de petits trous imperceptibles, il en prit une, & boucha avec de la cire tous ces petits trous, la peignit de differentes couleurs ; & l'ayant remplie d'eau, il ajufta à l'ouverture la tête d'une Idole. Les Chaldéens étant arrivés en Egypte, allumerent du feu auprès de ce Vafe, dont l'ardeur ayant fondu la cire, l'eau en fortit & l'éteignit. Ainfi Canope fut vainqueur du Dieu de Chaldée. Parmi les Abraxas rapportés par Chif flet, fe trouve un Vase percé de differens trous, par lefquels s'écoule l'eau dont il est rempli : c'eft un Canope dont la tête & les pieds fortent des deux extrêmités du Vafe; ce qui pourroit confirmer l'Hiftoire que nous venons de rapporter. Que les Egyptiens ayent rendu un culte religieux à l'eau en genexral, ou du moins à celle du Nil, c'est ce qui paroît hors de doute. Dans leur Philofophie l'eau étoit le principe de tous les Etres, comme ils l'enfeignerent à Thalès, qui en fit le fondement de fon fyftême. Mais j'examinerai plus à fond cette matiere, dans l'Hiftoire des Dieux de la mer. Nous venons de voir dans les Articles precedens, que parmi les Egyptiens Ofiris, Orus, & Harpocrate étoient le Soleil, Ifis la Lune, & Canope l'élement de l'eau ; nous allons prouver prefentement qu'ils honoroient la nature & fa fecondité, fous le nom de Pan. ARTICLE V I. Pan. Si jamais les Grecs ont corrompu l'Hiftoire ancienne, c'eft fur-tout dans la fable de Pan. A les entendre, remarque judi(1) Liv. 2. cieusement Herodote (1), Hercule, Liber ou Bacchus, & C. 145. Pan, étoient les derniers de tous les Dieux : cependant parmi les Egyptiens, Pan étoit regardé comme un des huit Grands Dieux, qui dans leur Theologie formoient la premiere Claffe, & étoient les plus puiffans & les plus anciens de tous. Hercule n'étoit que dans la feconde, qui étoit compofée de douze Dieux, qui ne vinrent qu'après les huit dont on vient de parler, & engendrerent ceux de la troifiéme, dans laquelle ils plaçoient Bacchus. Depuis Bacchus jusqu'à Amasis, continue Herodote, les Egyptiens comptoient quinze mille ans, & foutenoient ce calcul par une fuite d'années bien marquées. Ils croyoient qu'il y en avoit un bien plus grand nombre entre Hercule & ce Prince; & dès-là un bien plus confiderable encore depuis Pan, qui étoit beaucoup plus ancien que les deux que je viens de nommer. Au lieu que fuivant l'Hiftoire Grecque, il n'y avoit depuis le Bacchus, fils de Semelé, & le temps où vivoit Herodote, qu'environ feize cens ans ; depuis Hercule fils d'Alcmene, que neuf cens; & depuis Pan fils de Penelope & de Mercure, qu'environ huit cens. Après un temoignage fi pofitif, on ne doit pas faire beaucoup de fond fur ce que les Grecs racontoient du Dieu Pan, & c'eft en Egypte qu'il faut chercher fon origine. Les Egyptiens, dit l'Auteur que je viens de citer, n'immolent ni chevres ni boucs, parce qu'ils reprefentent le Dieu Pan, & le peignent avec la face & les jambes de » bouc; en quoi les Grecs les ont auffi imités : non qu'on » crût en Egypte qu'il en avoit la reffemblance, mais pour » des raifons qu'il ne feroit pas agreable de rapporter. Čeux » de Mendès, continue le même Hiftorien, ont les chevres » & les boucs, ces derniers furtout, en une finguliere veneration, ainsi que les Chevriers qui les gardent; parmi lefquels il y en a un, qui eft plus honoré que les autres, & fa mort cause un grand deuil dans toute la contrée. Pan & » le bouc, en langue Egyptienne, s'appellent Mendès». 