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recueilli dans fes Metamorphofes la plupart des anciennes
traditions des Grecs, raconte ainsi cette fable (1).

(1) Met. L. 5.

Jupiter devint amoureux d'Io; & pour éviter la fureur de Fable d'Io.
Junon, jalouse de cette intrigue, il la changea en vache. Ju-
non qui parut touchée de la beauté de cette vache, la lui
peur

ayant demandée, & Jupiter n'ayant ofé la lui refuser, de
d'augmenter ses soupçons, elle la donna en garde à Argus qui
avoit cent yeux, lui ordonnant d'employer tous fes foins,
pour empêcher qu'elle ne lui fût enlevée. Mais Jupiter envoya
Mercure, qui ayant endormi le vigilant gardien par les doux
accents de fa flûte, lui coupa la tête, & delivra Io. Junon
irritée envoya une Furie pour perfecuter cette malheureuse
Princeffe, qui fut fi agitée des remords qu'elle lui inspira,
qu'ayant traversé la mer, elle alla d'abord dans l'Illyrie,
paffa le mont Hemus, arriva en Scythie, & dans le
pays des
Cimmeriens, & après avoir erré dans differens autres pays,
elle s'arrêta enfin fur les bords du Nil, où Jupiter ayant
appaifé Junon, lui rendit fa premiere figure. Ce fut là qu'elle
accoucha d'Epaphus; & étant morte quelque temps après,
les Egyptiens l'honorerent fous le nom d'Isis.

Il eft aifé de voir que c'est-là une veritable histoire, defi-
gurée par
les fictions qu'on y a mêlées ; mais il eft très-diffi-
cile d'en bien découvrir la verité. Il y a trois opinions fur la
fameufe Io.

La premiere eft celle de prefque tous les Grecs (a), qui
pour fe faire honneur d'une Déesse fi renommée, ont publié
qu'elle étoit fille d'Inachus, premier Roi d'Argos; que Jupiter
Fenleva, & l'emmena dans l'Ifle de Crete; qu'il en eut un
fils, nommé Epaphus, Roi d'Egypte, pere de Libye (2);
qu'elle paffa enfuite en Egypte, où elle époufa Ofiris. Les
mêmes Auteurs difent que cet Ofiris (3) étoit le même
qu'Apis, fils de Phoronée, fecond Roi d'Argos, qui ayant
laiffé le Royaume à Egialée fon frere, alla s'établir en Egypte,
où il fe rendit fi fameux pendant fon regne, qu'il merita d'être
mis après la mort au rang des Dieux, fous le nom de Serapis.

Suivant cette idée, on explique fort bien la fable d'Ovide, en difant que lo Prêtreffe de Junon, fut aimée de Jupiter (a) Apollodore, Liv. I. Chap. VI. Paufanias, Strabon, Diodore, &c.

(2) Voyez le

Tome II.

(3) Voyez

Diodore.

De Idol. L. 1.

(1) Voffius Apis, Roi d'Argos (1) ; que Niobé fa femme, qui s'appelloit auffi Junon, en ayant conçu de la jaloufie, la mit sous la garde de fon oncle Argus, homme très-vigilant, ce qui lui a fait donner par les Poëtes ce grand nombre d'yeux; qu'Apis le fit mourir pour ravoir fa maîtreffe; que celle-ci pour éviter la vengeance de Niobé, s'embarqua fur un vaiffeau qui portoit la figure d'une vache fur fa proue, ce qui donna lieu à sa metamorphofe ; & qu'elle accoucha d'Epaphus dont elle étoit groffe. Mais il ne faut pas s'imaginer, comme quelques Auteurs l'ont cru, qu'elle paffa en Egypte, & qu'après avoir changé de nom, les Egyptiens l'honorerent comme une Déeffe, qu'en un mot, elle foit la même qu'Ifis. Il ne faut pas croire non plus, que Serapis foit le même qu'Ofiris. Je fçais que S. Auguftin après Varron, fait venir le nom de Serapis, de celui d'Apis Roi d'Argos, & du mot Soros, qui veut dire un cercueil, parce qu'avant qu'on lui eût bâti un Temple, on lui rendit les honneurs divins dans le tombeau où il avoit été mis après la mort (a): car il y a bien de l'apparence que faint Auguftin s'eft trompé, pour avoir fuivi fur cet article les traditions des Grecs, adoptées long-temps avant lui par les Romains. Jamais Apis Roi d'Argos n'alla s'établir en Egypte, & il n'y eut jamais parmi ce Peuple d'autre Apis, que le bœuf (2) In Can. qui portoit ce nom, comme le docte Marsham (2) le prouve fans replique. C'eft la reffemblance des noms, & l'équivoque du mot Soros, qui ont porté les Grecs à publier qu'il étoit le même qu'Ofiris, parce qu'en effet le boeuf lui étoit confacré.

