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(1) Ovi. Met. Liv. S.

apprirent & cette fable, & le culte dont elle étoit le fondement, des Grecs & des Romains? Qu'ils formerent sur leurs idées le fyftême de leur Religion, & donnerent à leurs villes des noms conformes au culte qui y étoit pratiqué? Ou plûtôt n'eft-ce pas de ces anciennes villes que les Auteurs dont je parle rapporterent leur Religion & leur Fables?

La troifiéme raison, qui eft encore une fuite de l'autre, eft tirée de la doctrine de la Metempsycofe, ou de cette circulation éternelle des ames dans differens corps.

Morte carent anima, femperque priore relictâ
Sede, novis domibus habitant, vivuntque receptæ (1).

Il n'eft pas neceffaire de s'étendre fur l'origine de ce dogme. Il fuffit de dire que Pythagore l'enfeignoit dans la Grece & l'Italie vers la LXIe. Olympiade & les fuivantes; mais foit qu'il le debitât dans le fens naturel, ou comme l'a ingenieusement pensé M. Dacier, dans un fens moral & allegorique, il est für qu'il n'en étoit pas l'inventeur. Il l'avoit lui-même appris des Prêtres Egyptiens, parmi lesquels, fi nous en croyons (3) Vie de Diogene Laerce (2), il demeura long-temps pour s'inftruire de leurs mysteres, aufquels il fut initié. Herodote (3) ne laisse aucun lieu de douter de ce que je viens d'avancer. >> Les

Pythagore.
(2) Liv. 1.

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Egyptiens, dit-il, font les premiers qui ont foutenu que l'ame de l'homme eft immortelle ; qu'après la mort elle paffe fucceffivement dans les corps des animaux, terreftres, aquatiques & aëriens, d'où elle revient animer le corps d'un homme, & qu'elle acheve ce circuit en trois mille ans. Il y a, ajoute-t'il, des Grecs qui ont debité ce dogme, » comme s'il eût été à eux en propre, les uns plûtôt, les au» tres plus tard ; j'en fçais les noms, & je ne veux pas les » nommer ». De-là fans doute le foin d'embaumer les corps après la mort, & de leur deftiner des monumens durables pour leur fervir de fepulture.

Il eft donc conftant que cette doctrine étoit originaire d'Egypte; & il eft certain qu'elle avoit deux grands avantages. Le premier, de fervir de fondement au dogme de fimmortalité de l'ame; le fecond, qu'en enfeignant que les

ames paffoient en d'autres corps, nobles ou meprisables, fuivant le merite de leurs actions, ils rendoient le vice odieux, & la vertu aimable; mais auffi elle conduifoit naturellement au culte & au respect qu'on rendit dans la fuite aux animaux, puifqu'elle enfeignoit à les regarder comme les domiciles non feulement des plus grands hommes, mais des Dieux mêmes. Auffi Diodore de Sicile affûre (1) qu'on étoit perfuadé en Egypte que l'ame d'Ofiris étoit paffée dans celle d'un bœuf; & nous apprenons d'Alien (2) que la haine que les habitans d'Heliopolis avoient pour le Crocodile, étoit fondée sur ce qu'ils croyoient que Typhon s'étoit revêtu de fa figure.

Enfin, la quatriéme raifon eft tirée de l'utilité que recevoient les Egypriens de certains animaux. Ainfi on avoit de la veneration pour l'Ibis parce qu'il detruifoit les Serpens ailés, qui dans certaine faifon fe retiroient en Egypte : l'Ichneumon, parce qu'il cherchoit les œufs des Crocodiles, qu'il caffoit, fans les manger, comme fi fon inftin&t l'avoit porté à delivrer l'Egypte d'un animal qui y caufoit du ravage, &c.

Après avoir developpé les raifons qui porterent les Egyptiens à rendre aux animaux un culte religieux, ce feroit ici le lieu de rechercher en quel temps commença cette forte d'idolâtrie; mais il fuffit de dire qu'elle étoit en vogue dans toute l'Egypte du temps de Moyfe, comme le prouvent, 1°. la permiffion qu'il demanda d'aller facrifier dans le Defert, de peur qu'immolant des Victimes pour lefquelles les Egyptiens avoient de la veneration, on ne le lapidât. 2°. L'idolâtrie du Veau d'or, qui étoit, comme nous l'avons dit, une imitation de celle du Bœuf Apis. Ce qui précéde le fejour des Ifraëlites en Egypte eft trop peu connu, pour étendre plus loin nos recherches fur ce fujet.

(1) Loc. cit.

(2) Liv. 10°

Hift. des an.

C. 21.

O

CHAPITRE V.

De quelques autres Dieux Egyptiens.

N ne doit pas s'imaginer que j'aye renfermé dans ce Traité tous les Dieux qu'adoroit l'Egypte; la chose n'eft pas poffible: il fuffit d'avoir parlé des principaux, & des plus connus. Les autres, dont le culte penetra dans la Grece & dans l'Italie, feront la matiere du fecond Volume, puisqu'à l'exception de Neptune & de quelques autres, tous les Dieux des Grecs & des Romains leur étoient venus de l'Egypte. Je dois cependant, avant que de finir cette matiere, dire qu'on a decouvert, & qu'on decouvre encore tous les jours, en ouvrant les puits des Momies, une infinité d'Idoles, qui reprefentent les Dieux Egyptiens. Quelques-unes de ces İdoles ont une tête ou de chien, ou de lion, ou de loup, ou de chat, & alors il eft aifé de voir que ce font, ou des Anubis, ou des Dianes Bubaftes, &c. Mais quelquefois auffi elles prefentent des figures fi bizarres, & fi extraordinaires, qu'elles paroiffent plûtôt des monftres que des Dieux, ainfi qu'on peut le voir dans les Antiquaires qui en ont fait deffiner quelques-unes.