20 အ Diodore de Sicile (1) dit que Pan étoit fi honoré par les (4) Liv. I. Egyptiens, qu'on voyoit fes Statues dans tous les Temples, P. 16. & qu'on avoit bâti en fon honneur dans la Thebaïde, la ville de Chemmis, c'est-à-dire, la ville de Pan. Cet Auteur qui ne parle pas de Mendès dans la Baffe-Egypte, où ce Dieu étoit en grande veneration, ajoute qu'il avoit accompagné Ofiris dans fon expedition des Indes, avec Anubis & Macedo, ce que ne dit point Herodote. Il n'eft pas douteux, quoiqu'en difent les Grecs, que le Pan d'Egypte ne foit le plus ancien de tous, & que ce ne fût par les Colonies qu'ils en reçurent la connoiffance & le culte. Cependant ils publierent qu'il étoit fils de Mercure & de Penelope, pour laquelle ce Dieu fe metamorphofa en bouc, fur le mont Taygete, où elle gardoit les troupeaux de fon pere Ícarius; & d'un Dieu qui dans fon origine reprefentoit la nature & la fecondité, ils en firent un Dieu des bois & des campagnes, uniquement occupé des plaifirs de la vie champêtre, danfant continuellement avec les Faunes & les Satyres, & courant après les Nymphes, dont il étoit l'effroi. Il étoit felon eux l'inventeur de la flûte à fept tuyaux (a), & à cette occafion ils debiterent la fable que je vais raconter (b). Ce Dieu pourfuivant un jour une Nymphe nommée Syrinx, fille du fleuve Ladon, dont il étoit amoureux, les Nymphes de ce fleuve la changerent en rofeau. Pan soupiroit auprès de ces rofeaux, & l'air pouffé par les Zephirs, repetoit fes plaintes; ce qui lui fit prendre la refolution d'en arracher quelques uns, dont il fit cette flûte à sept tuyaux, qui (1) Met. L.4. porta le nom de la Nymphe (1). Mais ce n'eft qu'une fable inventée par les Grecs, qui peut fignifier que quelqu'un de ceux à qui ils donnoient le nom de Pan, s'étoit fervi des rofeaux du fleuve Ladon, pour faire cette forte de flûte. Je dis de ceux à qui ils donnoient le nom de Pan, car effectivement il y en avoit plufieurs, & Nonnus en compte jusqu'à douze. Herodote n'a pas ofé rapporter la raifon pour laquelle les Egyptiens reprefentoient le Dieu Pan fous la figure d'un bouc, cependant d'anciens Mythologues affûrent que ce qui les y engagea, c'est parce que Pan ayant trouvé en Egypte les Dieux échappés des mains des Geants, leur confeilla pour n'être pas reconnus, de fe revêtir de la figure de differens animaux; & que pour leur donner l'exemple, il prit celle d'une chevre. Il combattit même, dit-on, avec beaucoup de vigueur en leur faveur contre Typhon ; & pour le recompenfer, ces mêmes Dieux qu'il avoit fi bien défendus, le placerent dans le (2) Hygin, ciel, où il forme le Signe du Capricorne (2). Cal. Poet. Aftr. Quoiqu'il en foit, il n'y eut point d'endroit dans toute la Grece, où la Divinité de Pan fût plus honorée que dans l'Arcadie. On croit même que c'eft-là, qu'il rendoit fes Ora (a) Pan primus calamos cerâ conjungere plures (b) Eft mihi difparibus feptem compacta cicutis cles. On lui offroit en facrifice du miel & du lait de chevre, & ón celebroit en fon honneur les Lupercales. Cette fête dans la fuite devint très-celebre en Italie, où Evandre Arcadien avoit porté le culte de Pan. Les Grecs, outre la fable de Syrinx, dont j'ai parlé, en debitoient plufieurs autres au fujet de ce Dieu comme d'avoir decouvert à Jupiter le lieu où Cerès s'étoit cachée, après l'enlevement de Proferpine. Jupiter fur cet avis envoya, dit-on, les Parques à cette Déeffe pour la confoler, & l'obliger par leurs prieres à faire ceffer la fterilité que fon abfence avoit caufée fur la terre (1). (1) Pauf. in Arcad. Ce font auffi les Grecs qui ont attribué à leur Dieu Pan', l'origine de cette forte de terreur fubite qui faifit, fans qu'on en connoiffe la caufe; ce fut par une femblable crainte que l'Armée de