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(1) Trad. de Brebœuf.

en Etrurie, & les Tofcans s'y rendirent fi habiles; qu'ils devinrent les plus fçavans de tous les Arufpices, comme je l'ai déja dit. Il falloit même qu'elle fe fût repandue dans plufieurs parties de l'Italie avant la fondation de Rome, puifque Romulus établit dans fa nouvelle ville un College de trois Aufpices, en prenant un dans chaque Tribu.

L'Arufpice tiroit fes prefages des mouvemens de la Viĉime qu'on menoit au Sacrifice, de fes entrailles, & du feu qui la confumoit. Si la Victime fe laiffoit conduire fans fe débattre ; si elle ne jettoit point de cris extraordinaires quand on lui donnoit le coup mortel; fi elle ne fe déroboit point des mains de celui qui la conduifoit, c'étoit un bon augure, & un mauvais fi le contraire arrivoit. La Victime frappée, on lui ouvroit le ventre & on examinoit fes entrailles, fur-tout le foye, le cœur, la rate, les reins, & la langue : on avoit attention à leur couleur, & on obfervoit foigneufement s'il n'y paroiffoit point quelque flêtriffure, & fi chacune de fes parties étoit telle qu'elle devoit être.

Avant que d'ouvrir la Victime on affignoit un des lobes du foye à ceux qui offroient le Sacrifice, & l'autre aux ennemis de l'Etat. Celui qui fe trouvoit rouge & vermeil, ni plus ni moins gros qu'il ne falloit, fans Alêtriffure, fans tache, annonçoit les chofes les plus heureufes à ceux à qui il étoit destiné; celui qui étoit maigre, livide, &c. annonçoit le plus mauvais de tous les prefages. Lucain, qui a decrit avec beaucoup d'élegance toutes les operations des Arufpices, n'a pas oublié cette circonstance.

Au côté qu'il affigne à la force ennemie,

La couleur eft vermeille, & la chair affermie.
L'autre eft tout languiffant & tout defiguré,
Et, ce qui lui prononce un malheur affûré,
A la tête du foye une autre eft attachée, &c (1).

Après le foye, le coeur étoit la partie qu'on obfervoir avec le plus de foin. S'il palpitoit, s'il étoit maigre & plus petit qu'à f'ordinaire, tout cela étoit de mauvais augure; mais fi on ne trouvoit point de coeur dans la Victime, on en tiroit les préfages les plus finiftres. On aflûre que le jour que Cefar fur

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affaffiné, cette partie ne s'étoit point trouvée dans deux Victi
mes qu'on avoit immolées. La même chose arriva, dit-on,
à Caius Marius darīs un Sacrifice qu'il offrit à Utique en Afri-
que, & à l'Empereur Pertinax.

On en ufoit de même pour la rate, le fiel, & les poulmons;
& pour que l'augure füt bon, il falloit que ces trois parties
euffent à peu près les mêmes qualités que celles que devoient
avoir le cœur & le foye. Si les entrailles tomboient des mains
de celui qui les examinoit; fi elles jettoient une mauvaise
odeur; enfin fi elles étoient livides, fletries, ou trop bouffies,
l'Arufpice n'en prefageoit que des malheurs.

Après avoir fcrupuleufement examiné les entrailles de la Victime, on allumoit le feu, & on tiroit plusieurs augures dé la maniere dont il brûloit. Si la flamme étoit claire, fi elle s'élevoit fans fe feparer, fi elle ne s'éteignoit qu'après avoir éntierement confumé la Victime, c'étoit une marque infaillible que le Sacrifice étoit agréable ; fi au-contraite on avoit eu de la peine à allumer le feu, fi la flamme se separoit, fi au-lieu de s'attacher à la Victime, elle ne faifoit que rouler autour, fi elle descendoit en bas, le prefage étoit mauvais.

