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grandes cornes, fermées par un trait; avec un difque dans L'efpace qu'elles laiffent entr'elles. Les ornemens de tête que porte cette Déeffe dans les Statues que nous en avons, font toujours fort elevés & fort extraordinaires. Elle paroît même quelquefois avec une tête de bœuf & de grandes cornes; mais plus fouvent avec la fleur de Lotus, formant un croiffant, avec un globe au milieu. Comme elle representoit la Lune, il est aisé de voir qu'on a voulu, soit par les cornes de bœuf, foit par le Lotus, pofé comme nous venons de le dire, marquer le Croiffant de cette Planete ; & par le globe, figurer le monde dont elle fait le tour.

Dans la même fcene font fix figures, trois de chaque côté du Thrône, qui ont le vifage tourné vers la Déeffe. Deux debout avec de grands bâtons, qu'on peut regarder comme fes deux Gardes-du-Corps ; deux affifes, ce font deux Ofiris, l'un avec le pennache ordinaire, l'autre avec une tête d'Ibis. Dans le bas du fiege de celui qui eft à droite, eft le bœuf Apis, & fous celui qui eft à gauche, eft un crocodile.

Les deux dernieres figures de ce cartouche, qu'on a placées aux deux extrêmités, font affez fingulieres. Ce font deux femmes qui fe reffemblent entierement, foit dans leur habillement, foit dans les fymboles qu'elles portent. Leur ornement de tête eft compofé d'un grand pennache, avec des cornes & un difque; elles ont de grands cheveux, & des ailes fur les hanches. Comme elles tiennent une espece de couteau, tourné vers deux vafes qui font fur deux gueridons, il paroît qu'elles offrent un facrifice à Ifis, & que ce font deux de fes Prêtreffes, & non la Déeffe elle-même, comme le croit Pignorius.

Aux deux extremités de cette bande, font deux cartouches, feparés auffi en deux, & entierement femblables. Dans le haut, eft le boeuf Apis, avec deux Prêtres qui le regardent attentivement. Pignorius veut qu'ils obfervent s'il a les marques qu'il devoit avoir, pour reprefenter Ofiris ; mais comme le Prêtre qui eft devant le bœuf, tient d'une main un vase, & de l'autre quelque viande qu'il lui prefente, il eft évident qu'ils regardent l'un & l'autre, s'il prend ce qu'on lui offre à manger: car, comme nous l'avons dit, on tiroitun bon augure s'il mangeoit

ce qu'on lui offroit; & un mauvais, s'il le rejettoit: enforte qu'on eft étonné que Pignorius, & après lui de trèshabiles Antiquaires, fe foient trompés fur cet article. La partie inferieure de ces deux petits cartouches, represente deux Ifis, ou plûtôt deux de fes Prêtreffes qui lui offrent un

Sacrifice.

La bande d'en bas contient treize perfonnages, & peut être divifée en plufieurs actions. La premiere, en commençant par la gauche, eft compofée de trois figures. Celle du milieu eft un Orus, emmailloté, de maniere cependant qu'il a les mains libres, & qu'il tient un long bâton, terminé par une tête d'Epervier, femblable à celui d'Ofiris ; & un autre plus petit, qui pourroit bien être un fouet. Ce Dieu reprefentoit le Soleil, de même que fon pere, comme nous l'avons dit dans fon Article; ainfi il en avoit les fymboles. Aux deux côtés d'Orus font deux figures, qu'on croit être deux Ifis; mais je fuis perfuadé que ce font deux Prêtreffes, avec l'habillement de cette Déeffe, qui offrent un facrifice. En effet, une d'elles prefente une coupe au jeune Dieu, & l'autre une petite table fur laquelle font cinq vafes.

