Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors][ocr errors]

dans une, c'étoit un bon augure pour l'Egypte, & un mau-
vais quand la fantaisie le conduifoit dans l'autre ; tant ce Peu-
ple fi vanté par fa politeffe, étoit extrême dans fes fuperfti-

tions.

Paufanias (1) dit que ceux qui devoient le confulter brû- (1) Liv. 8. loient auparavant de l'encens fur un Autel, rempliffoient d'huile les lampes qui y étoient allumées, & mettoient fur cet Autel une piece de monnoye, à la droite de la Statue d'Apis. Enfuite ayant approché l'oreille de la bouche du Dieu, pour l'interroger, ils fe retiroient, fermoient les deux oreilles jufqu'à ce qu'ils fuffent fortis de l'enceinte du Temple, & prenoient pour la reponse du Dieu la premiere chofe qu'ils entendoient.

Ce Taureau étoit prefque toujours renfermé dans une de fes Loges, & ne fortoit que rarement, fi ce n'est dans un preau, qui étoit auffi enfermé, & où on le laiffoit quelque temps; c'étoit-là que les étrangers venoient le voir. Dans les occasions où on le promenoit par la ville, il étoit escorté d'Officiers, qui éloignoient la foule, & précédé d'enfans qui chantoient des Hymnes à fa louange.

Nous avons vu de quelle maniere les Prêtres le noyoient dans une fontaine facrée, lorfqu'ils ne jugeoient pas qu'il dût vivre plus long-temps; mais lorsqu'il mouroit d'une mort naturelle, on lui faifoit des obfeques magnifiques, où la dépenfe étoit fi peu épargnée, que ceux qui étoient commis à fa garde, s'y ruinoient. Il arriva même une fois, du temps de Ptolemée fils de Lagus, qu'on emprunta cinquante talens pour les frais de fes obfeques.

Telle eft, felon l'ancienne tradition, l'hiftoire d'Ifis & d'Ofiris, & celle des ceremonies de ces deux Divinités, que les Grecs adopterent long-temps après dans l'Hiftoire de leur Bacchus, qui n'étoit qu'une copie de ces anciennes Divinités des Égyptiens, comme nous le ferons voir dans une

autre occafion.

De fçavoir maintenant quel a été cet Ofiris, & en quel temps il a vêcu, c'eft ce qui n'eft pas aifé à décider. Quelques Auteurs prétendent que c'eft Jofeph (2), cet ancien Patriarche (2) Voffius fi fameux en Egypte, pour l'avoir fauvée de la famine, &

De Idol. L. 2.

l'avoir gouvernée avec tant de fageffe. Selon d'autres c'eft Moyfe mais quelques beaux que foient les paralleles que l'on fait de ces deux grands Hommes avec Ofiris, il fuffit de faire remarquer que ce Roi d'Egypte étoit plus ancien qu'eux, & que fon culte étoit établi de leur temps dans toute l'Egyp* te, puifque les Ifraëlites en imiterent les ceremonies dans fadoration du Veau d'or.

¥

Ainfi je crois qu'Ofiris eft le même que Mefraïm fils de x Cham, qui peupla l'Egypte quelque temps après le Deluge, & qui fut mis après fa mort au nombre des Dieux, fuivant > la coutume d'élever à ce rang ceux qui fondoient les Empi- x res: & fi les Anciens ont dit qu'il étoit fils de Jupiter, c'eft qu'il étoit fils de Cham ou Ammon, qu'il avoit lui-même re-> connu comme un Dieu.

Le Chevalier Marsham croit qu'Osiris eft Cham lui-même, connu fous le nom de Menès à la tête des Dynasties, qui fuccederent aux Dieux & au Demi-Dieux, & il confirme fon opinion, par la remarque qu'Africanus avoit tirée de Ma\nethon touchant le premier Roi d'Egypte, qu'un Crocodile avoit devoré; ce qui convient parfaitement à Ofiris, tué par Typhon, que l'on representoit sous la figure de ce cruel animal.

x

Malgré l'obfcurité qui regne dans l'histoire d'Ofiris, les xxx Sçavans font obligés de convenir, qu'il a été un des premiers defcendants de Noé par Cham, & qu'il gouverna l'Egypte, où fon pere s'étoit retiré & y avoit fondé un petit Royaume, peu d'années après la dispersion arrivée au temps de Phaleg. C'eft incontestablement de cette branche des enfans de Noé

que l'Egypte reçut fes premiers habitans. Ce pays eft fouvent nommé dans les Livres Saints, la terre de Mefraïm, ou Meftraïm; & il y eft fait mention de la ville d'Ammon. Or on ne fçauroit douter qu'Ammon ne foit le même que Cham, dont le nom a été adouci par la fuppreffion de la premiere confone.

Les Egyptiens qui croyoient que les Dieux, & depuis les Demi-Dieux avoient regné chez eux pendant plufieurs fiecles, conviennent que les hommes fuccederent dans la Royauté aux Demi-Dieux, & que celui qu'ils mettent à la tête des Dynafties des hommes, s'appelloit Menès, ou Mnevis : cependant on ne trouve point le nom d'Ofiris dans ces Dynafties;

que

XXX mais Diodore de Sicile, qui nous a confervé avec beaucoup
de foin les plus anciennes traditions des Egyptiens, affûre
ce Prince eft le même que Menès, le premier Roi d'Egypte,
& c'est-là qu'il faut s'en tenir. Peut-être que dans fon Apo-
theofe on changea fon nom en celui d'Ofiris: car nous Îça-
vons à n'en pas douter, que les Grecs en ufoient fouvent de
même à l'égard de ceux qu'ils élevoient au rang des Dieux,
comme le prouvent les exemples que j'en ai rapportés au
commencement de cet Ouvrage.