Brennus, Chef des Gaulois, prit la fuite; mais Plutarque & Polyenus en rapportent l'origine au Dieu Pan des Egyptiens. Le premier de ces deux Auteurs dit que les Pans & les Satyres, effrayez de la mort d'Ofiris que Typhon avoit massacré inhumainement, firent retentir les rivages du Nil de leurs hurlemens & de leurs plaintes, & que depuis on appella terreur Panique, cette crainte vaine & fubite qui furprend. Polyenus (2) rapporte l'origine de ces terreurs au ftrata- (2) Dans fes géme dont Pan, Lieutenant General d'Osiris, fe fervit pour degager l'armée de ce Prince, furprise la nuit par les Barbares dans une vallée; il leur ordonna de jetter des cris & des hurlemens épouvantables, dont les ennemis furent fi effrayés, qu'ils prirent la fuite. Mais Bochart (3) prétend que (3) Chan. 1. 1. Pan n'a paffé pour être caufe de ces terreurs, que parce qu'on exprime en Hebreu un homme épouvanté, par le mot de Pan ou Phan. Il eft bon de remarquer ici en paffant, que plusieurs Sçavans confondent Pan avec Faunus & Sylvanus, & croient que ce n'étoit qu'une même Divinité, adorée fous ces differens noms. Le Pere Thomaffin le prouve par plufieurs autorités tirées des Anciens, aufquelles il pouvoit joindre celle de Probus dans fes Commentaires fur Virgile, de Feneftella, & de plufieurs autres. Les Lupercales mêmes étoient également celebrées en l'honneur de ces trois Divinités, qui étoient à la Stratag. c. 18. verité differentes dans leur origine, mais qui furent confondues dans la fuite. Il faut avouer pourtant qu'on a fort allegorifé la fable de Pan dans la fuite, & que ce Dieu a été regardé comme le fymbole de la nature. Son nom même en Grec (a), signifie tout; auffi lui met-on des cornes à la tête, pour marquer, difent les Mythologues, les rayons du Soleil, comme la vivacité & le rouge de fon tein marquent l'éclat du ciel : l'étoile qu'il porte fur fon eftomac, eft le fymbole du Firmament ; & fes pieds & fes jambes couvertes de poil, defignent la partie inferieure du monde, la terre, les arbres, & les plantes. Les Egyptiens après avoir adoré le Soleil fous le nom d'Ofiris, la Lune fous celui d'Ifis, adorerent toute la nature fous le fymbole de Pan, qui doit être regardé comme une des plus anciennes Divinités du Paganisme. On le trouve en Egypte du temps que les Dieux attaqués par les Geants s'y refugierent; & felon Plutarque (b), les Pans & les Satyres (1) Liv. 1. furent les premiers qui pleurerent la mort d'Ofiris. Diodore (1) ajoute que Pan accompagna Bacchus dans fa conquête des Indes, comme nous l'avons dit: or le Bacchus qui fit cette conquête étoit Egyptien, puifque c'étoit Ofiris lui-même. J'ai été obligé de rapporter les fables Grecques au sujet de Pan; mais dans le fonds tout fe reduit à dire qu'il étoit un des plus grands Dieux de l'Egypte, qu'il étoit honoré furtout à Mendès, que fon culte fut porté dans la Grece par les Colonies Egyptiennes, qu'il devint furtout celebre dans l'Arcadie, qu'Evandre le fit connoître en Italie, où il alla s'établir avec fa Colonie quelques années avant la guerre de Troye; & qu'enfin le culte de ce Dieu fut reçu à Rome, avec les fêtes qu'on celebroit en fon honneur. que Finiffons en difant un mot de cette voix qui felon Plutarfut entendue vers les Ifles Echinades dans la mer d'Ionie, & qui prononça ces mots, le Grand Pan eft mort. Les Aftrologues de ce temps-là confultés par Tibere, fur la foi d'un Pilote, nommé Thamus, qui affûra l'avoir entendue, dirent à ce Prince qu'elle vouloit parler de Pan, fils de Penelope. Il (a) Пaw, omne, felon Platon verbum, la parole. (b) Traité d'Ifis & d'Oliris. |