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Philoftorge, dans Photius, affûre que les Homerites, Nation celebre parmi les Arabes, facrifioient au Soleil, à la Lune, & aux Demons. Maxime de Tyr dit qu'ils rendoient un culte divin à une pierre quarrée ; & quand quelqu'un d'eux embraffoit la Religion Chrétienne, on l'obligeoit à anathématiser cette pierre qui avoit été l'objet de fon culte. D'autres Auteurs prétendent que la Tour, nommée Acara, ou Alquibila, bâtie autrefois par leur Patriarche Ifmaël, étoit devenue parmi eux un objet de Religion. S. Jerome, dans fon Commentaire fur le Prophete Ofée, nous apprend qu'ils adoroient aussi Baal-Peor, dont parlent les Livres Saints, & croit que ce Dieu étoit le même que Priape; mais comme dans les meilleures Mythologues Priape eft le Soleil, comme nous le disons ailleurs, il faut toujours en revenir au sentiment d'Herodote.

A ces Auteurs anciens, il ne fera pas inutile d'ajouter l'autorité de quelques modernes, qui avoient puifé ce qu'ils rapportent de la Religion des Arabes, dans leurs Livres mêmes; je veux dire, d'Herbelot, qui en parle dans plusieurs endroits de fon Dictionnaire, & Pocock, dans fon Hiftoire d'Arabie. Ce dernier nomme fept de ces Dieux Celeftes; Dzohl, qu'il croit être Saturne; Dzohara, ou Venus; Mofchtara, ou Jupiter; Atharid, ou Mercure; Abdabaram, ou l'Eil du Taureau; Sohail, ou Canopus, & Aicheera, ou Sirius. On peut confulter les fçavantes Differtations de cet Auteur, & on y verra qu'il y fait monter le nombre des Dieux adorés par les Arabes, à plus de quarante.

Beger en nomme cinq, qu'il dit avoir tenu le premier rang parmi les Dieux de ce Peuple; Vuodd, chez les Kelibites; Scuvac, parmi les Hadéilites; Nefv, chez les Duikelaïtes; Jagout ou Jaug. On fçait encore qu'autour de la Kaaba (a), il y avoit trois cens foixante Statues. Reprefentoient-elles des Dieux, ou feulement les grands Hommes de la nation ? c'est ce qu'on ne fçauroit decider; mais il eft du moins certain que plufieurs de ces Statues étoient respectées, ou plûtôt adorées : le témoignage des Auteurs Arabes, comme le dit M. Fourmont (b),

(a) Temple de la Meque.

b) Reflexions fur les anciens Peuples.

ne nous permet pas d'en douter. Selon les mêmes Auteurs ajoute cet Academicien, l'Idolâtrie des Arabes eft plus ancienne que le Deluge. Les cinq derniers Dieux que nous avons nommés après Beger, étoient felon Budauvi, des hommes vertueux qui avoient vécu avant le Deluge, & dont le culte avoit été, après cet évenement, rétabli chez les Arabes.

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Je ne m'étendrai pas davantage fur les Dieux de ce Peuple; on en peut voir la Lifte dans Pocock & dans M. Fourmont, & je fupprime ce Catalogue d'autant plus volontiers, qu'il eft inftructif. Je me contente d'observer que ceux de ces Dieux qui n'avoient aucun rapport aux Aftres & aux Planetes, étoient quelques Hommes illuftres, qui avoient merité un culte religieux, parmi lefquels étoient fans doute Abraham & Ifmaël, defquels defcendoient les Arabes. Quoiqu'il en foit, il paroît que les Arabes n'avoient d'abord que deux Dieux naturels, Dionyfius & Alilat, c'est-à-dire, le Soleil & la Lune, comme le prouve très-bien Gerad Voffius; mais que dans la fuite ils joignirent à ces deux Divinités, les Dieux animés, leurs Rois & leurs Hommes illuftres; & qu'enfuite ils reçurent les Dieux de leurs voisins.

