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fufcita un Sanglier qui ôta la. vie à Adonis (a). Venus ayant
appris ce trifte accident, donna toutes les marques de la plus
vive douleur ;

Pariterque finus, pariterque capillos
Rupit, & indignis percuffit pectora palmis (1).

Cependant le jeune Prince defcendit dans le Royaume de
Pluton, & infpira de tendres fentimens à Proferpine. Venus
monta au ciel pour obtenir fon retour de Jupiter fon pere,
& la Déeffe des Enfers refusa de le rendre. Le
pere des Dieux
embarraffé d'une affaire fi difficile, s'en remit à la décision
de la Mufe Calliope, laquelle crut contenter les deux Déesses
en le leur rendant alternativement: on députa les Heures chez
Pluton qui ramenerent Adonis, & depuis ce temps-là il de-
meura chaque année fix mois fur la terre auprès de fa chere
Venus, & fix mois dans les Enfers.

Voilà fans doute une fable bien myfterieufe, & une énigme qu'on feroit bien embarraffé d'expliquer dans tous fes points mais il est aifé de juger qu'elle eft mêlée d'Hiftoire & de Phyfique, & c'est ce que nous tâcherons de développer dans la fuite.

(1) Ovi. Met. Liv. 10.

T. 3.

M. le Clerc, après Selden & Marsham, ayant mieux aimé prendre cette fable dans Phurnutus & dans d'autres Mythologues que dans Ovide, la rapporte & l'explique ainfi (2). (2) Bib. Uni. Cinnyr, ou Cinyras, grand-pere d'Adonis, ayant bû un jour avec excès, s'endormit d'une maniere indecente, Mor ou Myrrha fa bru, femme d'Ammon, accompagnée de fon fils Adonis, l'ayant vû en cet état, en avertit fon mari : celui-ci après que l'yvreffe de Cinyras fut paffée lui apprit cette avanture, dont il fut fi piqué qu'il combla de maledictions fa fille & fon petit-fils. Voilà d'abord, dit M. le Clerc, le fondement du prétendu incefte de Myrrha, dont parle Ovide; ce Poete ayant reprefenté l'indifcrete curiofité de cette Princeffe, comme un veritable incefte. Myrrha chargée des maledictions de

(a) Il y a une autre tradition qui porte que c'étoit Apollon qui avoit fufcité le Sanglier pour fe venger de Venus, qui avoit aveuglé Erimanthe fils de ce Dieu, pour s'être mocqué de fes galanteries.

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fon pere, fe retira en Arabie, où elle demeura quelque temps; & c'eft encore ce qui a donné lieu au même Poëte de dire, que ce fut dans ce pays qu'elle accoucha d'Adonis, parce. qu'en effet ce jeune Prince y fut élevé. Quelque temps après, continue M. le Clerc, Adonis avec Ammon fon pere & Myrrha fa mere, alla en Egypte, où Ammon étant mort, ce jeune Prince s'appliqua entierement à cultiver l'efprit de ce Peuple, lui enfeigna l'Agriculture, & fit plufieurs belles Loix touchant la proprieté des terres. Aftarté ou Ifis fa femme l'aimoit avec paffion, & ils vivoient enfemble comme un amant & une maîtreffe. Adonis étant allé en Syrie fut bleffé à l'aine par un fanglier dans les bois du mont Liban, où il chaffoit. Aftarté qui crut que fa bleffure étoit mortelle, fit paroître tant de douleur qu'on le crut mort, & il fut pleuré dans l'Egypte & dans la Phenicie. Cependant il guerit, & la joye fucceda à la trifteffe. Pour perpétuer la memoire de cet évenement on inftitua une fête annuelle, pendant laquelle, après avoir pleuré Adonis comme mort, on fe réjouiffoit enfuite comme s'il étoit reffuscité. Adonis fut tué, fuivant le même Auteur, dans une bataille ; & fa femme le fit mettre au rang des Dieux. Après la mort d'Adonis, Aftarté gouverna paifiblement l'Egypte, & merita les honneurs divins. Les Egyptiens, dont la Theologie étoit toute fymbolique, les reprefenterent dans la fuite l'un & l'autre fous la figure d'un boeuf & d'une vache, pour apprendre à la pofterité qu'ils avoient enfeigné l'Agriculture.