L'Arufpice tiroit encore fes pronoftiques du vin dont on fe fervoit pour la Libation. S'il perdoit fa couleur & fon goût, l'augure étoit mauvais : c'eft, au rapport de Virgile (1), ce qui (1) Æneid. arriva à Didon, lorfqu'offrant un Sacrifice elle s'apperçut que le vin s'étoit changé en un fang noir & corrompu,

Latices nigrefcere facros,

Fufaque in obfcænum fe vertere vina cruorem.

De même qu'à Xerxès, qui, felon Valere Maxime, foupant
la veille qu'il devoit affieger la ville de Sparte, vit avec éton-
nement le vin qu'on lui fervoit à boire, fe changer par trois
fois en fang: Infufum namque pateræ ejus vinum, in fanguinem
nec femel, fed iterùm & tertiò converfum.

Tels étoient les prefages que tiroient les Augures, les Auf-
pices & les Arufpices: mais comme il y en avoit encore plu-
fieurs autres que chaque particulier pouvoit obferver, je vais
en parler dans le Chapitre fuivant.

L. 4. V. 453.

CHAPITRE V.

Des Prefages & des Prodiges.

ONSIEUR Simon, dans une Differtation dont l'Ex

MR

trait eft imprimé dans le premier Volume des Memoires(1) Pag. 54. de l'Academie des Belles-Lettres (1), reduit à fept efpeces les Prefages dont il eft queftion dans ce Chapitre. 1°. Les paroles fortuites, qui fe divifoient encore en deux claffes; celles dont on ignoroit l'auteur, & qu'on appelloit voix divines: telle fut la voix qui avertit, fans qu'on fçût d'où elle venoit les Romains de l'approche des Gaulois, & à laquelle on bâtit un Temple, fous le nom d'Aius Loquutius. Ces mêmes paroles étoient appellées voix humaines, lorfqu'on fçavoit qui lesavoit prononcées. On fe fervoit de cette forte de Prefage, ou en recueillant les premieres paroles qu'on entendoit au fortir de la maison, ou en envoyant un efclave dans la rue, pour rapporter les premiers mots qu'il entendroit. On peut rapporter à ce Préfage celui qu'on tiroit des paroles que prononçoient les enfans en jouant, & qu'on prenoit en bonne ou mauvaise

part.

2o. Les treffaillemens de quelques parties du corps, principalement des yeux, des fourcils, & du cœur, formoient la feconde efpece de Prefages. Le treffaillement de l'œil droit & des fourcils, étoit un figne heureux; celui du cœur, ou fes palpitations, étoient de mauvais augure, & prefageoient, felon Melampus, la trahifon d'un ami. L'engourdiffement du petit doigt, & le treffaillement du pouce de la main gauche, ne fignifioient rien de favorable. 3°. Les tintemens d'oreille & les bruits qu'on croyoit entendre quelquefois, étoient auss de mauvais Prefages: de là cette ancienne Epigramme,

Garrula quid toties refonas mihi noctibus auris?
Nefcio quem dicis nunc meminiffe mei.

4°. Les éternuemens du matin n'étoient pas de bon augure
ceux de l'après-midi l'étoient. 5°.Les chutes imprévues étoient

toujours de mauvais prefages, même celles des Statues: ainsi celles de Neron s'étant trouvées renverfées un premier jour de Janvier, on en augura la mort prochaine de ce Prince. Si en fortant on heurtoit avec le pied contre le feuil de la porte; fi l'on rompoit par quelque effort les cordons de fes fouliers; ou qu'en fe levant de fon fiége on fe fentît retenu par la robe, tout cela étoit pris à mavais augure.

6°. La rencontre de certaines perfonnes ou de certains animaux, étoient de bons ou de mauvais prefages. Si on rencontroit le matin un Ethiopien, un Nain, un Eunuque, un homme contrefait, on ne manquoit pas de rentrer auffi-tôt dans fa maison, & d'y demeurer tout le refte du jour. La rencontre d'un ferpent, d'un loup, d'un renard, d'un chien, d'un chat; le cris d'une fouris, &c. ne prefageoient que des malheurs. Le lion, les fourmis, les abeilles, étoient au-contraire d'un heureux prefage. 7°. Il y avoit encore des noms de bon ou de mauvais augure; & on obfervoit très-fcrupuleusement que les premiers foldats qu'on enrolloit, que les enfans qui fervoient aux Sacrifices, que ceux qui faifoient la Dedicace d'un Temple, euffent des noms heureux; & on déteftoit ceux qui fignifioient des chofes triftes & defagréables.