Au refte, aucun des Auteurs que j'ai cités, ne parle de la forme des Sacrifices des Arabes, ni des Victimes qu'ils immoloient. Strabon nous apprend feulement qu'ils offroient chaque jour au Soleil, ou à Dionyfius de l'encens fur un Autel qui étoit dans un lieu couvert ; & Theophrafte avoit dit longtemps avant lui, que les Sabéens ramaffoient avec grand foin la myrrhe & l'encens, pour l'offrir dans le Temple de ce Dieu ce qui leur étoit commun avec les Ethiopiens, ainsi que nous le dirons dans le Chapitre suivant.

On ne s'étend pas davantage fur la Venus Uranie, ni fur Dionyfius, qui étoit l'ancien Bacchus, ou plûtôt Osiris, dont le culte avoit paffé d'Egypte en Arabie, parce qu'on aura occafion d'en parler ailleurs.

Les Arabes demeurerent Idolâtres jufqu'au temps de Mahomet, fous lequel ils abandonnerent le culte des Idoles, & ont toujours été depuis fes plus fideles Difciples.

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CHAPITRE IX.

Des Dieux des Ethiopiens.

ES Dieux des Egyptiens & des Arabes, il eft naturel de paffer à ceux des Ethiopiens: voici d'abord ce que Strabon nous en apprend (1). » Les Ethiopiens, dit ce fçavant (1) Liv. 17. Geographe, reconnoiffent un Dieu immortel qui eft le prin

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cipe de toutes chofes, & un Dieu mortel, qui n'a point

» de nom; mais communément ils regardent comme des Dieux leurs bienfaiteurs, & ceux qui font diftingués par leur naiffance. Parmi ceux qui habitent la Zone torride, il y en a qui paffent pour être Athées, parce qu'effectivement ils haiffent le Soleil, & le maudiffent à fon lever, par la » raison qu'il les brûle par fa chaleur, au point qu'ils font obligés d'aller fe cacher dans les lieux humides & maré» cageux ».

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Ceux de Meroé adorent Hercule, Pan, & Ifis, avec un autre Dieu étranger. Quelques-uns d'entr'eux jettent leurs morts dans le fleuve, pendant que d'autres les gardent 3 chez eux dans de grands Vafes de verre ; d'autres enfin les » mettent dans des Cerceuils de terre cuite, & les enterrent > autour des Temples

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On voit par ce paffage que les Ethiopiens, à l'exemple des autres Peuples, avoient des Dieux naturels, & des Dieux animés: qu'ils prenoient les derniers parmi leurs grands Hommes, qu'ils élevoient au rang des Dieux; & qu'ils avoient emprunté les premiers des Egyptiens leurs voifins, puifqu'ils adoroient comme eux la Lune fous le nom d'Ifis, & toute la nature fous celui de Pan.

Pour le Soleil, il eft certain qu'ils l'honoroient au point qu'on regardoit comme Athées ceux qui ne le reconnoiffoient pas pour un Dieu, ainfi que nous venons de le dire après Strabon: cependant ils ne le nommoient pas Ofiris comme les Egyptiens, mais Affabinus; & parce qu'il étoit leur grande Divinité, les Grecs & les Romains lui donnoient le nom de

Jupiter Ethiopien, & cela avec d'autant plus de raifon, remar
que le fçavant Voffius, , que dans tout l'Orient & parmi les
Peuples d'Afrique, Jupiter ne representoit pas feulement le
Ciel, mais auffi le Soleil.

