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Syr.

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vent prife pour la Lune, ou ce qui eft la même chofe, pour
la Reine du Ciel. 3°. Que le nom d'Adonis, qui eft à peu
près le même que celui d'Adonaï ou celui de Kúpios, le Sei-
gneur qu'on a donné à ce même Prince, font tous convena-
bles au Soleil, qui eft comme le Maître & le Seigneur du
ciel. 4°. Que dans ce qui regarde Adonis & Aftarté, ainsi
qu'Ifis & Ofiris, il faut toujours diftinguer deux fortes de Di-
vinités, des Dieux animés, & des Dieux naturels. Dans le
premier cas ce font des Rois d'Egypte & de Phenicie, qui
leurs belles actions ont merité d'être mis au rang
par
des
Dieux dans le fecond, c'eft le Soleil, la Lune & les autres
Aftres, dont le culte, anterieur à celui des grands Perfon-
nages, a été confondu avec celui qu'on leur a rendu; soit
qu'on crût que leurs ames après leur mort euffent choisi ces
Aftres pour leur demeure; foit pour quelque autre raifon, que
nous ne connoiffons pas. Cette diftinction fi néceffaire dans
la matiere que je traite, fait le fond de la Mythologie, &
fans elle il feroit impoffible d'y rien entendre; car je ne crois
pas qu'on puiffe nier que les quatre perfonnes, dont je parle,
n'ayent veritablement exifté, puifque l'Hiftoire parle de leur
naiffance, de leurs actions, de leur mort, & qu'elle fixe le
lieu de leur demeure; ni qu'ils ayent été mis au rang des
Dieux, & honorés d'un culte particulier; encore moins, que
dans ce culte il ne fe rencontre des chofes qui ne peuvent
fe rapporter qu'au Soleil, à la Lune, & aux autres Planetes.

Aftarté dans la fuite des temps, fut nommée Junon l'Affy(1) De Dea rienne, comme l'affûre Lucien (1); mais felon cet Auteur, ce n'étoit pas fon nom, & elle ne le prit qu'au temps où l'on commença de celebrer en fon honneur les grands myfteres. Ce même Auteur affûre que de toutes les Villes de Syrie, Hierapolis, ou la Ville facrée, étoit celle où Aftarté étoit le plus honorée : & comme il étoit Syrien d'origine, & qu'il n'avance rien, comme il le dit lui même au .commencement de fon curieux & fçavant Traité de la Déeffe de Syrie, qu'il n'ait vû, ou appris de fes Prêtres, fon autorité doit être ici d'un grand poids. « De tous les Temples de la Syrie, dit-il, » le plus celebre & le plus augufte eft celui qui eft dans cette » Ville: car outre les ouvrages de grand prix, & les offrandes

Adonis aimoit paffionnément la chaffe ; & un jour qu'il étoit dans les forêts du mont Liban, un fanglier le blessa à l'aine : on vint auffi-tôt porter à Aftarté la nouvelle de la mort de ce Prince. Rien ne peut égaler l'affliction qu'elle en conçut, ainsi que je viens de le dire. Elle fit retentir toute la ville de fes gemiffemens, & tout le Royaume prit le deuil. Pour rendre immortelle la memoire de ce jeune Prince, & adoucir en quelque forte l'affliction de la Reine, on établit en l'honneur d'Adonis un culte, & des fêtes folemnelles : c'étoit la reffource ordinaire des flateurs, & l'Antiquité doit prefque tous fes Dieux, au foin qu'on a eu d'honorer les morts pour plaire aux vivans.

Il y avoit, au rapport de Lucien, un fleuve près de Byblos, qui portoit le nom d'Adonis ; ce fut - là fans doute qu'on lava la playe de ce Prince, & comme l'eau en devenoit rouge, par les fables que le vent y pouffoit du mont Liban dans certaine faifon de l'année, comme Lucien l'apprit d'un habitant du pays, on voulut bien croire que c'étoit le fang d'Adonis qui caufoit ce changement, & on prit même ce temps-là pour celebrer fes fêtes. Toute la ville commençoit d'abord à prendre le deuil, & à donner des marques publiques de douleur & d'affliction. On n'entendoit de tous côtés que pleurs & que gemiffemens : les femmes, qui étoient les Miniftres de ce culte, étoient obligées de fe rafer la tête, & de fe battre la poitrine, en courant par les rues ; & l'impie fuperftition obligeoit celles qui refufoient d'affifter à cette ceremonie, à fe proftituer pendant un jour (1), pour employer, (1) Lucien, au culte du nouveau Dieu, l'argent qu'elles gagnoient à cet infame commerce. Au dernier jour de la fête, le deuil fe changeoit en joye, & chacun fe réjouiffoit comme fi Adonis étoit reffufcité. La premiere partie de cette folemnité s'appelloit Apaviouds, pendant laquelle on pleuroit le Prince mort, & la feconde, Eupeas, la découverte, où la joye fuccedoit à la trifteffe.

