lampe allumée dans le Temple de Minerve Poliade, entretenue par des Vierges qui obfervoient regulierement les mouvemens de la flamme. Les Arufpices l'observoient de même, comme nous le dirons dans la fuite. Une autre ancienne efpece de Pyromantie, étoit de remplir d'urine des veffies, qu'on jettoit dans le feu; & en observant de quelle maniere cette urine fortoit lorfque la veffie crevoit, on croyoit pouvoir prefager l'avenir: de même qu'en jettant de la poix dans le feu, & regardant de quelle maniere elle brûloit, ou faifant attention à la fumée, &c. On a imaginé plufieurs manieres de deviner par le moyen du feu; mais je ne m'étends que fur celles qui faifoient partie de l'Idolâtrie. La Géomantie fe pratiquoit en employant de la terre, comme fon nom le fait affez connoître. Elle confiftoit le plus fouvent à tracer des lignes ou des cercles, fur lefquels on croyoit pouvoir deviner ce qu'on avoit envie d'apprendre; ou à obferver les fentes & les crevaffes qui fe font naturellement, à la furface de la terre, d'où fortoient, difoit-on, des exhalaisons nous l'avons dit de l'antre de Delphes. La Divination par le moyen de l'air, s'exerçoit auffi de differentes manieres, ou en obfervant le vol des oifeaux & les cris de quelques animaux, ou en examinant de quel côté venoit le tonnerre, ou à l'occafion des metéores & des cometes; mais nous en parlerons dans l'Article des Augures & des Prodiges: enfin fur l'inspection des nuées, & ce fut une femme, nommée Anthufe, qui inventa du temps de l'Empereur Leon, cette forte de Divination, dont perfonne avant elle, fi nous en croyons Photius, ne s'étoit avifé. Il y avoit encore une infinité d'autres fortes de Divination, que je ne ferai que nommer, pour venir à celles qui étoient autorifées par les Loix & par la Religion. On appelloit Ornitomantie celle qu'on tiroit du vol ou du chant des oiseaux Cledonismantie celle qu'on tiroit de la voix. Ciceron remarque à cette occasion (1) que les Pythagoriciens obfervoient non- (1) De Div. feulement la voix des Dieux, mais auffi celle des hommes: liv. 1. Pythagorici non folùm voces Deorum obfervabant, fed hominum. La Divination par les lignes qui paroiffent dans la paul Divination a été le plus en vogue, & a duré le plus longtemps. Celle qui fe pratiquoit par le moyen des clefs, étoit nommée Clidomantie; par le tamis, Coftinomantie; par la farine, Alphitomantie; par le moyen de quelques pierres, Lithomanties par un ou plufieurs anneaux, Dactyliomantie; par l'évocation des morts, Pfycomantie; ou Sciomantie; par la flamme d'une lampe, Lychnomantie; par le moyen d'un miroir, Catoptromantie; lorfqu'on y employoit des figures de cire, elle étoit nommée Ceromantie, fi on la faifoit avec une hache ou une coignée, Axinomantie ; & quand on fe fervoit des nombres, Arithmomantie. On trouve encore d'autres efpeces de Divination dans l'Ouvrage de Ciceron; dans le quatriéme Livre de la Sageffe, par Cardan; dans Robert Flud, & ailleurs; mais en voilà trop, peut-être, fur une matiere fi vaine & fi frivole. Comme la plupart de ces Divinations faifoient partie de la fcience des Augures, des Aufpices, & des Arufpices, dont les fonctions étoient autorisées par les Loix des Romains, & faifoient tie de leur Religion, on verra dans le Chapitre suivant l'ufage qu'ils en faifoient. par L Des Augures, des Aufpices, & des Arufpices. E mot d'Augure a une double fignification; car il fe prend ou pour le préfage même, Augurium, ou pour la perfonne qui l'obfervoit Augur. A parler exactement, l'Augure fe prenoit fur les Phenomenes qui