&

Quoiqu'il en foit, les Ethiopiens confacroient au Soleil le cinnamome, plante odoriferante qui croiffoit dans leur pays. La maniere finguliere dont ils le cueilloient, eft rapportée, quoiqu'avec quelque difference, par Theophrafte, par Pline, par Solin; elle fe reduit à ceci. C'étoit aux feuls Prêtres qu'il étoit permis de faire cette recolte, qui étoit toujours précédée de Sacrifices; & il falloit qu'ils ne commençassent cet ouvrage qu'après le lever du Soleil, & qu'ils le finiffent avant fon coucher. La recolte faite, on la feparoit en trois parts avec une fleche, qui n'étoit employée que pour cet effet. On en emportoit deux portions, & on laiffoit fur le lieu même celle qui étoit échue au Soleil, & d'abord, dit-on, fi le partage avoit été fait avec équité, la portion du Soleil s'allumoit d'elle même, & étoit confumée. Theophrafte a bien jugé que (1) cette derniere circonftance n'étoit qu'une fable (1); mais μ- Pline & Solin ne joignent aucune reflexion à leur recit, comme on le voit dans les deux paffages de ces Auteurs, dont voici les propres termes :

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Metitur non nifi permiferit Deus ; Jovem hunc intelligunt aliqui, Affabinum illi vocant. Quadraginta quatuor boum caprarumque & arietum cæfis, impetratur venia cædendi: non tamen aut ante ortum Solis, aut poft occafum, licet. Sarmenta hastá dividit Sacerdos, Deoque partem ponit; reliquum mercator in naffas condit. Eft & alia fama, cum Sole dividi, ternasque partes fieri: dein forte cremia difcerni ; quodque Soli cefferit, relinqui, (2) Plin. Liv. ac fpontè conflagrare (2).

12. C. 19.

(3) Solin. C. 31.

Ethiopes legunt Cinnamum ; verùm legitur per Sacerdotes, hoftiis priùs cafis: quæ cum litaverint, obfervatur ut messis nec ortum Solis anticipet, nec egrediatur occafum. Quifquis principatum tenet Sacerdotum, acervos haftâ dividit, quæ facrata eft in hoc minifterium: atque ita portio manipulorum Soli dicatur ; quæ fi juftè divifa eft, fpontè incenditur (3).

Pour moi je croirois volontiers que les Prêtres mettoient fecrettement quelques charbons fous le tas qui étoit pour le

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Soleil, & que ces charbons s'allumoient quelques momens après, dans le temps précisément qu'on fe retiroit.

Voilà en peu de mots tout ce qu'on connoît par les Anciens de la Religion des Ethiopiens, encore ne fçait-on pas précifément de quels Ethiopiens ils parlent; & il y a toute forte d'apparence que c'étoit des Orientaux, & non de ceux d'Afrique. En effet, ce que Theophrafte dit du foin qu'avoient les Sabbéens, Nation Arabe, de recueillir l'encens & le cinnamome, pour l'offrir au Soleil, Strabon le dit des Ethiopiens.

Comme les Anciens ne connoiffoient pas l'interieur de l'Afrique, je ne dirai rien de l'Idolâtrie de ces Peuples. Il n'en étoit pas de même des Côtes de ce continent, elles leurs étoient fort connues, & ils parlent fouvent de la Religion des Peuples qui les habitoient: ce qui fera la matiere du Chapitre fuivant.

CHAPITRE X.

Des Dieux des Carthaginois, & de quelques autres Peu ples d'Afrique.

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UE les Carthaginois fuffent une Colonie fortie de Phenicie fous la conduite d'Elife, furnommée: Didon, c'eft un tait dont tout le monde convient ; & dès-là on ne sçauroit nier que les premiers Dieux de Carthage n'ayent été les mêmes que ceux qu'on adoroit à Tyr & à Sidon. Didon établit fans doute dans fa nouvelle Colonie le culte des Dieux de fes ancêtres : un changement fubit en fait de Religion auroit revolté fes Sujets; on eft naturellement attaché à celle qu'on a, pour ainfi dire, fuccée avec le lait. Malheureusement le peu que nous fçavons de la Religion des Carthaginois, nous vient que des Grecs & des Romains, qui ont donné les noms de leurs Dieux à ceux de ce Peuple; ainfi nous trouvons à Carthage Saturne, Jupiter, Neptune, Apollon, Venus, Mars, Mercure, Hercule, Cerès, Proferpine, Junon & Efculape; tous Dieux adorés dans la Grece & dans l'Italie. On ne doit pas

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