(1) Ibidem. den fortir, comme nous l'avons déja dit (1). On doit mettre auffi au nombre de leurs plus anciennes Divinités les Theraphims, dont je parlerai dans la fuite. Telle fut la premiere Idolâtrie des Chaldéens : mais ils n'en demeurerent pas là. L'obfervation des Aftres les porta à inventer l'Aftrologie judiciaire, & en confequence, cette fatale neceffité qui determine tout ce qui arrive dans le monde, ou cette efpece de Fatum, qui porta le nom du pays même où il avoit été inventé; Fatum Chaldaicum, ou, Mathematicum. De-là leur crédulité pour les Aftrologues & pour les Devins qui les amufoient par leurs vaines prédictions, comme le leur reprochent les Prophetes (a). Outre les Dieux naturels, tels que les Aftres, le feu, &c. les Chaldéens avoient des Dieux animés, c'est-à-dire, leurs premiers Rois, & leurs grands Hommes. Babylone, capitale de la Chaldée, étoit la plus Idolâtre de toutes les Villes du monde : c'est l'idée qu'en donne l'Ecriture Sainte. Le Prophete Jeremie la depeint d'un feul trait, en l'appellant une terre (2) Ch. so. d'Idoles, terra Sculptilium (2); & il y a beaucoup d'apparence qu'elle avoit adopté la plupart des Dieux de fes voisins, & jufqu'aux monftres de l'Egypte ; & in portentis gloriantur : ainsi ce que je dis dans ce Livre, des Dieux de l'Orient, devroit fuffire pour l'intelligence du culte idolâtre de cette ville; mais comme elle avoit auffi quelques Dieux qui lui étoient particuliers, je dois en parler en peu de mots. Belus étoit fa grande Divinité, & rien n'étoit fi magnifique ni fi riche, que le Temple qu'il avoit à Babylone, comme nous l'avons dit. Mais ce Belus, étoit-il le même que Bel, (1) Æn. L. 2. ou Baal? Etoit-il celui dont Virgile fait mention (3); quam Belus, & omnes à Belo foliti? Etoit-il le fondateur & le premier Roi de Babylone? C'eft ce que j'examinerai dans le Tome II. à l'Article de Jupiter Belus. D Jeremie met au nombre des Dieux de cette Ville, Merodach. Annoncez ceci parmi les Nations, publiez-le: dites, Babylone eft prife, Bel eft confondu, Merodach eft vaincu; leurs Statues font brifées, leurs Idoles vaincues » : Annunciate in Gentibus. . . . dicite, confufus eft Bel, victus eft Me(a) Voyez ce qu'on a dit là-deffus d'après le Prophete Ifaïe, p. 402. rodachi Soleil, & que ces charbons s'allumoient quelques momens après, dans le temps précisément qu'on fe retiroit. Voilà en peu de mots tout ce qu'on connoît par les Anciens de la Religion des Ethiopiens, encore ne fçait-on pas précifément de quels Ethiopiens ils parlent ; & il y a toute forte d'apparence que c'étoit des Orientaux, & non de ceux d'Afrique. En effet, ce que Theophrafte dit du foin qu'avoient les Sabbéens, Nation Arabe, de recueillir l'encens & le cinnamome, pour l'offrir au Soleil, Strabon le dit des Ethiopiens. Comme les Anciens ne connoiffoient pas l'interieur de l'Afrique, je ne dirai rien de l'Idolâtrie de ces Peuples. Il n'en étoit pas de même des Côtes de ce continent, elles leurs étoient fort connues, & ils parlent fouvent de la Religion des Peuples qui les habitoient: ce qui fera la matiere du Chapitre fuivant. CHAPITRE X. Des Dieux des Carthaginois, & de quelques autres Peu ples d'Afrique. O UE les Carthaginois fuffent une Colonie fortie de Phenicie fous la conduite d'Elife, furnommée Didon, c'eft un tait dont tout le monde convient ; & dès-là on ne sçauroit nier que les premiers Dieux de Carthage n'ayent été les mêmes que ceux qu'on adoroit à Tyr & à Sidon. Didon établit fans doute dans fa nouvelle Colonie le culte des Dieux de fes ancêtres : un changement fubit en fait de Religion auroit revolté fes Sujets; on eft naturellement attaché à celle qu'on a, pour ainfi dire, fuccée avec le lait. Malheureusement le peu que nous fçavons de la Religion des Carthaginois, nous vient des Grecs & des Romains, qui ont donné les noms de leurs Dieux à ceux de ce Peuple; ainfi nous trouvons à Carthage Saturne, Jupiter, Neptune, Apollon, Venus, Mars, Mercure, Hercule, Cerès, Proferpine, Junon & Efculape; tous Dieux adorés dans la Grece & dans l'Italie. On ne doit pas cependant penfer que ces deux Pays les ayent reçus eux-mêmes des Carthaginois, puifque les Colonies Egyptiennes & Pheniciennes qui en porterent la connoiffance dans la Grece, étoient anterieures de plufieurs fiecles à celle de Didon : on devroit croire plûtôt que les Grecs, & enfuite les Romains au temps des guerres Puniques, communiquerent leurs Dieux aux Carthaginois, ce