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(1) Liv. 10.

(2) Traité de

la Superft.
(3) Antiqui.

Romaines.

(4) Liv. 3.

C. 3.

(5) Sil. Ital.

cependant penfer que ces deux Pays les ayent reçus eux-mêmes des Carthaginois, puifque les Colonies Egyptiennes & Pheniciennes qui en porterent la connoiffance dans la Grece, étoient anterieures de plufieurs fiecles à celle de Didon : on devroit croire plûtôt que les Grecs, & ensuite les Romains au temps des guerres Puniques, communiquerent leurs Dieux aux Carthaginois, ce qui n'eft pas fans vraisemblance. Mais il s'agit des premiers Dieux de ce Peuple, qui étoient incontestablement les mêmes que ceux des Pheniciens.

Voici donc ce qui a pu tromper les Grecs & les Romains. Dans le commerce qu'ils eurent avec les Carthaginois, ils apprirent qu'ils immoloient des enfans à un de leurs Dieux, & dès-là ils ne douterent pas que ce ne fût Saturne; au lieu que s'ils avoient fçu eux-mêmes l'origine de leurs Dieux, ils auroient vû que leur Saturne, ainfi que celui des Carthaginois, étoit Moloch, la grande Divinité des Ammonites. Ils que les Carthaginois avoient un Dieu au

apprirent de mêmeeurs ferments; & comme ils juroient

ils adreffoient

eux-mêmes par Jupiter, ils ne douterent pas que ce ne fût le même Dieu, au lieu qu'à Carthage c'étoit le Baal-Berith de Phenicie, dont nous parlerons dans le Livre fuivant. On pourroit dire la même chofe de prefque tous les autres Dieux adorés à Carthage. Entrons maintenant dans quelque détail.

Toute l'Antiquité convient que les Carthaginois adoroient Saturne, qui étoit, comme nous venons de le dire, le même que Moloch, & qu'ils lui immoloient des enfans. Si je voulois m'étendre fur cet article, je rapporterois les paffages de Diodore de Sicile (1), de Plutarque (2), de Denys d'Halicarnaffe (3), de Quinte-Curce (4), & de plusieurs autres Anciens. La deteftable coutume d'immoler tous les ans des victimes humaines à ce Dieu, dura même après la defaite de ce Peuple, malgré les efforts que firent leurs vainqueurs pour la faire ceffer.

Urna reducebat miferandos annua cafus,

Sacra Thoantea ritufque imitata Diana (5).

(6) Liv. 19. Justin raconte (6) que Darius fils d'Hyftafpès leur avoit ordonné de faire ceffer ces Sacrifices barbares; mais fes ordres

C

Num. vind.

furent mal executés. Plutarque ajoute (i) que Gelon, Tyran (1) De fera.
de Syracufe, ne fit la paix avec eux, qu'en mettant la même
defense comme la premiere condition du Traité ; & felon
Tertullien (2) Tibere ordonna de pendre tous les Prêtres qui (2) In Apol,
exigeoient ces barbares Sacrifices.

Nous avons déja dit que ce Dieu adoré à Carthage, étoit
le même que Moloch; tous les Sçavans, parmi lefquels on
peut confulter Bochart, Voffius, & Selden, en convien-
nent, & M. Fourmont a mis le fait hors de doute (a): le vers
de Silius Italicus, où il eft parlé de Milicus, ne fçauroit, se-
lon lui, être entendu que de Moloch. Il s'agit en effet dans
ce vers, & dans les deux autres que nous venons de citer,
des Carthaginois & de leur Religion. Les noms d'Amilcar,
de Bomilcar, & d'Imilco, fuivant le même Auteur, font des
allufions visibles à ceux de Moloch, de Milkom, & de Me-
lech, Divinités Pheniciennes : mais je ne fçaurois être de fon
avis fur le dernier article. Ces trois noms font ceux de trois
Perfonnes Illuftres que les Carthaginois mirent au nombre de
leurs Dieux; Herodote l'affûre formellement du premier.
Amilcar, dit-il (3), ayant été vaincu par Gelon, difparut (3) Liv. 7.
& ne put être trouvé ni vif ni mort, quelque foin que prît
fon Vainqueur de le faire chercher. Les Carthaginois qui ont
une grande veneration pour lui, difent que durant le com-
bat des Barbares & des Grecs Siciliens, Amilcar étant de-
» meuré dans le Camp, y faifoit des Sacrifices de toutes for-
tes d'animaux, & que voyant la deroute de fon Armée il
fe jetta dans le feu; mais foit qu'il fût mort de cette forte,
» comme le difent les Pheniciens, ou de l'autre, comme
l'affûrent les Carthaginois & les Syracufains, ceux-là lui
offrent des Sacrifices, & ont dreffé des monumens en fon
honneur, partout où il y a quelqu'une de leurs Colonies,
& principalement dans Carthage

