felon lui, elle ne fût pas la plus ancienne de toutes. Če même Auteur parle du Tombeau de cette Sibyle, & rapporte fon Epitaphe & quelques uns de fes Oracles (a). Stephanus, à l'article de Gergis, ville de la Troade, dit fur l'autorité de Phlegon, que la Sibylle qui y étoit née, s'appelloit Gergithie, & que le peuple de cette ville la reprefentoit fur fes monnoyes avec un Sphinx. Ariftophane, dans fa Comedie des Oifeaux, nomme trois Sibylles, dont l'une étoit foeur d'Apollon, l'autre étoit Erythréenne, & la troifiéme originaire de Sardes.

A ces temoignages je pourrois joindre celui de Varron, le plus fçavant des Romains, qui non feulement nomme dix Sibylles, mais qui cite en même temps les Auteurs anciens qui en avoient parlé, mais je referve ce qu'il en dit pour l'article fuivant; celui de Ciceron qui fait mention des Sibylles dans fes Livres de la Divination; celui de Virgile, qui dit des choses fi curieuses fur la Sibylle de Cumes; ceux de Pline, de Solin, du Philofophe Hermias, de Procope, d'Agathias, de Jamblique, d'Ammian Marcellin, de Juftin, & d'une infinité d'autres. J'y ajouterois ce que S. Juftin, martyr, Lactance, S. Jerôme, S. Auguftin, & d'autres Peres de l'Eglife en ont dit ; & je terminerois l'Hiftoire de cette tradition, par l'autorité de tous les Sçavans que j'ai cités au commencement de ce Chapitre. Il eft donc conftant, & on ne fçauroit le nier, qu'il y a eu en differens temps, & dans des lieux differens, des perfonnes aufquelles on a crû que les Dieux avoient accordé le don de connoître & de prédire l'avenir, & qui ont porté le nom de Sibylles.

ARTICLE I I.

Le nombre des Sibylles.

Si les Anciens font d'accord fur l'existence des Sibylles, il s'en faut bien qu'ils le foient fur leur nombre. La caufe de leur incertitude fur ce fujet, c'eft qu'une même Sibylle voya

(a) On rapportera dans le dernier article le Paffage entier de cet Auteur.

Rel. L. 1.c.6.

n

D

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geoit en plusieurs pays, & qu'après avoir demeuré quelque temps dans un lieu, & y avoir rendu des Oracles, elle paffoir dans un autre: fouvent même on donnoit differens noms à la même, tantót celui de fon pays, quelquefois celui des lieux où elle avoit sejourné. Cependant le sentiment le plus generalement reçu, eft celui de Varron, rapporté par Lactance; (1) De falf. & voici ce qu'en dit ce fçavant Pere de l'Eglife (1). Varron, » dans les Livres qu'il compofa fur les chofes divines, & ❤ qu'il dedia à C. Cefar, Souverain Pontife, lorsqu'il eft arri» vé à l'article des Quindecimvirs qui avoient la garde des Livres Sibyllins, dit que ces Livres n'étoient pas l'Ouvrage • d'une feule Sibylle, mais de dix; car il y en avoit tout » autant. Ensuite il les nomme les unes après les autres, avec » les Auteurs qui en avoient parlé avant lui. La premiere, dit-il, & la plus ancienne, étoit originaire de Perse, ainsi qu'on l'apprend de Nicanor, celui-là-même qui avoit écrit » l'Hiftoire d'Alexandre de Macedoine. La feconde étoit née dans la Libye, & Euripide en fait mention dans le Prologue de fa Tragedie, intitulée Lamia. La troifiéme étoit » de Delphes, comme on l'apprend dans le Livre de la Di» vination, composé par Chryfippe. La quatrième avoit pris » naiffance chez les Cimmeriens d'Italie; Nævius en parle » dans fon Histoire de la guerre Punique, & Pison dans fes » Annales. La cinquième étoit d'Erythrée, felon Apollodore qui étoit du même pays : celle-ci prédit aux Grecs qui alloient affieger Troye, l'heureux fuccès de leur entre prife, & en même temps, qu'Homere débiteroit un jour » bien des menfonges à ce fujet. La fixième étoit de Samos, » & son hiftoire se trouvoit dans les plus anciennes Annales des Samiens, comme on l'apprend comme on l'apprend d'Heratofthene. La septiéme, née à Cumes, fe nommoit Amalthée, felon quelques Auteurs, & felon d'autres, Demophile, ou Herophile: ce fut celle-là qui offrit à Tarquin l'ancien, un Recueil de vers Sibyllins, en neuf Livres. La huitiéme étoit l'Hellefpontine, née à Marpefe près de la ville de Gergis, dans la Troade: Heraclide de Pont difoit que celle-ci avoit vêcu du temps de Cyrus & de Solon. La neuviéme, aussi Phrygienne d'origine, rendoit fes Oracles à

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Ancyre, où elle faifoit fon fejour. La dixième enfin, nom❤mée Albunée, étoit de Tibur, ou Tivoli, & étoit honorée » comme une Divinité aux environs du fleuve Anienus ». Telles font les dix Sibylles qu'admettoit Varron : mais pour éclaircir ce quen difoit ce fçavant Romain, il eft neceffaire de faire ici quelques reflexions. 1°. Il ne dit pas le nom de la Sibylle de Perfe, que les Anciens appelloient Sambethe. 2o. Euripide parlant de la Sibylle Libyenne, dit qu'elle étoit fille de Jupiter & de Lamia. Elle voyagea en plufieurs endroits, à Samos, à Delphes, à Claros, &c. Ce font ces voyages, au refte, qui ont porté quelques Auteurs à dire que d'une Sibylle, on en avoit fait trois ou quatre. 3°. Diodore de Sicile nomme Daphné, la troifiéme des Sibylles de Varron, & dit qu'elle étoit née à Thebes en Béotie. 4°. Eusebe croit que la Sibylle Erythréenne, la plus celebre de toutes, vivoit, non du temps de la guerre de Troye, comme le croit Varron fur l'autorité d'Apollodore, mais fous le regne de Ro mulus. 5°. Celle de Samos, dont Varron ne dit pas le nom; s'appelloit felon Suidas, Pitho, ou la Perfuafion, & fuivant Eufebe, Eriphile.

Suidas, qui parle des Sibylles en Compilateur peu exact, a fait à leur fujet deux articles qui ne fe reffemblent pas ; quoique dans l'un & dans l'autre il en admette dix. Ainfi Gallæus s'eft trompé en difant qu'il en reconnoiffoit quatorze, comme Rofin en affurant qu'il n'en nommoit que neuf.

Elien au contraire (1), n'en admet que quatre, fçavoir, l'Ery- (1) Var. Hift. thréenne, l'Egyptienne, celle qui étoit née à Samos, & cel- L. 12. C. 35. les de Sardes en Lydie. Solin paroît perfuadé que leur nombre doit fe reduire à trois, celle de Sardes, celle de Cumes

& l'Erythréenne, en quoi il a été fuivi par Aufone (2), qui (2) Gryph, n'en admet auffi que trois :

Et tres fatidica nomen commune Sibylla
Quarum tergemini fatalia carmina libri.

Martianus Capella en retranche encore une, & ne reconnoît
que l'Erythréenne & la Phrygienne. Enfin Pierre Petit, dont
j'ai indiqué l'Ouvrage au commencement de ce Chapitre,
prétend qu'il n'y a jamais eu qu'une feule Sibylle, qui étoit

num. tern.

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