Le Pere Kirker qui a parlé de ces Idoles, dans fon Edipe, 'dit qu'on les enterroit avec les cadavres pour être des prefervatifs contre les mauvais Genies, qu'on croioit inquieter les manes des morts; & je ne crois pas qu'on puiffe rien dire de plus vraisemblable.

Enfin, pour qu'il ne manquât rien à l'Idolâtrie des Egyptiens, ils avoient plufieurs Oracles, qu'ils confultoient dans (1) Liv. 2. toutes les occasions. Herodote (1) parle de ceux de Jupiter, de Minerve, de Latone, d'Apollon, de Diane, de Mars, & d'Hercule d'autres Auteurs nomment ceux d'Apis, du Lion, de la Chevre, & du Crocodile.

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Des Pompes & des Ceremonies publiques des Egyptiens, & de quelques autres Peuples.

J

AMAIS Religion ne fut plus chargée de Ceremonies, que celle des Egyptiens, & il n'y eut jamais rien de plus brilTant que leurs Fêtes & leurs Proceffions. Un concours infini de monde, la licence, la joie, tout fe rencontroit dans la celebration de leurs Fêtes ; & fi les Prêtres s'y préparoient par le jeûne, par la continence, & par d'autres ceremonies gênantes, le Peuple les attendoit comme les jours de leur vie les plus propres au plaisir & à la debauche.

pour

Parmi ces Fêtes on en comptoit fix principales. La premiere étoit celebrée à Bubafte, en l'honneur de Diane; la feconde à Bufiris pour la Déeffe Ifis; la troifiéme à Saïs Minerve; la quatriéme à Heliopolis en l'honneur du Soleil: la cinquiéme à Butès, étoit la Fête de Latone; la fixiéme étoit celebrée à Papremis en l'honneur de Mars.

J'ai déja dit que la fête du Dieu Apis avoit cela de fingulier qu'après que le Peuple avoit paffé quelques jours dans le deuil & dans la trifteffe pour pleurer la perte de ce Dieu qu'on avoit noyé dans le Nil, il fe livroit à la joie dès que les Prêtres avoient publié qu'il en avoit paru un autre, diftingué par les mêmes marques, avec d'autant moins de moderation, qu'il avoit paru plus affligé. Les feftins, la danse, & toutes les autres demonftrations d'une allegreffe publique, fuccedoient aux larmes qu'on avoit repandues, & toute l'Egypte prenoit part à cette folemnité.

Il n'y avoit rien de fi brillant, rien de fi pompeux que les: Proceffions qu'on faifoit en l'honneur d'Ifis & d'Ofiris: on y portoit folemnellement les Statues de ces deux Divinités avec leurs fymboles. Les Prêtres, pour y affifter, se faifoient rafer la tête, pendant que les Prêtreffes confervoient leur cheve leure. Des habits blancs, faits du lin le plus fin, des couronnes & des guirlandes diftinguoient ces Prêtres & ces Prêtreffes

(1) Liv. 4.

Liv. s.

du nombre infini de peuple qui affiftoit à ces Proceffions ; & le bruit des Siftres, des Tambours & des Cymbales, rempliffoit les Affiftans d'un trouble mêlé de joie, qu'il est difficile d'exprimer. Herodote (1) parle d'une Fête d'Ifis, où l'on portoit la Statue fur un chariot à quatre roues, tiré par les (2) Strom. Prêtres de cette Déeffe; & Clement d'Alexandrie (2) décrit une autre Proceffion Egyptienne, où l'on portoit deux chiens d'or, un Epervier & un Ibis. Le même Auteur rapporte dans (3) Idem. un autre endroit (3), les paroles de Menandre qui railloit Protrep. ces Divinités coureufes, qui ne pouvoient demeurer en place. La Fête de Bubafte, dans la Baffe-Egypte, étoit encore plus folemnelle. On y venoit de toutes parts, & le Nil étoit durant plufieurs jours chargé de Barques, que ceux qui les rempliffoient avoient ornées de tout ce qui leur avoit paru propre à les embellir : & comme chaque Barque avoit fes Muficiens & fa fymphonie, l'air retentiffoit partout du bruit 'de leurs inftrumens. On accouroit de tous côtés fur les bords du fleuve pour voir paffer ces Barques : ceux qui étoient dedans, fuivant un ufage fort ancien & qui dure encore aujourd'hui prefque partout, apoftrophoient avec des railleries piquantes, & fouvent avec des injures groffieres, ceux qui venoient les voir; lefquels de leur côté les leur rendoient avec ufure. Les femmes qui étoient dans les Bateaux fe prefentoient à ces curieux d'une maniere trop immodefte pour la décrire ici. On avoit foin de préparer fur les bords du fleuve une infinités d'Hotelleries, où l'on venoit fe rafraîchir, & on y trouvoit en abondance tout ce qui pouvoit contribuer à la bonne chere. On comptoit jufqu'à fept cens mille perfonnes qui affiftoient à cette fête, fans parler des enfans qui accompagnoient leurs parens. Lorfqu'on étoit arrivé à Bubafte, on se livroit entierement à la joie & à la debauche, & il fe confumoit plus de vin dans cette ville pendant le fejour qu'on y faifoit à l'occafion de cette folemnité, que dans tout le refte de l'année.

Comme il n'y a rien qui s'aboliffe plus difficilement que les Ceremonies où fe mêle la debauche, cette fête dure encore aujourd'hui, quoique l'objet en foit changé; & tous les ans les Egyptiens, & les Turcs qui les gouvernent, descendent

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