1. cit.

Cette ceremonie étoit continuée pendant huit jours, & elle étoit celebrée en même temps dans la Baffe-Egypte. Lucien (2) (2) Loc. ci remarque à ce fujet une chofe fort finguliere, & dont il a été lui-même le témoin. Les Egyptiens expofoient fur la mer

!

tonice, celle-là même qu'Antiochus céda à son fils, qui es étoit amoureux : auffi portoit-il toutes les marques d'un Temple conftruit par les Grecs, puifqu'on y voyoit les Statues de Jupiter, de Junon, & des autres Dieux de la Grece.

La feconde, qu'il eft évident que, foit pour la conftruction de ce Temple, foit pour le fervice de la Déeffe qui y étoit honorée, on avoit emprunté beaucoup de chofes, de celui de Salomon. Car, 1°. celui de Syrie étoit divisé en deux parties, dont l'une étoit le Temple, proprement dit; l'autre le Sanctuaire, où il n'étoit permis qu'aux principaux Prêtres d'entrer; & on fçait que le feul Souverain Pontife avoit la permiffion d'entrer une fois l'an dans ce qu'on appelloit le Sancta Sanctorum. 2°. L'un & l'autre de ces deux Temples étoit environné de deux Parvis. 3°. Il y avoit à la porte de l'un & de l'autre un Autel d'airain. 4°. Les Sacrificateurs de la Déeffe de Syrie étoient divifés en deux ordres, fçavoir, le Pontife & les Prêtres; il en étoit le même à Jerufalem. Les Prêtres d'Hierapolis étoient vétus de blanc, & le Pontife de pourpre avec une Tiare d'or; tel étoit l'habit des Sacrificateurs des Juifs. 5°. Lucien ajoute qu'outre les Prêtres, il y avoit dans le Temple de la Déeffe de Syrie une multitude d'autres Miniftres qui fervoient dans les ceremonies, & un grand nombre d'autres qui jouoient de la flûte & de plufieurs autres inftrumens ; c'étoient les fonctions des Levites, qui fervoient les Sacrificateurs, chantoient, & fonnoient de la trompette pendant les Sacrifices. 6°. On facrifioit deux fois le jour à Hierapolis, le foir & le matin ; il en étoit de même à Jerufalem. 7°. Si dans la ceremonie d'une des fêtes d'Hierapolis on alloit puifer de l'eau dans la mer, pour la repandre dans le Temple en l'honneur de la Déeffe ; c'étoit une imitation de cette effufion d'eau qui fe faifoit à Jerufalem, à la fête des Tabernacles. 8°. Selon Lucien, les animaux qu'on immoloit dans le Temple d'Hierapolis, étoient le bœuf, la brebis, & la chevre, & on n'y offroit point de pourceaux ; il eft clair que cet ufage étoit pris des Juifs, qui des animaux à quatre pieds ne facrifioient que ceux que je viens de nommer. 9°. La plus grande fête d'Hierapolis, fuivant le même Auteur, arrivoit au printemps, & ceux qui y affiftoient facrifioient une

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Infpecta religione Affyriorum, apud quos Veneris Architidis &
Adonidis maxima olim veneratio viguit.