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On doit penfer la même chofe de Bomilcar & d'Imilco, quoique les anciens ne nous en difent rien. Car enfin, on ne fçauroit nier après ce que nous venons de rapporter d'Herodote, que les Carthaginois, à l'exemple des autres Peuples, n'ayent mis leurs grands Hommes au nombre des Dieux, & (a) Reflexions Critiques fur les anciens Peuples, Tome I. pag. 144. & suiv.

qu'ils n'ayent joint les Dieux animés, à ceux qu'on appelle naturels : l'exemple des deux Philenes en eft une preuve. Ces (1) De Bell. deux freres, au rapport de Sallufte (1), de Pomponius MeJug. c. 79. la (2), & de Valere Maxime (3), ayant été envoyés par les (3) L. 5. c. 6. Carthaginois pour faire la paix avec les Cyrenéens qui leur faifoient la guerre, fe facrifierent pour leur Patrie, qui en reconnoiffance leur éleva des Autels, & leur rendit les honneurs divins.

(2) L. 1. c. 8.

(4) Liv. 2.

(5) De Bell.

Punic.

(6) Vie de

Flay.

Pour Neptune, les Carthaginois en avoient reçu le culte des Libyens, auffi bien que les Grecs & les Romains; car ce Dieu, ainfi que nous l'apprenons d'Herodote (4) dont nous avons rapporté ailleurs le paffage, étoit originaire d'Afrique. Appien dit (5) que le même Peuple adoroit Apollon, qui avoit un Temple à Carthage, & Plutarque ajoute (6) que la Statue de ce Dieu fut portée à Rome.

Junon & Venus étoient deux des plus grandes Divinités (7) Apud des Carthaginois. S. Augustin (7) parlant de la derniere de Aug. de Ĉiv. ces Liv. deux Déeffes, dit que Carthage étoit le lieu où elle avoit établi fon Regne, & Virgile nous apprend que Junon préferoit cette ville à toutes les autres, & à Samos même :

Dei,

C. 10.

4.

(8) Æn. L. I.

Quam Juno fertur terris magis omnibus unam
Pofthabitâ coluiffe Samo (8).

Pour ce qui regarde Mars, nous avons le temoignage de Silius (9) Pun. L. 1. Italicus (9), qui dit qu'Annibal l'invoquoit. On fçait auffi que les Carthaginois honoroient Mercure fous le nom de Sumes. Ce Peuple dont le commerce étoit la plus grande reffource, auroit-il negligé le culte du Dieu des Marchands & des Voleurs? Nous avons deux autorités qui prouvent qu'ils honoroient (10) Ibidem. auffi Cerès & Proferpine. Le Poëte que je viens de citer (10) dit que les Statues de ces deux Déeffes étoient dans le Temple de Didon, & Virgile affûre que cette Princesse facrifioit (11) Æneid. à Cerès (11). Liv. 2.

સે

Rien n'eft plus celebre dans l'Hiftoire ancienne que l'Hercule de Tyr, dont le culte fut porté à Carthage par Didon, & fe repandit enfuite fur toutes les Côtes d'Afrique, & juf(12) Diod. de qu'à Gadès, ou Cadis, où il avoit un Temple magnifique (12):

Sic. Liv. 4.

L

mais comme je dois parler au long de ce Dieu dans le Tome III. je n'en dirai rien ici.

Silius Italicus (1) met auffi Dis, ou Pluton, ou l'Erebe, parmi les Dieux des Carthaginois, & Polybe nous apprend (2) qu'ils l'invoquoient comme le Dieu des Enfers. Efculape, au rapport de Strabon (3), d'Apulée (4), & d'Appien (5), étoit auffi en grande veneration à Carthage, & y avoit un Temple magnifique. Voffius (6) prouve par de bonnes autorités que le culte de ce Dieu leur venoit de Tyr; mais je ne garantirois pas qu'ils n'euffent auffi connu l'Efculape Grec, ou le Meffenien.

(1) Loc. cit.

(2) Liv. 7.

(3) Liv. 17. (4) In Flor. (5) In Libycis. (6) De Idol. L. i.c.32.

