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habitoit & où rendoit fes Oracles la Sibylle Erophile, qui vivoit avant le Siege de Troye, quoique, felon lui, elle ne fut pas la plus ancienne de toutes. Ce même Auteur parle du Tombeau de cette Sibylle, & rapporte fon Epitaphe & quelques uns de fes Oracles (a). Stephanus, à l'article de Gergis, ville de la Troade, dit fur l'autorité de Phlegon, que la Sibylle qui y étoit née, s'appelloit Gergithie, & que le peuple de cette ville la reprefentoit fur fes monnoyes avec un Sphinx. Ariftophane, dans fa Comedie des Oifeaux, nomme trois Sibylles, dont l'une étoit foeur d'Apollon, l'autre étoit Erythréenne, & la troifiéme originaire de Sardes.

A ces temoignages je pourrois joindre celui de Varron, le plus fçavant des Romains, qui non feulement nomme dix Sibylles, mais qui cite en même temps les Auteurs anciens qui en avoient parlé, mais je referve ce qu'il en dit pour l'article fuivant; celui de Ciceron qui fait mention des Sibylles dans fes Livres de la Divination; celui de Virgile, qui dit des chofes fi curieuses fur la Sibylle de Cumes; ceux de Pline, de Solin, du Philofophe Hermias, de Procope, d'Agathias, de Jamblique, d'Ammian Marcellin, de Justin, & d'une infinité d'autres. J'y ajouterois ce que S. Juftin, martyr, Lactance, S. Jerôme, S. Auguftin, & d'autres Peres de l'Eglife en ont dit; & je terminerois l'Hiftoire de cette tradition, par l'autorité de tous les Sçavans que j'ai cités au commencement de ce Chapitre. Il est donc conftant, & on ne fçauroit le nier, qu'il y a eu en differens temps, & dans des lieux differens, des perfonnes ausquelles on a crû que les Dieux avoient accordé le don de connoître & de prédire l'avenir, & qui ont porté le nom de Sibylles.

ARTICLE

I I.

Le nombre des Sibylles.

Si les Anciens font d'accord fur l'existence des Sibylles, il s'en faut bien qu'ils le foient fur leur nombre. La caufe de leur incertitude fur ce fujet, c'eft qu'une même Sibylle voya

(a) On rapportera dans le dernier article le Paffage entier de cet Auteur.
Tome 1.
Vu

Rel. L. 1. c. 6.

D

geoit en plufieurs pays, & qu'après avoir demeuré quelque temps dans un lieu, & y avoir rendu des Oracles, elle paffoit dans un autre : souvent même on donnoit differens noms à la même, tantôt celui de fon pays, quelquefois celui des lieux où elle avoit fejourné. Cependant le fentiment le plus generalement reçu, eft celui de Varron, rapporté par Lactance; (1)De falf. & voici ce qu'en dit ce fçavant Pere de l'Eglife (1). Varron, » dans les Livres qu'il compofa fur les chofes divines, & ❤ qu'il dedia à C. Cefar, Souverain Pontife, lorsqu'il eft arrivé à l'article des Quindecimvirs qui avoient la garde des Livres Sibyllins, dit que ces Livres n'étoient pas l'Ouvrage d'une feule Sibylle, mais de dix; car il y en avoit tout » autant. Enfuite il les nomme les unes après les autres, avec » les Auteurs qui en avoient parlé avant lui. La premiere, dit-il, & la plus ancienne, étoit originaire de Perfe, ainsi qu'on l'apprend de Nicanor, celui-là-même qui avoit écrit l'Hiftoire d'Alexandre de Macedoine. La feconde étoit née dans la Libye, & Euripide en fait mention dans le Prologue de fa Tragedie, intitulée Lamia. La troifiéme étoit » de Delphes, comme on l'apprend dans le Livre de la Divination, compofé par Chryfippe. La quatriéme avoit pris » naiffance chez les Cimmeriens d'Italie; Nævius en parle » dans fon Histoire de la guerre Punique, & Pifon dans fes Annales. La cinquième étoit d'Erythrée, felon Apollodore qui étoit du même pays: celle-ci prédit aux Grecs qui alloient affieger Troye, l'heureux fuccès de leur entreprife, & en même temps, qu'Homere débiteroit un jour » bien des menfonges à ce fujet. La fixième étoit de Samos, » & son hiftoire fe trouvoit dans les plus anciennes Annales des Samiens comme on l'apprend d'Heratofthene. La feptiéme, née à Cumes, fe nommoit Amalthée, selon quelques Auteurs, & felon d'autres, Demophile, ou Herophile: ce fut celle-là qui offrit à Tarquin l'ancien, un » Recueil de vers Sibyllins, en neuf Livres. La huitiéme