Pour ce qui regarde la fuite de Myrrha, dont parle Ovide, elle ne fignifie, dit M. le Clerc, que la malediction qu'elle s'attira, & fa retraite en Egypte avec fon mari ; & fa metamorphofe en arbre n'a été inventée que fur l'équivoque du nom de Mor qu'elle portoit, & qui parmi les Arabes vouloit dire de la myrrhe.

On voit par cette explication, que le fçavant Auteur que je viens d'abreger, étoit perfuadé qu'Adonis & Aftarté étoient les mêmes qu'Ofiris & Ifis, & il n'est pas le feul qui foit de ce fentiment, qui ne manque pas de vraisemblance. Lucien, & Plutarque, parmi les Anciens; Selden, Marsham & plufieurs autres, parmi les Modernes, l'avoient dit avant lui. M. le

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que copier Herodote; avec cette difference, qu'ils attribuent

Nalamones &

aux Augilites ce que l'Hiftorien Grec avoit dit des Nafamo-Dieux des nes; mais ces Peuples étoient fi voifins les uns des autres, des Catabathqu'il a été aifé de les confondre (a); ou peut-être que les uns mes.

que

& les autres avoient les mêmes Dieux, c'eft-à-dire, les Ames
de leurs ancêtres. Pomponius Mela parle dans le même Cha-
pitre de la Religion des Catabathmes, petite Nation située
entre la Libye & l'Egypte ; mais comme il dit feulement
ce Peuple adoroit les Dieux de fon pays à la maniere de fes
Peres, Et cultu Deum quos patrios fervant ex patrio more vene-
rantur (1), il n'est pas poffible de deviner fi ces Dieux étoient (1) Edit. de
les Dieux naturels, tels que les Aftres, & les autres parties
de l'Univers, ou les Ames de leurs ancêtres, comme nous
venons de le dire des Augilites & des Nafamones.

Gronovius.

Nous apprenons d'Herodote que les habitans de la Cyre-Dieux des naïque rendoient les honneurs divins à Battus, à qui on avoit Cyrenaïque. bâti des Temples. On fçait que Battus forti de l'Ifle de Thera, avoit emmené une Colonie dans cette partie de l'Afrique, & avoit fondé le Royaume de Cyrene. Ce fut Demonax qui à l'occafion d'un Oracle de Delphes avoit été envoyé à Cyrene par les Mantinéens fes Compatriotes, qui y établit le

culte de Battus.

tres Peuples

Le Devin Mopfus étoit auffi honoré comme un Dieu, dans Dieux de l'Afrique proprement dite, ou dans cette partie de ce Conti- quelques aunent qui s'étend du côté du couchant, depuis la Cyrenaïque d'Afrique. jufqu'à la Mauritanie. Il y a eu deux perfonnes de ce nom, l'un fils de Manto, & petit-fils de Tirefias, l'autre fils d'Ampycus. Le premier avoit un Oracle, & étoit honoré dans la Cilicie; le fecond étoit un celebre Argonaute qui mourut en Afrique, & y reçut les honneurs divins, comme nous l'apprenons d'Apulée qui étoit né en Afrique: Pro numine pofteà ab hominibus proditi, fanis & ceremoniis vulgò advertuntur ; ut in Baotia Amphiaraus, in Africa Mopfus, &c. Mais comme j'aurai occasion de parler de ce Mopfus dans l'Hiftoire des Argonautes, Tome III. je n'en dirai rien ici davantage.