V. 30. & 31.

C'est fans doute à la même fête, celebrée à Babylone, que fait allufion le Prophete Baruch (1), lorfqu'il dit que les Prê- (1) Chap. 6. tres de cette ville étoient affis dans leurs Temples la tête nue & rafée, avec des habits déchirés, pleurants comme dans un feftin pour un mort. Les Interpretes de l'Ecriture Sainte font perfuadés que lorfque Moyfe défend aux Ifraëlites (2) de se (2) Levit. 166 rafer la tête pour le mort, il fait allufion au deuil & aux fêtes d'Adonis ; & que dans le confeil que Balaam donna à Balac, Roi des Moabites, d'attirer les Hebreux aux fêtes de fes Dieux, dans lesquelles après le feftin on s'abandonnoit à toutes fortes de defordres, il s'agit de celles du même Dieu, dont le culte avoit penetré dans les Etats de ce Prince. Ammian Marcellin (3) le dit en particulier de la ville d'Antio- (3) Liv. 19. & che. Evenerat autem iifdem diebus annuo curfu Adonia ritu veteri celebrari; & cet Auteur fait voir en même temps que les ceremonies qu'on pratiquoit dans cette ville, étoient les mêmes que celles des funerailles des perfonnes de confideration, comparant la pompe funebre d'un jeune Prince tué dans un combat, à celle de la fête d'Adonis, que les femmes celebroient avec tant de pleurs & de gemiffemens.

22.

La Judée étoit trop voisine de l'Affyrie & de l'Egypte, & les Juifs avoient trop de penchant pour les fuperftitions étrangeres, pour n'avoir pas à leur tour celebré les Fêtes de cette fauffe Divinité. Le Prophete Ezechiel (4), dans l'un de ces (4) Chap. 8. divins tranfports, où Dieu lui reveloit les abominations d'If- v. 15. raël, vit près de la Porte du Temple, qui regardoit du côté du Septentrion, des femmes affifes qui pleuroient Thammus (a). Les Interpretes font partagés fur la fignification de ce nom, & les Rabbins ont debité à cette occafion plufieurs fables ridicules; mais il faut nous arrêter à l'autorité de Saint Jerôme & de quelques autres Peres de l'Eglife, qui ont traduit le mot Thammus par celui d'Adonis; & ecce fedebant ibi mulieres, plangentes Adonidem, & ont cru avec beaucoup de raison, , que ces femmes de Judée pleuroient la mort de ce Prince, & en celébroient la fête, à peu près comme les Peu(a) Les Septante le nomment Thammos.

ples voifins, dont nous venons de parler. L'Auteur de la Chronique d'Alexandrie confirme ce fentiment, en traduisant le même mot par celui d'Adonis.

De fçavoir maintenant pourquoi le Prophete nomme Adonis, Thammus; c'eft ce qu'il n'eft pas aifé de deviner : je vais cependant en apporter deux raifons. La premiere, eft que Adonis ayant été pris pour le Soleil, comme je le ferai voir plus bas, le texte facré lui a donné le nom du mois, où cet Aftre entrant dans le figne du Cancer, porte fur notre hemifphere la chaleur avec la fecondité; ce qui arrive au mois de Juin, appellé Thammus par les Hebreux; & ce qui prouve que cette conjecture n'eft pas fans fondement, c'eft que les Aftronomes Juifs nommoient l'entrée du Soleil dans ce signe, Tecupha Thammus, Periodus Tammus. La feconde eft tirée de la tradition, qui portoit qu'Adonis ayant été tué au mois de (1) Comm. Juin, ainfi que nous l'apprenons de S. Jerôme (1), c'est selon ce fçavant Pere de l'Eglife, ce qui fit donner ce nom au Prince dont nous parlons: Quia tamen menfe Junio amafius Veneris pulcherrimus juvenis occifus, eumdem Junium menfem eodem appellant nomine, & anniversariam ei celebrant folemnitatem. Cette raifon me paroît la meilleure, parce que je fuis perfuadé que le fond des Fables, & des ceremonies de la Religion payenne, étoit prefque toûjours hiftorique, & que les allegories ne font venues que dans la fuite au fecours de l'ignorance ou de l'avarice des Prêtres.

in Ezechiel.

De la Syrie & de la Palestine, le culte d'Adonis paffa dans la Perfe, dans l'Ifle de Chypre, & enfin dans la Grece, furtout à Athenes, où la fête d'Adonis étoit celebrée avec beaucoup de magnificence; fur quoi on peut confulter ma Differ

tation.

Quand le temps de la fête d'Adonis étoit arrivé, on avoit foin, comme le remarque Plutarque, de placer dans plufieurs quartiers de la Ville des reprefentations de Cadavres reffemblants à un jeune homme, mort à la fleur de fon âge. Les femmes vétues d'habits de deuil, venoient enfuite les enlever pour en celebrer les funerailles, pleurant & chantant des Cantiques, qui exprimoient leur affliction. Les larmes de ces femmes étoient accompagnées de cris & de gemiffemens, au

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