qui n'eft pas fans vraisemblance. Mais il s'agit des premiers Dieux de ce Peuple, qui étoient incontestablement les mêmes que ceux des Pheniciens. Voici donc ce qui a pu tromper les Grecs & les Romains. Dans le commerce qu'ils eurent avec les Carthaginois, ils apprirent qu'ils immoloient des enfans à un de leurs Dieux, & dès-là ils ne douterent pas que ce ne fût Saturne ; au lieu que s'ils avoient fçu eux-mêmes l'origine de leurs Dieux, ils auroient vû que leur Saturne, ainfi que celui des Carthaginois, étoit Moloch, la grande Divinité des Ammonites. Ils apprirent de même que les Carthaginois avoient un Dieu auquel ils adreffoient leurs ferments; & comme ils juroient eux-mêmes par Jupiter, ils ne douterent pas que ce ne fût le même Dieu, au lieu qu'à Carthage c'étoit le Baal-Berith de Phenicie, dont nous parlerons dans le Livre fuivant. On pourroit dire la même chofe de prefque tous les autres Dieux adorés à Carthage. Entrons maintenant dans quelque détail. Toute l'Antiquité convient que les Carthaginois adoroient Saturne, qui étoit, comme nous venons de le dire, le même que Moloch, & qu'ils lui immoloient des enfans. Si je voulois m'étendre fur cet article, je rapporterois les paffages de Diodore de Sicile (1), de Plutarque (2), de Denys d'Halicarnaffe (3), de Quinte-Curce (4), & de plufieurs autres Anciens. La deteftable coutume d'immoler tous les ans des victimes humaines à ce Dieu, dura même après la defaite de ce Peuple, malgré les efforts que firent leurs vainqueurs pour la faire ceffer. Urna reducebat miferandos annua cafus, Sacra Thoantea ritufque imitata Diana (5). Juftin raconte (6) que Darius fils d'Hyftafpès leur avoit ordonné de faire ceffer ces Sacrifices barbares; mais fes ordres Num. vind. furent mal executés. Plutarque ajoute (i) que Gelon, Tyran (1) De fera. Nous avons déja dit que ce Dieu adoré à Carthage, étoit D On doit penfer la même chofe de Bomilcar & d'Imilco, quoique les anciens ne nous en disent rien. Car enfin, on ne fçauroit nier après ce que nous venons de rapporter d'Herodote, que les Carthaginois, à l'exemple des autres Peuples, n'ayent mis leurs grands Hommes au nombre des Dieux, & (a) Reflexions Critiques fur les anciens Peuples, Tome I. pag. 144. & fuiv. (1) Met. I. 10. la vie, alloient après la mort habiter dans les Aftres, on voulut bien croire que celles de ce Prince & de fon Epouse avoient pris le Soleil & la Lune pour leur demeure, & on les honora comme ces Aftres mêmes, dont le culte étoit déja établi : car il faut toujours se ressouvenir que les Aftres & les Planetes furent les premiers Dieux du Paganisme; & que la même Divinité pouvoit être un Dieu naturel, ou phyfique, & un Dieu animé. Ce n'eft pas que l'Hiftoire nous ait confervé le détail des actions de ces anciens Princes qui meriterent après leur mort d'être mis au rang des Dieux, les monumens qui la contenoient s'étant perdus ; mais il eft aifé de juger que les fables qui font parvenues jufqu'à nous, font allusion à l'Hiftoire de ces hommes celelebres. Celles que les Grecs & les Latins ont publiées de Venus & d'Adonis, étoient fondées fans doute fur quelques anciennes traditions que les Pheniciens leur avoient apprifes le fond de ces traditions étoit hiftorique ; mais ces peuples l'avoient embelli de plusieurs fictions, pour rendre leurs Dieux plus refpectables. Selon Ovide (1), Adonis étoit le fruit du commerce de Cinyras avec fa fille Myrrha. Cette Princeffe obligée de se derober à la colere de fon pere, qui s'en étoit approché fans la connoître, dans le temps qu'une fête que celebroit la Reine, la feparoit de fon mari, fe retira en Arabie, où les Dieux touchés de fes malheurs & de fon repentir, la changerent en l'arbre qui porte le parfum précieux auquel elle a donné fon nom. Ce fut en cet état qu'elle mit au monde le jeune Adonis, que les Nymphes du voitinage reçurent en naissant, & nourrirent dans les antres de l'Arabie. Adonis devenu grand, alla à la Cour de Byblos dans la Phenicie, dont il fit tout l'ornement. Ici les Poëtes fe font donné une libre carriere. Venus, difent-ils (a), en devint éperduement amoureuse, préfera fa conquête à celle des Dieux-mêmes, & abandonna le fejour de Cythere, d'Amathonte & de Paphos, pour le fuivre dans les forêts du mont Liban, où il alloit chaffer. Mars jaloux de la préference que cette Déeffe donnoit à ce jeune Prince, employa pour se venger le fecours de Diane, qui (a) Voyez Theoc. Hygin, Ovide, &c. |