Tels étoient les Dieux dont les Carthaginois avoient reçu le culte, d'abord des Pheniciens, enfuite des Grecs & des Romains. Peu contents de la Religion de leurs Peres, ils voulurent imiter les autres Peuples, en faifant l'Apotheofe de leurs grands Hommes. Didon leur fondatrice reçut cet honneur, qu'elle avoit elle-même rendu, felon Ovide (7), à Si- (7) Heroid. 7. chée fon mari, & devint une des grandes Divinités de Carthage (8). Anne, felon le même Poëte, partagea les honneurs divins avec fa foeur (9), ainfi qu'Amilcar, comme nous venons de le dire après Herodote (10): car fi cet Auteur ne dit pas (10) Liv. 7. pofitivement qu'il fut mis au rang des Dieux, du moins fut-il, felon lui, honoré comme un Heros, puifqu'il rapporte qu'on établit des Sacrifices en fon honneur, & de ces fortes de monumens qu'il nomme un para, confacrés aux Heros, comme nous le dirons au commencement du troifiéme Tome.

(8) V. Son Hift. T. III. (9) Faft. L. 3.

Libyens.

Si après avoir parlé des Dieux des Carthaginois nous paf-Dieux des fons aux autres parties de l'Afrique, nous trouverons qu'Ammon étoit honoré par les Libyens, dans le lieu où étoit ce fameux Oracle, dont nous avons parlé au Livre IV. Les Sçavans ont recherché quel étoit cet Ammon, & ils convien nent tous que c'étoit Cham lui-même, dont le nom adouci par le retranchenient de la premiere lettre se prononçoit Ham, ou Ammon, fur quoi on peut confulter Voffius (11). (11) De Idol. En effet, il eft certain que Cham, ou du moins Mifraim L. 1. c. 32. fon fils, alla s'établir en Egypte ; & fi l'Ecriture Sainte l'appelle prefque toujours la terre de Mefraïm, elle fait quelquefois mention du nom de Cham ou Ammon, comme on peut

,

le voir dans ces paroles du Prophete Nahum, qui apoftrophe ainsi la ville de Ninive: ferez-vous mieux traitée que la ville (1) C. 3. v. 8. d'Ammon (1)? Je fçais que la Vulgate a entendu ce paffage, de la ville d'Alexandrie: Etes-vous meilleure la ville d'Ale(2) In 3. Cap. xandrie? & que S. Jerôme (2) rapporte que celui qui lui avoit appris l'Hebreu, lui avoit dit que ce paffage pouvoit s'interpreter ainsi ; mais toujours eft-il fûr, que dans le texte original, il y a no- Amon.

Nahum.

(3) Liv. 2.

que

Les Egyptiens, felon Herodote (3), avoient donné à Ammon le nom de Jupiter : Αμμον Αιγύπτοι καλέσαι τὸν Δία; ce qui ne doit point nous étonner, puifque la plupart des anciens Princes, ou des Dieux, ont porté le même nom. Si (4) Liv. 2. nous nous en rapportons à Diodore de Sicile (4), Ammon avoit été Roi d'une partie de la Libye, & il avoit épousé Rhea, fille d'Uranus & foeur de Chronos, ou Saturne; mais, (s) Loc. cit. comme le remarque judicieusement Voffius (5), tout cela convient à Cham: car fi le jeune Saturne eft le même que Noé, on peut dire que fes brus étoient fes fours puifqu'elles defcendoient comme lui du vieux Saturne, qui eft le même qu'Adam. Que fi l'Hiftorien Grec ne fait regner Ammon que dans la Libye, quoique fon Empire ait compris le pays de Chanaan, l'Arabie, l'Egypte, l'Ethiopie, & une partie de la Libye, c'est qu'il a cru qu'il n'avoit regné que dans la contrée où fut établi fon Oracle.

Dieux des Augilites.

Concluons donc avec Voffius, qu'Ammon étoit le même que Cham, qui fut mis après fa mort au nombre des Dieux, & adoré fous le nom de Jupiter Ammon.

Les Augiles, ou plûtôt les Augilites, peuples fitués entre les Garamantes & les Troglodytes, n'avoient au rapport de (6) L. 1. c. 8. Pomponius Mela (6), point d'autres Dieux que les Manes. C'étoit par eux qu'ils juroient; ils les confultoient comme leurs Oracles, & recevoient leurs reponfes en dormant près de leurs tombeaux: Augila Manes tantùm Deos putant; per eos dejerant; eos ut Oracula confulunt ; precatique quæ volunt, ubi tumulis incubuere, pro refponfis ferunt fomnia.

(7) L. 5. c. 8.

Pline (7) ne differe de Mela qu'en ce qu'il nomme Dieux infernaux, ceux que le Geographe avoit appellés dieux Manes: Augila inferos tantùm colunt ; & l'un & l'autre n'ont fait

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