La feconde action de cette bande reprefente Ifis affifse entre deux Ofiris, dont l'une lui prefente un oifeau. La troifiéme montre un Ofiris avec une tête d'Epervier, & deux Ifis, dont l'une paroît lui offrir un vafe. La quatriéme renferme cinq figures, dont la principale est une Isis, avec une tête de lion. Près d'elle est un Anubis, enfuite un Ofiris, qui tient fon bâton d'une main, & de l'autre les marques de fa mutilation. Vient enfuite un autre Orus emmaillotté, qui a près de lui un chat, ou le Dieu Elurus, avec un fiftre. Enfin on voit encore un Oliris, avec une pique terminée en croffe, ayant fur la tête un ferpent furmonté d'un Soleil ; ce qui marque fans doute l'obliquité du cours de cet Aftre.

Comme la bordure eft remplie des mêmes figures, quoique avec quelque varieté, nous nous contenterons de renvoyer à Pignorius qui l'a expliquée.

Telle eft la defcription de cette Table, fur laquelle j'ai cru devoir m'étendre, à caufe des fymboles finguliers qu'y portent les Dieux d'Egypte. Mais quel a été le deffein de celui Vuu iij

qui l'a fait graver? c'eft ce qu'il n'eft pas aifé de deviner. Le (1) In Oedip. Pere Kirker (1) a cru y appercevoir les myfteres les plus caSynt. 1. p. 89. chés de la Theologie Egyptienne, & eft entré dans un détail que je n'ai pas deffein de copier. Pignorius femble ne s'être attaché qu'à la defcription mecanique de cette Table fans entreprendre d'en penetrer le deffein. Pour moi je pense que c'étoit une Table votive, que quelque Prince, ou quelqué particulier avoit confacrée à Ifis en reconnoiffance de quelque bienfait qu'il croyoit en avoir reçu. Cette Déesse y occupe la principale place, & on a voulu en variant fes attitudes & fes fymboles, montrer de combien de manieres differentes on la reprefentoit, comme auffi les differens facrifices qu'on lui offroit. On y en remarque en effet de trois fortes, celui des animaux, celui des plantes, & les libations: peut-être que celui qui confacroit cette Table à Isis, lui avoit offert toutes ces fortes de facrifices, foit pour avoir été gueri de quelque maladie confiderable, ou pour avoir été delivré de quelque grand danger qu'il avoit couru fur la mer : car on invoquoit également cette Déeffe dans les maladies, & lorfqu'on s'embarquoit pour un voyage de long cours, ce qui fit ajouter à fon nom les épithetes de Salutaris, & de Pelagia,

Rien au refte, n'étoit plus commun que les Tables votives confacrées à Ifis. Tous les Temples de cette Déeffe en étoient remplis, & cette forte d'Ouvrages faifoit vivre une infinité de Peintres, comme le dit Juvenal :

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(2) Juv. Sat.

18.

Et quùm votivá teftantur fana tabellâ
Plurima, Pictores quis nefcit ab Ifide pafci (2).

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CHAPITRE VIII.

Des Dieux des Arabes.

L

'HISTOIRE des Dieux Egyptiens nous conduit naturellement à celle des Arabes, leurs voisins. Ce Peuple toujours errant & vagabond, a fouvent changé d'état & de Religion. Comme il descendoit d'Ifmael, fils d'Abraham, on peut raifonnablement croire qu'il n'eut d'abord d'autre croyance que celle du fils de ce S. Patriarche ; mais l'Idolâtrie qui fe repandit dans ce temps-là fur toute la terre, eut fans doute bien-tôt penetré dans l'Arabie. Cependant on ignore le temps où les Arabes commencerent à embraffer le culte des faux Dieux : ce qu'on fçait c'eft que comme le Sabisme étoit la Religion dominante de ces premiers temps, ce fut vraisemblablement celle-là qu'ils fuivirent. Il n'eft pas douteux même que c'eft de cette forte de culte, que les Sabéens, Nation Arabe, avoient pris leur nom. Quoiqu'il en foit, voici ce qu'Herodote dit de cet ancien Peuple 1). » Il n'y a point de Peuple au monde qui (1) L. 3. c. 8.

