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Dieux, quoique d'une maniere generale ; & de ce qu'il en
dit, Selden a bien fçu tirer le rapport qui fe trouve entre les
paroles de Moyfe, & ce que l'Antiquité nous apprend des
Dieux des Egyptiens. En effet lorfque ce faint Legislateur
dit (1) aux Juifs, qu'ils n'avoient vû aucune figure, aucune (1) Deut. c. 4.
V. 16. & feq.
image, lorfque Dieu leur parla à Horeb, de peur que feduits
par-là ils ne fuffent portés à faire des representations d'homme
ou de femme; Non vidiftis aliquam fimilitudinem in die quâ
locutus eft vobis Dominus in Horeb, de medio ignis, ne fortè
decepti, faciatis vobis fculptam fimilitudinem aut imaginem maf-
euli vel fœminæ ; il paroît que cela regarde les figures des Dieux
reprefentés par les Egyptiens fous une forme humaine. Lorf-
qu'il ajoute enfuite, ni la reflemblance d'aucun animal qui foir
fur la terre: fimilitudinem omnium jumentorum quæ funt fuper
terram, il femble faire allusion aux bœufs Apis & Mnevis, au
bouc adoré à Mendès; aux chats & aux chiens, c'est-à-dire,
à la Déeffe de Bubafte & au Dieu Anubis, representés fous
les figures de ces animaux. Par ces mots, vel avium fub cœlo
volantium, ou des oifeaux qui volent dans le ciel, on voit bien
qu'il fait allusion aux oiseaux adorés dans le même Pays, tels
que l'Ibis, l'Ichneumon & quelques autres: & par ceux-ci,
ou des reptiles qui fe meuvent fur la terre, ou des poiffons qui font
dans les eaux; atque reptilium qui moventur in terra; five pif-
cium qui fub terra moventur in aquis, il entend l'Oxyrinchus,
te Crocodile, en un mot, les poiffons & les infectes qui fu-
rent l'objet du culte de ce Peuple fuperftitieux. Enfin lorf-
qu'il dit à fon Peuple,» de peur qu'élevant vos yeux au ciel,
& y voyant le Soleil, la Lune & les autres Aftres, trom-
pés & deçus vous ne les adoriez & vous n'addreffiez vos
vœux vers des créatures que le Seigneur a formées pour
l'utilité de toutes les Nations qui font fous le ciel » ; ne
ne fortè
elevatis oculis ad cœlum, videas Solem & Lunam, & omnia
Aftra cæli, & errore deceptus adores ea, & colas
quæ creavit
Dominus tuus in minifterium cunctis gentibus quæ fub cœlo funt (2); (2) Ibid.'-
il paroît qu'il a voulu indiquer & détruire le Sabifme, qu'il
met le dernier, quoique vraisemblablement il ait été la plus
ancienne Religion des Egyptiens, qui, comme je l'ai remar-
qué, & cela regarde auffi toutes les Nations idolâtres, ado-

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D

Liv. 2.

rerent les Aftres avant que d'en venir aux autres parties de la nature, & enfin aux hommes déifiés, qui fut, felon moi, le dernier excès de l'Idolâtrie.

Quoiqu'il en foit, le plus ancien des Hiftoriens profanes, & celui qui parle d'une maniere plus fçavante de la Religion des Egyptiens, eft Herodote ; ainfi avant que d'entrer dans le détail des Divinités de cet aneien Peuple, je dois rapporter (1) Herodote, tout ce qu'il en dit. Les Egyptiens, felon lui (1), font les premiers de tous les Peuples qui ont fçu le nom des douze grands Dieux; & c'eft d'eux que les Grecs les avoient appris. Ils font auffi les premiers qui ayent élevé des Autels aux Dieux, qui en ont fait des reprefentations, qui leur ont élevé des Temples, & qui ont eu des Prêtres pour les fervir, excluant totalement le fexe du Sacerdoce. Jamais aucun Peuxxxple, continue-t'il, ne fut plus religieux. Il y a en Egypte deux