Chron.

La feconde opinion au fujet d'Io, eft celle de Paufanias, qui a cru que cette Princeffe étoit veritablement originaire de Grece, mais qu'elle étoit moins ancienne que celle dont nous venons de parler. Elle n'étoit pas fille d'Inachus, mais × d'Iafus, fils de Triopas, feptiéme Roi d'Argos ; & certes si Danaüs & Egyptus fes petits fils, ne vêcurent que vers l'an 1420. avant Jesus-Christ, qui eft le temps auquel le premier de ces deux Princes paffa en Grece, Io n'a dû vivre que longtemps après Inachus (b). On peut ajouter, pour confirmer ce

(a) Voffius, De Idol. Lib. 6. derive le nom de Serapis, de Sara Nepos, & croit que Serapis eft le même que Jofeph. M. le Clerc le fait venir de fur abbir, qui veut dire, Prince.

(b) Voyez le commencement du Tome troifiéme.

sentiment,

par

des

fentiment, ce que dit Herodote (1), qu'Io fut enlevée Marchands Pheniciens, à Argos ville floriffante; car outre que cette ville ne prit ce nom que d'Argus fon quatriéme Roi, pouvoit-elle être floriffante du temps d'Inachus fon fon

dateur?

pas

On convient qu'il y eut dans la Grece une Princeffe nommée Io, foit qu'elle fût fille d'Inachus, ou d'Iafus; qu'elle fut aimée d'un Prince qui portoit le nom de Jupiter, & que c'eft celui-là même que l'ancienne Mythologie a appellé le Jupiter d'Argos (a). On eft d'accord même avec Herodote, qui dit au commencement de fon Histoire, que cette Princeffe fut enlevée par des Marchands Pheniciens, en reprefailles de ce qu'on avoit autrefois enlevé Europe, fille d'Agenor Roi de Phenicie; mais elle ne paffa jamais en Egypte, & on ne peut la confondre avec Ifis, plus ancienne qu'elle de plufieurs fiecles, fans renverfer toutes les traditions des Egyptiens. Io fut perfecutée par Junon, qui lui fit parcourir toute la terre; Ifis qui le fut par fon beau-frere Typhon, ne fortit jamais d'Egypte. L'une après avoir été la maîtreffe d'un Roi d'Argos, fut enfuite enlevée par des Etrangers; l'autre eut pour époux fon frere Ofiris, & vêcut avec lui dans une grande union. Ifis apprit aux Egyptiens plufieurs arts utiles à la vie ; on ne raconte rien de pareil d'fo. Qu'est-ce qui peut donc avoir donné lieu aux Grecs de confondre ces deux perfonnes? Je reponds que ce fut l'introduction du culte d'Ilis dans la Grece, fur tout dans la ville d'Argos. Car, comme le remarque judicieusement Herodote, l'introduction du culte de quelque Dieu dans un pays étranger, étoit regardée comme la naiffance de ce même Dieu dans le lieu où ce culte étoit établi. Inachus apprit aux Grecs à honorer Ifis; les Grecs la regarderent comme fa fille. Cecrops dans la fuite porta dans l'Attique le culte de Minerve, honorée à Saïs fa patrie, on publia de même que cette Déeffe, que les Grecs nommoient Athené, étoit la fille de ce Prince. Dés-là on voit combien est juste la reflexion d'Herodote, & en même temps qu'il ne faut pas chercher d'autre origine à cette fable.