(a) Ceux qui feront curieux de voir l'erreur de Pomponius Mela & de Pline dans tout fon jour, pourront confulter la fçavante Remarque d'Abraham Gronovius, fur le Chapitre VIII. du premier Livre de Pomponius Mela.

raconte de Noé & de fon fils? Voit-on dans l'hiftoire d'Ifis qu'elle ait été obligée de fuir la colere de fon pere, & de se retirer en Arabie, comme Myrrha & Adonis? D'ailleurs toute l'Antiquité (a) convient qu'Ofiris étoit le frere & le mari d'Isis, & M. le Clerc eft obligé de dire qu'Adonis n'étoit que le fils d'Aftarté. Ofiris eft tué par Typhon fon frere, de la maniere que je l'ai dit : Adonis eft tué, ou par un fanglier, ou dans une bataille. Isis raffemble les membres épars de fon époux, & leur éleve des tombeaux dans tous les lieux où elle les trouve ; raconte-t'on rien de pareil d'Aftarté ? Le retour d'Adonis qui revient des Enfers, etoit une marque fymbolique de fa guérifon, comme je le dirai dans la fuite; celui d'Ofiris n'étoit que l'apparition d'un bocuf semblable à celui qu'on venoit de noyer. En Egypte on se rejouit lorsqu'on a retrouvé un jeune Taureau diftingué par de certaines marques; en Phenicie on s'abandonne à la joye, lorfqu'Adonis, qu'on croyoit mort, eft veritablement gueri par les foins du Medecin Cocytus (b). Adonis, fuivant l'Arrêt de Jupiter, demeure fix mois aux Enfers avec Proferpine, & fix mois fur la terre avec Venus ; les Egyptiens ne difent rien de semblable de leur Ofiris. Venus ne pouvoit être un moment feparée de fon cher Adonis ; Ofiris quitta Ifis pour aller aux Indes & dans differens autres pays. Ifis & Ofiris regnoient en Egypte, comme tout le monde en convient; Aftarté, Adonis, & fon grand-pere Cinyras étoient Rois de Phenicie, dont la ville capitale, felon Strabon & Lucien, étoit Byblos, où ces deux Auteurs difent que fe pafferent les évenemens qui font le fujet de cette Histoire. Enfin, l'un étoit un Prince conquerant, l'autre un Roi pacifique qui n'aimoit que la chaffe. Mais ce que je vais dire du culte rendu à Adonis & à Aftarté, comparé à celui d'Ifis & d'Ofiris, prouvera encore mieux qu'ils étoient differens les uns des autres.

Quoique j'aye traité ce fujet dans une Differtation particuliere (c), je crois qu'on ne fera pas faché d'en trouver ici l'abregé.

(a) Ciceron dans le paffage qu'on a cité; Theocrite Id. 3. & Bion dans l'Epitaphe d'Adonis fans parler des autres Auteurs anciens qui difent la même chose.

(b) Voyez la fuite de cette Histoire.

) Voyez les Memoires de l'Academie des Belles-Lettres, Tome III.

Au refte, fi je ne dis rien dans ce Chapitre de la Religion de plufieurs autres Peuples d'Afrique, c'eft qu'ils n'ont pas été connus des Anciens, & que ce n'eft que des anciennes Religions qu'il eft queftion dans cette Mythologie. Les Voyageurs modernes qui parlent de l'Idolâttie prefente de quelques-uns de ces Peuples, le font d'une maniere fi peu inftructive, qu'on n'apprend par leurs Relations, rien de certain touchant l'origine & le veritable objet du culte religieux de chacun des Peuples dont ils parlent. On voit en general que dans cette partie du monde il y a encore beaucoup de Nations qui rendent un culte religieux à de vaines Idoles de differentes efpeces: mais ces Idoles reprefentent-elles des Etres animés, ou les Ancêtres de ces Idolâtres, comme chez quelques autres Peuples d'Afrique ? C'eft ce que les Voyageurs ne difent pas. Ainfi après avoir examiné ce que les Anciens nous ont laiffé fur les Dieux des Egyptiens, & des Africains connus de leur temps, voyons dans le Livre fuivant ce qu'ils disent de ceux des Peuples d'Afie.

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