fortes d'Ecriture; l'une commune, & l'autre facrée, & celleSe ci eft uniquement deftinée aux myfteres de la Religion. Les Prêtres de ce pays, fe rafent tous le corps de trois jours en trois jours. Vétus de lin, avec des fouliers faits de la plante nommée Papyrus, il ne leur eft pas permis de porter d'autres habits, ni d'autre chauffure. Ils font obligés de fe laver dans de l'eau froide deux fois le jour, & deux fois la nuit. Obligés de faire un choix fcrupuleux des Victimes qu'ils doivent of frir à leurs Dieux, ils feroient punis de mort s'ils en immoloient quelqu'une qui n'eût pas les qualités requifes. La Victime conduite à l'Autel, ils allument un bûcher, & après avoir fait une libation avec du vin, ils l'immolent, lui coupent la tête, & écorchent le reste du corps pour la tête, après l'avoir comblée de maledictions, ils la portent au marché, & la vendent aux Marchands Grecs ; & s'il ne s'y en trouve point de cette Nation, ils la jettent dans le fleuve. La malediction qu'ils lancent contre cette partie de la Victime eft telle: S'il doit arriver quelque mal dans toute l'Egypte, qu'il retombe fur cette tête. C'est ainfi, continue notre Auteur, qu'on facrifie dans toute l'étendue du Royaume, & qu'on a en fi grande abomination les têtes des Victimes, qu'on s'abftient même de manger celle d'aucun animal. La Victime étant écorchée, & les Prêtres ayant fait quelques prieres, ils en tirent le ventre,

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& y laiffent le refte des entrailles & la graiffe, coupent les
jambes de la bête, le rein & les épaules; & mettent dans fon
corps des pains purs, du miel, des raifins, des figues, de
l'encens, de la myrrhe & d'autres odeurs; & après y avoir
repandu de l'huile, ils diftribuent le refte de la Victime
le feftin. Les Prêtres n'offrent le Sacrifice qu'à jeun, & tou-
tes les Victimes doivent être des mâles, les femelles étant
confacrées à Ifis.

pour

Au refte; (c'est toujours Herodote que je copie, ) les Egyptiens n'adorent pas tous les mêmes Dieux, li ce n'eft Ifis & Ofiris, leurs grandes Divinités. Ils penfent qu'Ofiris eft le même que Bacchus ou Dionyfus. Ceux qui habitent la Thebaïde, ont un grand refpect pour les brebis, & n'immolent que des chevres ; pendant que ceux de Mendès reverent les chevres, & n'offrent à leur Dieu que des brebis. Les premiers rendent cette raifon de la veneration qu'ils ont pour les brebis. Hercule, difent-ils, ayant une grande paffion de voir Jupiter, ce Dieu prit la depouille d'un Belier, & lui apparut fous ce déguisement. Voilà, ajoute cet Hiftorien, la raifon pour laquelle les Thebains reprefentent Jupiter avec une tête de Belier, qu'ils regardent cet animal comme facré, & s'abftiennent d'en offrir en Sacrifice, fi ce n'eft une fois l'an, au jour de la fête de Jupiter; dans laquelle pour éterniser la memoire de fon apparition à Hercule, ils en immolent un, couvrent de fa depouille la Statue de ce Dieu, & placent auprès d'elle celle de fon fils, comme s'il lui apparoiffoit de nouveau.

R

D

n'étoit

J'ai appris, dit toujours Herodote, que les Egyptiens > mettoient leur Hercule au nombre de leurs douze grands > Dieux : car pour l'Hercule Grec, ajoute-t'il, je n'en ai rien pu apprendre dans le Pays. D'où l'on doit conclure que ce des Grecs que pas les Egyptiens avoient reçû le » nom de ce Dieu; mais qu'au contraire les Grecs l'avoient appris des Egyptiens : & ce qui le perfuade, c'eft qu'Amphitryon & Alcmene, que les Grecs difent être le pere & la mere d'Hercule, étoient originaires d'Egypte. D'ailleurs les Egyptiens n'ont aucune connoiffance ni de Neptune,

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» Grecs le nom feul d'Hercule, fans jamais avoir rien oui dire des autres Dieux des Grecs »?