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étoit l'Hellefpontine, née à Marpese près de la ville de Gergis, dans la Troade: Heraclide de Pont difoit que celle-ci avoit vêcu du temps de Cyrus & de Solon. La neu» viéme, auffi Phrygienne d'origine, rendoit fes Oracles à

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Ancyre, où elle faifoit fon fejour. La dixième enfin, nom❤mée Albunée, étoit de Tibur, ou Tivoli, & étoit honorée » comme une Divinité aux environs du fleuve Anienus ».

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Telles font les dix Sibylles qu'admettoit Varron: mais pour
éclaircir ce quen difoit ce fçavant Romain, il eft neceffaire
de faire ici quelques reflexions. 1°. Il ne dit pas le nom de la
Sibylle de Perfe, que les Anciens appelloient Sambethe. 2o.
Euripide parlant de la Sibylle Libyenne, dit qu'elle étoit fille
de Jupiter & de Lamia. Elle voyagea en plufieurs endroits
à Samos, à Delphes, à Claros, &c. Ce font ces voyages,
au refte, qui ont porté quelques Auteurs à dire que d'une
Sibylle, on en avoit fait trois ou quatre. 3°. Diodore de Si-
cile nomme Daphné, la troisiéme des Sibylles de Varron, &
dit qu'elle étoit née à Thebes en Béotie. 4°. Eusebe croit
que la Sibylle Erythréenne, la plus celebre de toutes, vi-
voit, non du temps de la guerre de Troye, comme le croit
Varron fur l'autorité d'Apollodore, mais fous le regne de Ro
mulus. 5°. Celle de Samos, dont Varron ne dit pas le nom,
s'appelloit felon Suidas, Pitho, ou la Perfuafion, & suivant
Eufebe, Eriphile.

Suidas, qui parle des Sibylles en Compilateur peu exact, a fait à leur fujet deux articles qui ne fe reffemblent pas ; quoique dans l'un & dans l'autre il en admette dix. Ainfi Gallæus s'eft trompé en difant qu'il en reconnoiffoit quatorze, comme Rosin en affurant qu'il n'en nommoit que neuf.

Elien au contraire (1), n'en admet que quatre, fçavoir, l'Ery- (1) Var. Hift. thréenne, l'Egyptienne, celle qui étoit née à Samos, & cel- L. 12. c. 35. les de Sardes en Lydie. Solin paroît perfuadé que leur nombre doit fe reduire à trois, celle de Sardes, celle de Cumes & l'Erythréenne, en quoi il a été suivi par Ausone (2), qui (2) Gryph, n'en admet auffi que trois :

9

aum. tern.

Et tres fatidica nomen commune Sibylla
Quarum tergemini fatalia carmina libri.

Martianus Capella en retranche encore une, & ne reconnoît
que l'Erythréenne & la Phrygienne. Enfin Pierre Petit, dont
j'ai indiqué l'Ouvrage au commencement de ce Chapitre,
prétend qu'il n'y a jamais eu qu'une feule Sibylle, qui étoit

