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Dei. l. 18.

Ne croiroit-on pas entendre parler Ifaïe & les Evangeliftes?
Celle de Delphes en dit autant de la naiffance du Sauveur.

reponet

Non tardè veniet, tacitâ fed mente tenendum
Hoc opus; hoc memori femper qui corde
Hujus pertentant cor gaudia magna Propheta
Eximii, qui Virginea conceptus ab alvo
Prodibit, fine contactu maris, &c.

Puis oubliant qu'elle a parlé en veritable Prophete, elle re-
prend fon langage Payen, & fait mention de fes galanteries
avec Apollon:

Quod fuerim Phabo grata, ferens pretium.

Celle de Cumes, aprés avoir parlé de l'Incarnation ›

E cœlo veniens mortales induit artus,

débite à l'avanture plufieurs prédictions, que les Romains lui firent l'honneur de croire regarder leur Empire.

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On trouve parmi les prédictions de la Sibylle Erythrée, des vers Acroftiches, qui commencent chacun par des lettres qui forment ces mots, Jefus Chriftus, Dei Filius, Salvator. (1) De Civ. Voici ce qu'en dit faint Auguftin (1), « La Sibylle Erythrée a prophétilé d'une maniere bien claire touchant Jefus-Chrift: » j'en avois déja vû une traduction, mais elle étoit très - infidele, lorfque Flavianus, Proconful, homme très-fçavant, » me montra l'original grec, où étoit cette prédiction en » vers Acroftiches, dont chacun commençoit par une des Lettres qui compofent ces quatre mots Inos Xpisos, Ot8 το υιός, Σωτήρο

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La Sibylle de Samos, après avoir parlé de Dieu d'une maniere également fublime & orthodoxe, dit qu'il n'y a que lui qui merite d'être honoré.

Principium, finem, media omnia novit: ab ipfo
Omnia funt : folus Deus eft, neque eft Deus alter

Illum igitur folum exiftentem colite opificem mundi,
Qui folus è fæculo, & in faculum fuit, eftque futurus.

Celle de Cumes en Ionie, parle de la Resurrection de JefusChrift, de la fin du monde & du feu qui doit le consumer; puis elle prédit la deftruction de l'Empire d'Alexandre, fur les ruines duquel devoit être formée la puiffance des Romains.

L'Hellefpontine annonce fous Jefus - Chrift un fiécle aussi heureux que le fiécle d'or tant chanté par les Poëtes, & parle de l'Eclipfe qui devoit arriver à sa mort.

La Phrygienne prédit l'Annonciation, & la naiffance de Jefus-Chrift, conçu miraculeufement dans le fein d'une Vierge, fa Mort, fa Paffion & fa Refurrection; & comme fi elle avoit copié les Evangelistes, elle annonce qu'il fera voir fes pieds & fes mains à fes Apôtres:

Tum Dominus linquet manes, lucemque reviset,
Prima refurgendi lectis veftigia monftrans.
Porrò fuis primùm Dominus patefiet, eritque
Corporeus, ficut fuit ante, manufque pedesque
Oftendet, &c.

A ces prédictions fi claires & fi nettes, elle en joint d'autres fur les Idolâtres, qu'elle menace de la colere de Dieu, s'ils n'abandonnent le culte des Idoles. Elle voit le Jugement dernier, & Jefus-Chrift fur un Trône, qui vient juger tous les hommes. Elle n'oublie pas même les fignes qui doivent préceder ce dernier jour, ni la trompette qui fe fera entendre aux quatre coins du monde.

Enfin, celle de Tibur, ou Tivoli, parle auffi de la naiffance de Jefus-Chrift à Bethléem; mais fi celle de Cumes n'a prédit aux Romains que des profperités, celle-ci menace Rome des plus grands malheurs ; & après avoir fait un portrait odieux de cette Ville, elle annonce fa ruine prochaine.

Nunc Deus æternus difperdet teque tuofque ; Nec fuper ulla tui in terra monumenta manebunt. L'Auteur de cette Collection, au lieu d'inferer tant de prédictions, que Dieu ne revela jamais à des filles Payennes,

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auroit bien mieux caché fes fourberies, s'il y avoit mis plufieurs Oracles qu'on trouve d'elles dans les Auteurs profanes; mais il ne paroît pas qu'il les eût lus auffi exactement que Gallæus, Pierre Petit, & quelques autres qui les ont recueillis : un feul exemple que je vais rapporter d'après Paufanias, fervira à faire voir comme ils étoient conçus, & en même-temps de quelle maniere on les appliquoit aux évenemens. « Philippe, (1) In Ach. dit cet Auteur (1), ayant voulu donner bataille à Flaminius, fut taillé en pieces, & n'obtint la paix qu'à condition qu'il » évacueroit toutes les places qu'il occupoit dans la Grece; » encore cette paix, qui lui coûta bien cher, ne fut - elle qu'un vain nom, puisqu'au fond il devint l'efclave des Ro» mains. Ainfi l'on vit arriver ce que la Sibylle, fans doute infpirée d'en haut, avoit prédit long-temps auparavant, que l'Empire de Macedoine après être parvenu à un haut point de gloire fous Philippe fils d'Amyntas, tom» beroit en décadence & en ruine fous un autre Philip»pe; car l'Oracle qu'elle rendit étoit conçu en ces termes : Macedoniens, qui vous vantez d'obeir à des Rois iffus des anciens Rois d'Argos, apprenez que deux Philippes feront tout » votre bonheur & votre malheur. Le premier donnera des Maî» tres à de grandes Villes & à des Nations ; le fecond vaincu par des peuples fortis de l'Occident & de l'Orient, vous perdra fans refource, & vous couvrira d'une honte éternelle. En effet ajoute Paufanias, les Romains par qui le Royaume de Macedoine fut renverfé, étoient au couchant de l'Europe, & ils furent fecondés par Attalus Roi de Myfie, & par les Myfiens qui étoient à l'Orient.