Herodote qui paroît avoir été particulierement curieux de ce qui regarde ce Dieu, dit que pour mieux s'en éclaircir il étoit allé à Tyr, ville de Phenicie, parce qu'il avoit appris qu'Hercule avoit un Temple celebre dans cette ville; qu'il trouva en effet ce Temple orné de magnifiques presens, & qu'il y avoit deux Statues de ce Dieu, une d'or, & l'autre d'une pierre precieuse, qui jettoit pendant la nuit un grand éclat; qu'il avoit demandé aux Prêtres fi ce Temple étoit ancien ; & qu'ils lui avoient repondu, qu'il l'étoit autant que la ville, qui avoit été bâtie depuis deux mille trois cens ans; époque plus ancienne que les Grecs. Il ajoute qu'il y avoit dans la même ville un autre Temple, dedié à Hercule Thafius, & que s'étant tranfporté à Thafe, il y avoit vû un Temple bâti en l'honneur de ce Dieu, par ceux qui enleverent Europe, évenement qui précéde de cinq generations la naiffance de l'Hercule Grec d'où il conclut qu'Hercule eft une ancienne Divinité, & que les Grecs font bien d'en honorer deux, l'un comme un Dieu immortel (a), l'autre comme un Heros (b.

:

Ce même Hiftorien ajoute encore plufieurs chofes concernant la Religion des Egyptiens, leurs Fêtes & leurs Sacrifices, que je rapporterai dans la fuite.

Je fuis très perfuadé, comme je l'ai dit ailleurs, que l'Idolâtrie fut moins groffiere & moins chargée de ceremonies dans fes commencemens qu'elle ne le fut dans la suite, & que le Peuple dont je parle, n'admit d'abord qu'un petit nombre de Dieux, c'eft-à-dire, les Aftres & les Elemens. Si nous en croyons même Plutarque, il ne faut pas confondre avec le refte de l'Egypte, les Thebains, dont la Religion étoit beaucoup plus pure que celle des autres Egyptiens. Les habitans de la Thebaide, dit cet Auteur, fuivant la correction de Voffius, font exempts de ces fuperftitions, puisqu'ils ne reconnoiffent aucun Dieu mortel, n'admettant pour premier principe que le Dieu Cneph, qui n'a point de commencement, & qui n'eft

(a) Surnommé l'Olympien.

(b) Voyez Tome III. l'Article des Heros.

Deor.

point Jujet à la mort (a). On ne doit pas même douter que tant de figures monftrueufes fous lefquelles les Egyptiens representoient leurs Dieux, ne fuffent l'ouvrage, ou de l'impofture des Prêtres, ou des rêveries de ceux de leurs Philofophes qui admettoient la Metempsycofe, ou le fruit de l'imagination des Peintres & des Sculpteurs. Ciceron le difoit des Dieux Romains: les Dieux prefentent les figures qu'il a plu aux Peintres & aux Sculpteurs de leur donner, Nos Deos omnes eâ facie novimus, quâ pictores fictoresque voluerunt (1). Cette licence ne re- (1) De Nat. garde pas les premiers temps, où peut-être même les Egyptiens n'avoient pas encore fongé à reprefenter leurs Dieux fous les figures des hommes ou des animaux. J'ajoute que cette derniere forte de representation doit fon origine à l'opinion de la Metempsycofe, qui enfeignoit que l'ame paffoit après la mort dans le corps des animaux. De-là ces figures monftrueuses de tant de Divinités Egyptiennes, dont les unes paroiffoient avec des têtes de chat, de finge, d'épervier, d'ibis, de chien, &c. telles qu'on les voit dans les Cabinets des curieux : mais j'expliquerai dans un Chapitre de ce Livre, cette partie de la Mythologie des Egyptiens.

Herodote parle en plufieurs endroits, tantôt des huit grands Dieux, puis de douze autres adorés des Egyptiens; mais il ne les nomme pas exactement.

Quoique Ifis & Ofiris fuffent, fuivant cet Auteur & tous les Anciens, les Dieux les plus refpectables de l'Egypte, & qu'ils fuffent honorés dans tout le pays, au lieu que les autres ne l'étoient que dans des Nomes (b) particuliers, cependant je crois qu'ils n'ont pas été les premiers ni les plus anciens : voici l'ordre dans lequel les placent les Mythologues. Ils mettent à la tête de leur lifte Vulcain & Vesta, c'est-à dire le feu; puis viennent Saturne, Rhea, Cerès, Neith ou Minerve, le Nil, ou plûtôt l'Ocean; car ce fleuve anciennement s'appelloit ainfi ; Jupiter, Junon, Mars, Hammon, confondu dans la fuite avec Jupiter, & enfin un troifiéme Jupiter furnommé Uranius, ou le celefte. Après ces douze grands Dieux

(a) Voyez ce qu'on dira de ce Dieu dans la fuite.

6) Ce mot fignifie les differentes Préfectures, ou les differens Gouverneurs de l'Egypte.

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