l'Erythréenne ; & que fi elle a porté d'autres noms, comme celui de Cuméenne, &c. c'eft qu'elle avoit voyagé en differens pays, y avoit fejourné, & y avoit rendu fes Oracles. Ainfi on avoit fait à l'égard de cette Sibylle le contraire de ce qu'on faifoit ordinairement par rapport aux autres faits fabuleux. Car lorfque plufieurs perfonnes avoient porté le même nom, on chargeoit l'hiftoire de celle qui étoit la plus celebre, de toutes les avantures des autres; ce qui eft vrai en effet à l'égard d'Hercule, par exemple, comme nous le prouverons dans l'Hiftoire de ce Heros. Ici Varron, & les autres qui ont multiplié les Sibylles, ont partagé entre plufieurs les actions, les voyages, & les prédictions d'une feule. Ce fçavant Auteur employe plufieurs preuves pour établir fon fentiment, qu'on peut voir dans l'Ouvrage que j'ai cité; mais deux de celles qu'il croit les plus fortes, m'ont paru fouffrir quelque difficulté. La premiere eft, que Platon & Pline parlent de la Sibylle en nombre fingulier; le premier, dans le paffage que j'ai déja rapporté; le fecond s'exprime ainfi : Divinitas, & quædam focietas Calitum nobiliffima, ex feminis in Sibylla fuit, ex viris in Melampode apud Græcos, apud Romanos in Marcio. Mais ces deux autorités ne font rien moins que concluantes : Platon dans cet endroit de fon Dialogue, ne parloit des Sibylles qu'en paffant, & il lui fuffifoit de donner un exemple de la fureur Prophetique dont quelques perfonnes étoient faifies. On peut donner la même réponse fur ce que dit Pline, qui ne voulant auffi que donner quelques exemples de ceux qui avoient eu un commerce particulier avec les Dieux, a nommé Melampe & Marcion pour les hommes, & pour les femmes la Sibylle, fans pour cela avoir prétendu donner l'exclufion aux autres.

La feconde preuve de M. Petit paroît plus forte. Le Recueil des Vers Sibyllins étoit écrit en Grec ; or comment feroit-il arrivé que toutes les Sibylles euffent fçu cette Langue? Comment celle de Perfe, la Libyenne, l'Hellefpontine, la Sardienne, auroient-elles parlé grec dans des pays où les Grecs n'étoient pas connus de leur temps? Mais, qui eft-ce qui prétend que toutes les Sibylles ont parlé grec? Ne peut-on pas avoir traduit en grec leurs prédictions, qu'on recueilloit avec

le même foin que les Oracles de la Pythie? D'ailleurs, quoiqu'il foit vrai que les Livres Sibyllins que nous avons aujour d'hui foient en langue & en vers grecs, eft-il certain qu'ils l'ayent toujours été ? La Pythie rendoit fes réponses en profe, & c'étoient des gens prépofés qui les mettoient en vers, ainsi que nous l'avons dit dans le Chapitre précédent. Je fuppofe donc, & la fuppofition eft très-vraisemblable, que des Curieux recueilloient toutes les prédictions des Sibylles, du moins autant qu'ils pouvoient en trouver, & qu'ayant fait traduire celles qui étoient dans des langues étrangeres, ils les mirent en vers : c'eft ainfi apparemment que furent faits les Re cueils differens de ces prédictions.

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Thomas Hyde (1), dans fon Traité de la Religion des anciens Perfes, a fur les Sibylles un fentiment encore plus fingulier p. que celui de Pierre Petit, puifqu'il nie qu'il y en ait jamais eu aucune. Cette fable qui a eu tant de cours dans la Grece & dans l'Italie, tire, felon lui, son origine de la Perfe& de la Chaldée; & ce qui y a donné lieu, c'eft le figne de la Vierge, dont l'étoile la plus brillante s'appelloit, & fe nomme encore aujourd'hui l'Epi, ißuma, où zißßuλa, Spica. Or ce mot vient du Perfan Sambula, ou Sumbula, & fignifie dans cette langue un Epi de bled. Auffi les Perfes avoient-ils accoûtumé de reprefenter dans leurs Planispheres, cette étoile fous la figure d'une jeune fille qui tenoit à la main une poignée d'Epis. Comme les Perfes & les Chaldéens, dit ce Sçavant font les inventeurs de l'Aftrologie, & qu'ils tiroient leurs prédictions de l'infpection des Aftres, ils avoient une attention particuliere à ce Signe, comme reprefentant une Vierge.

Les Grecs, dit encore le même Auteur, qui apprirent des Peuples de l'Orient les Sciences & les Arts, & qui für la moindre équivoque inventoient des fables, ayant trouvé dans T'hiftoire de l'Aftrologie Perfanne le mot de Sambula, imaginerent la Sibylle Sambethe,& puis les autres: mais comme dans les fictions on n'efface pas entierement la tradition qui y a donné lieu, les mêmes Grecs regarderent toujours la Sibylle de Perfe, comme la plus ancienne de toutes.

Quelqu'ingenieufe que foit la conjecture du fçavant Anglois, elle ne fçauroit détruire le temoignage conftant de toute l'Ap

V u iij

(1) De Rel.

vet. Perfarum

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