paroiffoient dans le ciel; l'Aufpice du vol & du chant des oiseaux, & l'Arufpice de l'infpection des entrailles des Victimes; cependant les Augures obfervoient auffi le chant des oifeaux ; & on croit même que c'eft de-là que fe tire le nom d'Augure,ab avium garritu. Quoiqu'il en foit, l'art des Augures eft très-ancien, puifqu'il étoit en ufage du temps de Moyfe, qui le défend ainsi que toute autre forte de Divination: Cave ne imitari velis abomi nationes (1) Deut. nationes illarum gentium, nec inveniatur in te qui luftret filium fuum, aut filiam, ducens per ignem ; aut qui ariolos fcifcitetur, & obfervet fomnia, atque auguria, &c. (1) On croit qu'il prit fon origine chez les Chaldéens, d'où les Grecs & enfuite les Ro- 18. v. 9.& 10, mains en avoient eu connoiffance. Ces derniers eurent tant d'eftime & de confideration pour cette fcience, qu'il y avoit une Loi des douze Tables, qui défendoit fous peine de la vie de défobeir aux Augures: Quæ Augur injufta, nefafta, vitiofa, dirave dixerit, irrita infeftaque funto: quique non paruerit, Capitale efto. Cet art étoit connu en Italie avant Romulus, puifque ce Prince ne bâtit la Ville de Rome qu'après avoir pris les augures. Les Etruriens le pratiquoient dès les temps les plus reculés, & s'y étoient rendus extrêmement habiles depuis que Tagès le leur eut enfeigné. Les Rois fucceffeurs de Romulus, pour ne pas laiffer perdre une science qu'ils croyoient fi utile, & en même-temps pour ne pas trop la divulguer, & la rendre par-là meprifable, firent venir d'Etrurie les Augures les plus habiles, pour la mettre en pratique dans les ceremonies religieufes, & pour l'apprendre à leurs Citoyens; & dans la fuite ils envoierent tous les ans en Tofcane de jeunes gens d'entre les meilleures familles de Rome, pour l'y étudier, comme je le prouverai dans la fuite (a). Romulus ne compofa d'abord ce College que de trois Augures, tirés des trois Tribus qui alors comprenoient tous les habitans de la ville, & Servius en ajouta un quatriéme. Pour entrer dans ce College il falloit être de race Patricienne, & la coutume de n'y en admettre point d'autres, dura jufqu'à l'an de Rome CCCCLIV. fous le Confulat de Q. Apuleius Panfa, & de M. Valerius Corvinus, que les Tribuns du peuple demanderent qu'on élevât des Plebéiens à la dignité d'Augure; ce qui leur fut accordé après quelques conteftations, & on en créa cinq du peuple : ainfi ce College fe trouva compofé de neuf perfonnes jufqu'au temps de Sylla, qui y en ajouta fix autres, comme on l'apprend de Tite-Live & de Florus; ou quinze, fuivant d'autres Hiftoriens, qui pretendent (a) Voyez la page 376. (1) La Loi Domitia. (2) Cic. de Leg. Agr. que fous ce Dictateur le College des Augures étoit compose de vingt-quatre perfonnes. Le Chef de ce College étoit nommé Magifter Augurum. Le nombre des Augures ne demeura cependant pas fixé à ceux qui compofoient ce College, puifqu'entre ceux qui étoient en charge, les Empereurs en avoient de particuliers pour eux qui demeuroient au Palais, & qui les fuivoient dans leurs voyages ; & qu'il y eut des villes, de celles qui étoient foumifes aux Romains, qui en avoient un fi grand nombre, que le College des Augures de Lyon, étoit compofé de trois cens perfonnes. Anciennement c'étoit le peuple affemblé qui élifoit les Augures, mais dans la fuite il fuffifoit que deux des plus anciens de chaque Curie en propofaffent un du nombre de ceux qui avoient étudié cette fcience; & après un ferieux examen, il étoit admis ou refufé par le College affemblé; & cette coutume dura jufqu'à l'an de Rome