Enfin, je dois terminer l'article d'Ofiris & d'Ifis par quel-
ques Infcriptions trouvées fur d'anciens Monumens, qui font
voir en peu de mots ce que penfoient de ces deux Divinités
les Peuples qui en avoient adopté le culte.

Pour Ofiris.

SATURNE, LE PLUS JEUNE DE TOUS LES
DIEUX, ETOIT MON PERE. JE SUIS OSIRIS.
Enfuite eft cette autre Legende.

CE ROI CONDUISIT UNE ARME'E JUS-
QU'AUX DESERTS DE L'INDE, ET DE LA
VERS LE SEPTENTRION, JUSQU'AUX SOUR-
CES DE L'ISTER, ET ENSUITE JUSQU'A
L'OCEAN.

JE SUIS LE FILS AINE' DE SATURNE, SORTI
D'UNE TIGE ILLUSTRE, ET D'UN SANG
GENEREUX; COUSIN DU JOUR: IL N'EST
POINT DE LIEU OU JE N'AYE E'TE', ET J'AY
LIBERALEMENT REPANDU MES BIENFAITS
SUR TOUT LE GENRE HUMAIN.

Quoiqu'il y ait un grand nombre de ces Infcriptions pour Isis,
je me contenterai d'en rapporter trois; la premiere qu'on trouve (1) Liv. z.
dans Diodore de Sicile (1) eft conçue en ces termes :

MOI ISIS, SUIS LA REINE DE CE PAYS, ET
J'AY EU MERCURE POUR PREMIER MI-
NISTRE. PERSONNE N'A PU EMPESCHER

[ocr errors]

(1) De If. & Ol.

L'EXECUTION DE CE QUE J'AI ORDONNE.
JE SUIS LA FILLE AINE'E DE SATURNE, LE
PLUS JEUNE DES DIEUX.

JE SUIS LA SŒUR ET LA FEMME DU ROI
OSIRIS.

JE SUIS LA MERE DU ROI ORUS.

JE SUIS CELLE QUI SE LEVE DANS LA CA-
NICULE.

LA VILLE DE BUBASTE FUT BATIE EN MON
HONNEUR.

REJOUIS-TOI O EGYPTE, QUI M'AS TENU
LIEU DE NOURRICE, ET DE MERE.

La feconde, qui étoit fur un marbre trouvé à Capouë, portoit ces mots, ainfi que nous l'avons dit :

DEESSE ISIS, QUI ETES UNE ET TOUTES
CHOSES,

ARRIUS BABINUS VOUS FAIT CE VŒU.

La troifiéme étoit, felon Plutarque (1), à Saïs, gravée sur le pavé du Temple de Minerve.

JE SUIS TOUT CE QUI A ETE', CE QUI EST
ET QUI SERA, ET NUL D'ENTRE LES MOR-
TELS N'A ENCORE LEVE' MON VOILE.

* Quoique nous mettions ces Infcriptions en lettres capitales, comme font ordinairement écrits ces fortes de Monumens, on comprend bien que nous ne prétendons pas infinuer que ces Legendes foient effectivement dans la forme que nous les donnons ici, avec les mêmes caracteres & en notre Langue; mais feulement une traduction litterale. Il eft très-vraifemblable que celles qu'on lit dans Diodore & dans Plutarque, n'étoient pareillement que des traductions qu'ils avoient faites, au lieu de les rapporter dans le propre idiome des Originaux. Au regard du Marbre trouvé à Capoue, on entend bien que l'Infcription eft originairement Latine.

J

CHAPITRE I I.

Des autres Dieux d'Egypte.

E n'ai pas deffein de parler dans ce Chapitre de tous les Dieux qu'honoroit l'Egypte, parce que la plupart ayant été connus des Grecs & des Romains, qui ont mêlé dans l'Hif toire qu'ils nous en ont laiffée, plufieurs fables que les Egyptiens ne connoiffoient pas, je referve ce que j'ai à en dire pour le Tome second. Ainfi quoique Pluton, Hercule, Apollon, Mercure & plufieurs autres, aient réellement une origine Egyptienne, ils n'auront point de Place dans ce Chapitre.

ARTICLE PREMIER.

Serapis, ou Sarapis.

LES Sçavans font fort partagés au fujet de Serapis ou Sarapis, car on écrit fon nom de ces deux manieres. Quelquesuns croient que c'étoit un Dieu étranger, dont le culte ne fut connu en Egypte que du temps de Ptolemée, fils de Lagus; d'autres, parmi lefquels eft M. Cuper (a), foutiennent qu'il y étoit connu & honoré dès les temps les plus anciens, que les Egyptiens le regardoient comme un de leurs plus grands Dieux, & qu'il étoit le même qu'Ofiris. Une courte expofition des raifons des uns & des autres, mettra le Lecteur en état de fe determiner.

Celles des premiers paroiffent très-plaufibles. Herodote qui s'eft fi fort étendu (1) fur les Dieux Egyptiens, ne fait aucune mention de Serapis : l'auroit-il oublié, s'il avoit été, comme le prétendent quelques Sçavans, une des grandes Divinités de ce Peuple? La Table Ifiaque (b), fur laquelle paroiffent tant de Dieux Egyptiens, ne laiffe rien appercevoir qui ressemble à Serapis. On conferve dans les Cabinets des Curieux, & on trouve dans les Livres des Antiquaires, plufieurs figures d'O(a) Dans fon Harpocrate, p. 83, &c.

[ocr errors][merged small]
« AnteriorContinuar »