paume

garde mieux la foi promife, que les Arabes ; & ils s'enga-
»gent en cette forte. Quelqu'un d'eux fe met entre les deux
Parties qui veulent traiter ensemble, tenant une pierre ai-
gue avec laquelle il fait quelques incifions dans la
de leurs mains: puis prenant un morceau de leurs habits,
il le trempe dans le fang qui fort de ces bleffures. Il en
frotte fept pierres qu'il a placées entr'eux, invoquant pen-
dant cette operation Dionyfius, ou Bacchus, & Uranie;
les Arabes, continue cet Auteur, croyent qu'il n'y a
point d'autres Dieux que ces deux-là. Ils fe rafent les tem-
ples, & fe coupent les cheveux en rond, parce qu'ils
croyent que Bacchus les portoit ainfi. Ils appellent Dio-
nyfius, Urotal (a), & Uranie, Alilat »; fur quoi il eft bon
de faire deux remarques. La premiere, que cet Auteur, qui
nomme ici cette Déeffe Alilat, l'avoit appellée dans le Livre

(a) Voyez dans Voffius, de Idol. Liv. 1. Chap. 8. l'étymologie de ce nom.

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(1) Liv. 10.

fecond, Mylitta. La feconde, que quoiqu'il donne dans un en-
droit le nom d'Aphrodite à cette Venus, & dans un autre celui
d'Uranie, il est évident qu'il ne les diftingue pas l'une de
l'autre.

Strabon qui parle auffi des Dieux des Arabes, dit (1) qu'ils
n'adoroient que Jupiter & Bacchus, fans faire aucune men-
tion d'Uranie; & Arrien, qui ne leur donne pour Divinités
que le Ciel & Bacchus, femble favorifer le fentiment de cet
Auteur: mais il y a apparence que ces deux Ecrivains étoient
moins inftruits qu'Herodote, de la Religion de cet ancien
Peuple, ou il faut convenir qu'elle avoit reçu quelque chan-
gement; peut-être que dans le fond ils ne fe contredifent
point les uns les autres. Bacchus étoit inconteftablement le
Soleil ; & Uranie, ou la Celeste, nommée par les Arabes &
par quelques autres Peuples, Alilat, étoit la Lune; & c'étoient
en effet ces deux Aftres qu'ils adoroient.

Comme l'Idolâtrie, qui ne connoiffoit dans fes commen-
cemens que ces deux Aftres, ne demeura pas long-temps
dans cette premiere fimplicité, on ne doit pas trouver étrange
que
d'autres Auteurs moins anciens que ceux que je viens de
citer, ayent donné aux Arabes un plus grand nombre de Dieux.
Ainfi Etienne de Byfance dit que leur Dieu s'appelloit Dufarès,
& que ce fut lui qui donna fon nom à une haute montagne,
& à ceux qui l'habitoient, qu'on nomma Dufareniens. Il raconte
auffi un fait qui en nous faifant connoître la vanité d'Ale-
xandre,
, prouve en même temps ce que dit Herodote de la
Religion des Arabes: car ce Conquerant ayant appris qu'ils
n'adoroient que deux Dieux, leur propofa d'être le troisiéme;
puifqu'il étoit comparable à Bacchus, dont il avoit égalé les
Conquêtes & les Voyages.

Il eft vrai que cet Auteur dit que les deux Divinités adorées
par les Arabes, étoient Uranus, ou le Ciel, & Dionyfius, ou
Bacchus ; mais les Sçavans donnent à jufte titre la preference
à Herodote. Tertullien dans fon Apologetique, & dans le
Livre XI. contre les Nations, nomme ce Dufarès, & le met
au nombre des Dieux des Arabes, avec Obodan qui étoit un
Roi du pays, dont on voyoit le Tombeau dans le pays des
Arabes Nabathéens.

Philoftorge,

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