Pour ce qui regarde les perfecutions de Junon, qu'Ovide (a) Voyez l'Hiftoire de Jupiter T. 2,

(1) Liv. t.

tis.

raconte dans un fi grand détail, on peut dire avec beaucoup de vraisemblance, que ce Poëte a fait allusion à la jalousie de la femme du Roi d'Argos, qui peut-être fit fouffrir bien des maux à fa rivale ; & que fi le mari portoit le nom de Jupiter, la femme pouvoit fort bien fe faire appeller Junon. Mais il eft temps de rapporter la veritable Hiftoire d'Ifis & d'Ofiris. (1) Liv. 1. Les Egyptiens, au rapport de Diodore de Sicile (1), & de (2) Traité Plutarque (2), affûroient que cette Princeffe étoit née dans d's & d'Ofi- leur pays, qu'elle époufa Ofiris, que celui-ci vivoit avec elle dans une parfaite union, & qu'ils s'appliquoient l'un & l'autre à polir leurs Sujets, à leur enfeigner l'agriculture, & plufieurs autres arts neceffaires à la vie. Diodore ajoute qu'Ofiris ayant formé le deffein d'aller jufques dans les Indes pour les conquerir, moins par la force des armes que par la douceur, il leva une armée compofée d'hommes & de femmes ; & après avoir établi Ifis Regente de fon Royaume, & laiffé près d'elle Mercure & Hercule, dont le premier étoit Chef de fon Confeil, & le fecond Intendant des Provinces, il partit pour fon expedition, où il fut fi heureux, que tous les Pays où il alla fe foumirent à fon empire. Son voyage fut un triomphe perpetuel. Le même Auteur dit qu'il parcourut d'abord l'Ethiopie, où il fit élever des digues contre les inondations du Nil; que de là il traverfa l'Arabie, les Indes, & vint enfuite en Europe, parcourut la Thrace & les Contrées voisines, laiffa partout des marques de fes bienfaits, ramena les hommes, alors entierement fauvages, aux douceurs de la focieté civile, leur apprit l'agriculture, à bâtir des villes & des bourgs; & revint comblé de gloire après avoir fait élever dans les lieux où il avoit paffé, des Colomnes & d'autres Monumens fur lefquels étoient gravés fes exploits. Voilà, pour le dire en paffant, les conquêtes, tant chantées par les Poëtes, du fameux Dionyfus ou Bacchus, comme nous le prouverons ailleurs.

Ce Prince étant de retour en Egypte, trouva que fon frere Typhon avoit fait des brigues contre le Gouvernement, & (3) De error. s'étoit rendu redoutable: Julius Firmicus (3) ajoute même qu'il prof. Relig. avoit fuborné fa belle-four Ifis. Ofiris qui étoit un Prince pacifique, entreprit de calmer cet efprit ambitieux; mais Typhon,

bien-loin de fe foumettre à fon frere, ne fongea qu'à le perfecuter & à lui dreffer des embûches. Plutarque (1) nous ap- (1) De If.Ở prend de quelle maniere enfin il lui fit perdre la vie. Typhon, of dit-il, l'ayant invité à un fuperbe feftin, propofa après le repas aux Conviés, de fe mefurer dans un coffre d'un travail exquis, promettant de le donner à celui qui feroit de même grandeur. Ofiris s'y étant mis à fon tour, les Conjurés fe leverent de table, fermerent le coffre & le jetterent dans la Nil.

Ifis informée de la fin tragique de fon époux, fe mit en devoir de chercher fon corps; & ayant appris qu'il étoit dans la Phenicie, caché fous un tamarin où les flots l'avoient jetté, elle alla à la Cour de Byblos, où elle fe mit au fervice d'Aftarté, pour avoir plus de commodité de le découvrir. Enfin après des peines infinies elle le trouva, & fit de fi grandes lamentations, que le fils du Roi de Byblos en mourut de regret; ce qui toucha fi fort le Roi fon pere, qu'il permit à Ifis d'enlever ce corps, & de fe retirer en Egypte. Typhon informé du deüil de fa belle-fœur, ouvrit le coffre, mit en pieces le corps d'Oliris, & en fit porter les membres en differens endroits de l'Egypte. Ifis ramaffa avec foin fes membres épars, les enferma dans des cercueils, & confacra les reprefentations des parties qu'elle n'avoit pu trouver: de-là l'ufage du Phallus devenu fi celebre dans toutes les ceremonies religieufes des Egyptiens. Enfin après avoir repandu bien des larmes, elle le fit enterrer à Abyde, ville fituée à l'occident du Nil. Que fi les Anciens placent le tombeau d'Ofiris en d'autres endroits, c'eft qu'Ifis en fit élever un pour chaque partie du corps de fon mari, dans le lieu même où elle l'avoit

trouvée.

Cependant Typhon fongeoit à affermir fon nouvel Empire; mais Ifis ayant donné quelque relâche à fon affliction, fit promptement affembler fes Troupes, & les ayant mifes fous la conduite d'Orus fon fils, ce jeune Prince pourfuivit le Ty & le vainquit dans deux batailles rangées.

ran,

M

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