On pourroit encore ajouter plufieurs autres prefages à ceux que nous venons de rapporter : mais que nous apprendroit ce détail, fi-non que la fuperftition des Payens n'avoit point de bornes, puifqu'il n'y avoit, fur-tout parmi les Romains, prefque aucune action de la vie, pour laquelle on n'eût recours aux prefages; aucune où l'on crût pouvoir les négli ger ? mais cette attention avoit lieu fur-tout dans toutes les ceremonies de Religion, dans les Actes publics, qui par cette raifon commençoient tous par ce préambule: Quod felix, fauftum, fortunatumque fit; dans les mariages, à la naiffance des enfans, dans les voyages, dans les repas, &c. Mais il ne fuffifoit pas d'obferver les prefages, il falloit les accepter quand ils étoient favorables, en remercier les Dieux, leur en demander l'accompliffement, & même les prier d'en envoyer de nouveaux qui confirmaffent les premiers ; & lorfqu'ils étoient mauvais, les prier d'en détourner l'effet: Quod Di prius omen in ipfum convertant (1), dit Sinon dans Virgile, en parlant de (1) Virg. Æn

Les Romains avoient des Dieux particuliers qu'ils invoquoient, & aufquels ils facrifioient, lorfqu'il s'agiffoit de détourner les mauvais prefages, & d'en prévenir l'effet; & ces Dieux étoient nommés Averrunci, ou Averruncani, du vieux mot latin averruncare, qui fignifioit, éloigner, détourner. Mais indépendamment du fecours de ces Dieux, on croyoit pouvoir remedier aux prefages en bien d'autres manieres, puisque pour détourner l'effet d'un discours, ou d'un objet defagréable, il fuffifoit de cracher promptement, comme pour rejetter le venin que l'on avoit refpiré. On obfervoit avec une attention fcrupuleuse, lorfqu'on ne pouvoit éviter de fe fervir de mots de mauvaife augure, d'adoucir les termes, & d'éloigner autant qu'il étoit poffible, l'idée funefte qu'ils faifoient naître naturellement : ainfi au-lieu de dire qu'un homme étoit mort, on difoit qu'il avoit vêcu, vixit. A Athenes on appelloit une prifon, la maison; le Boureau, l'homme public; les Furies, les Eumenides ou les Déeffes pitoyables, ainfi du refte. Les Prodiges.

De tous les Prefages, les Prodiges étoient les plus mauvais, & ceux pour lefquels la Religion payenne prefcrivoit les plus grandes Ceremonies. Lorfque le prodige étoit fuivi de quelque évenement funefte, on ne manquoit pas de croire qu'il en étoit la caufe, ou qu'il étoit arrivé pour l'annoncer. Tite-Live, Denys d'Halicarnaffe & les autres Hiftoriens n'ont pas manqué d'inferer dans leurs Ouvrages les prodiges, que les Annales qu'ils confultoient leur apprenoient être arrivés en differens temps, & de marquer les triftes évenemens qui les avoient fuivis. Pline en rapporte auffi un grand nombre, ainfi que Valere Maxime, & Julius Obfequens en a fait une compilation. Je n'ai pas deffein de m'étendre beaucoup fus un fujet fi connu, & la Differtation de M. Freret, imprimée (1) T. 4. p. dans les Memoires de l'Academie des Belles-Lettres (1), eft propre à épargner bien des lectures à ce fujer.

411.

peut reduire à deux claffes tous les Prodiges dont par→ lent les Anciens. Dans la premiere, on comprend ces mirane cles du Paganifme, qu'il femble qu'on peut expliquer fans recourir à une caufe furnaturelle. Tel étoit entr'autres celui

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