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Il n'eft pas difficile de juger fur cet exemple, & fur plufieurs autres que je pourtois rapporter, que la plupart des prédictions des Sibylles, qu'on trouve encore dans d'anciens Auteurs, avoient été faites après coup.

Les Sibylles avoient prédit encore plufieurs autres renverfemens d'Empires, des tremblemens de terre, & d'autres malheurs, que les Payens croyoient être arrivés conformement à leurs prédictions, comme je l'ai déja dit. Apparemment qu'elles avoient parlé en particulier de ce grand tremblement de terre qui ébranla f'Ile de Rhodes jufques dans

fes fondemens, puifque l'Auteur que je viens de citer dit à cette occasion (1), que la prédiction de la Sibylle ne fe trouva (1) Ia Corint, que trop accomplie.

ARTICLE V.

De quelle maniere les Sibylles rendoient leurs Oracles, & ce qu'on doit penfer de la longue vie qu'on leur attribuoit. GALLEUS dans fa treiziéme Differtation fur les Sibylles, explique dans un grand détail toutes les manieres dont l'ave nir peut être revelé aux hommes: il rapporte tous les paffages de l'Ecriture Sainte, où il en eft fait mention, & recherche avec foin dans quel fens on peut dire que le Demon peut le connoître & le reveler. Je n'ai pas deffein de le fuivre dans des difcuffions qui me meneroient trop loin. Il faudroit avant toutes chofes, prouver que les Sibylles ont fait de veritables prédictions, & établir qui les leur avoit revelées ; & l'un & l'autre de ces deux articles fouffre de grandes difficultés. Rappellons ce que nous avons dit des Oracles, & appliquons-le aux Sibylles. Les Oracles étoient quelquefois rendus de vive voix, comme ceux de la Pythie de Delphes; la Sibylle de Cumes en Italie, rendoit quelquefois les fiens de la même maniere, puifqu'Helenus dit à Enée, en lui confeillant de la confulter quand il feroit arrivé en Italie, de la prier de ne point écrire fes prédictions fur des feuilles d'arbres, comme elle faifoit ordinairement; mais de les lui apprendre d'une autre maniere; ce qu'Enée execute à la lettre, lorfqu'il va la confulter:

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Foliis tantùm ne carmina manda,
Ne turbata volent rapidis ludibria ventis ;
Ipfa canas oro (2).

La Pythie après avoir demeuré quelque temps fur le Trepied,
entroit en fureur, & dans le tranfport qui l'agitoit elle rendoit
fes Oracles; la Sibylle étoit faifie de la même fureur, lorf-
quelle débitoit fes prédictions.

(2 ) Æn. L. 6

Sed pectus anhelum ;
Et rabie fera corda tument, majorque videri,

(1) Ibid.

(2)Met.L. 14:

(3) En. L. 6.

Nec mortale fonans, afflata eft numine quando
Jam propiore Dei (1).

Ovide en fait à peu près le même portrait

Tandemque Deo furibunda recepto,
Magna petis, dixit, &c (2).

Des Prêtres établis à Delphes avoient soin de recueillir ce que
la Pythie prononçoit dans fa fureur, & le mettoient en vers:
il y a bien de l'apparence qu'on en faifoit à peu près de même
des reponfes de la Sibylle, puifque toutes celles que l'Anti-
quité nous a tranfmifes, font auffi en vers.

Les Oracles fe rendoient de differentes autres manieres, ou en fonge, ou dans des billets cachetés, &c. on ne fçait pas de quelle forte les autres Sibylles rendoient les leurs : Virgile nous apprend feulement la maniere finguliere dont celle de Cumes avoit coutume d'annoncer les fiens. Elle les écrivoit fur des feuilles d'arbre, qu'elle arrangeoit à l'entrée de fa caverne ; & il falloit être affez habile & affez prompt, pour prendre ces feuilles dans le même ordre où elle les avoit laiffées. Car fi le vent, ou quelque autre accident venoit à les déranger, tout étoit perdu, & on étoit obligé de s'en retourner, fans efperer d'autre reponse:

Rupe fub ima
Fata canit, foliisque notas & nomina mandat.
Quæcumque in foliis defcripfit carmina Virgo,
Digerit in numerum, atque antro feclufa relinquit.
Illa manent immota locis, neque ab ordine cedunt.
Verùm eadem verfo tenuis cum cardine ventus
Impulit, & teneras turbavit janua frondes,
Nunquam deinde cavo volitantia prendere (axo
Nec revocare fitus, aut jungere carmina curat.
Inconfulti abeunt, fedemque odere Sibyllæ (3).

Virgile, au refte, n'avoit pas imaginé cette maniere dont la
Sibylle de Cumes rendoit fes Oracles; c'étoit une ancienne
tradition, qu'on trouve dans Varron. Ce fçavant Romain, au

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