DCLI. que Marius, picqué qu'on eût élevé un autre que lui à la dignité d'Augure qu'il avoit follicitée, fit publier une Loi (1) qui attribuoit au peuple le pouvoir d'élire à l'avenir les Augures, les Pontifes, & les autres Prêtres (2); mais peu de temps après Sylla fit abroger cette Loi, & rendit aux Augures le droit d'élection dont la vengeance de Marius les avoit dépouillés. Ils n'en jouirent pas long-temps, car Jules Cefar qui afpiroit à la dignité de Souverain Pontife,& qui ne l'efperoit que par la faction du Peuple, engagea le Tribun Titius Attius Labienus à retablir la Loi Domitia. Il y eut encore d'autres changemens à ce fujet dans les temps de troubles qui agiterent la Republique; mais enfin Augufte après avoir mis fin aux guerres civiles, rendit au College des Augures le droit d'élection; ce qui dura juf qu'au temps où les Empereurs fe le reserverent. On prenoit de grandes précautions dans l'élection des Augures; & il falloit que celui qu'on élevoit à cette place, für d'une vie irréprochable, & n'eût aucun défaut de corps. Auffi fon caractere étoit indélebile, & on ne pouvoit le dépofer pour quelque fujet que ce fût. Leurs fonctions étoient trèsconfiderables par rapport à l'Etat & à la Religion. Le Senat ne pouvoit s'affembler qu'en un lieu qu'ils avoient confacré. Si pendant l'affemblée ou du Senat ou du Peuple, ils obfer voient quelque mauvais prefage, ils avoient le pouvoir de la rompre, comme auffi celui de caffer les Magiftrats dont l'élection avoit été faite fous de mauvais aufpices. Enfin on avoit une fi grande confideration pour les Augures & pour les chofes qu'ils annonçoient, qu'on prenoit pour des impies ceux qui les meprifoient, ou qui faifoient de leurs prédictions le fujet de leurs railleries. Auffi regarda-t'on comme une punition des Dieux la catastrophe de Claudius Pulcher, qui fit jetter les Poulets facrés dans la mer, parce qu'ils avoient refufé de manger ce qu'on leur avoit offert, en difant: S'ils ne veulent pas manger ils boiront. On ne faifoit point d'entreprise confiderable, point de guerre, point de fiege, fans avoir auparavant confulté les Augures. Si les prefages qu'ils tiroient dans ces occafions étoient favorables, profpera, ils répondoient, id aves addicunt, les oifeaux l'approuvoient: s'ils étoient mauvais, adverfa, infaufta, piacularia, leur réponse étoit, id aves abdicunt, les oifeaux le defapprouvent. Quand les prefages se presentoient d'euxmêmes, on les appelloit oblativa; & s'ils n'apparoiffoient que lors qu'on les cherchoit, impetrata. Les augures fe prenoient en differentes manieres, & toujours avec des ceremonies particulieres. On les tiroit du vol des oifeaux, & on obfervoit trois chofes; l'augure, augurium; l'aufpice, aufpicium; & le mouvement ou treffaillement, tripidium; des entrailles des animaux, & on l'appelloit l'extifpice: des Prodiges, ainfi que nous le dirons dans un article feparé des Metéores & des Phenomenes qui apparoiffoient dans le ciel; & de toutes les manieres de prendre l'augure, celle-ci étoit la plus authentique & la plus sûre, parce que ces fortes de Phenomenes ne fe réïteroient pas ordinairement dans un même jour. Ainfi quand le Chef des Augures vouloit rompre une affemblée, il lui fuffifoit de faire afficher qu'il avoit obfervé des fignes dans le Ciel, avec cette formule; alio die dixerit, pour un autre jour. Mais comme le Senat vit que le pouvoir des Augures pourroit autorifer bien des abus, il ordonna que ces fortes d'affiches ne romproient plus deformais les affemblées qui feroient légitimement convoquées. |