(1) Ep. ad. Lætam. L CHAPITRE V. ES Philistins avoient encore une autre Divinité, dont S. Jerôme (1) ne donne pas une grande idée, puisqu'il dit que ce Dieu enfermé dans son Temple, en craignoit continuellement la ruine. Marnas Gase luget inclufus, & eversionem Templi pertimescit; mais il y a apparence que ce saint Docteur a voulu en cet endroit, comme en plusieurs autres, railler les Payens sur leurs faux Dieux. Car dans le fond, Marnas étoit regardé par les habitans de Gaza, comme un de leurs grands Dieux, puisque c'étoit parmi eux Jupiter lui-même. Son nom dans la langue Syriaque, veut dire Seigneur ; ce qui convient à ce pere des Dieux & des hommes (a). Mais quel étoit le Jupiter qui portoit le surnom de Marnas ? C'est ce qu'il est difficile de decider. Cependant les Sçavans croient que c'étoit le Jupiter de Crete, celui-là même qui enleva Europe, & c'est le sentiment de Stephanus, c'est-à-dire Minos premier du nom. Il y a des Auteurs qui prétendent que Marnas étoit le Secretaire de ce Prince, qui s'en servit pour rediger le Code de ses Loix, comme nous le dirons dans son (2) Tome III. Histoire (2). Ceux qui enleverent Europe pour la conduire en Crete, emmenerent apparemment Marnas avec eux ; car certainement il devoit être né dans la Syrie, son nom en est une preuve. Ce même nom devint celebre dans l'Isle de Crete, & on le donna aux filles, qu'on appelloit Marna, comme qui diroit Madame. Quoiqu'il en soit, Marnas étoit fort honoré dans la ville de Gaza: il y avoit un Temple, & on celebroit en son honneur des Jeux & des Courses de chariots. La ville même de Gaza, joignoit quelquefois dans ses Medailles le nom de ce Dieu avec le sien, ΓΑΖΑ ΜΑΡΝΑ. (a) Voyez Bochart, Chan. Liv. 1. C. 15. CHAPITRE VI. De quelques autres Dieux Syriens & Pheniciens, qu'on ne connoît que par l'Ecriture Sainte. C. I. N trouve dans l'Ecriture Sainte les noms de quelques Dieux dont les Auteurs profanes ne nous donnent aucune connoissance. Selden dans le Traité curieux qu'il a compose sur les Dieux des Syriens, les divise en deux Classes (1). (1) Synt. 2 Il met dans la premiere ceux dont il est parlé dans le Pentateuque, tels que font Gad, ou la bonne fortune, les Teraphims, Baalszephon, le Veau d'or, Baalpeor & Moloch; & dans la seconde, ceux dont il est fait mention dans les Prophetes, comme Baal, ou Bel, Astarté ou Astaroth, Dagon, Miphlotzeth, Beel-zebut, Succot Benoth, Nergel & Thammus; c'est, ajoute cet Auteur, dans les Dieux de ces deux Classes que font renfermés le Soleil, la Reine du Ciel, la Milice du Ciel, & les Planetes, dont le culte est si souvent reproché aux Payens, par les Ecrivains sacrés. Je vais tâcher de donner une idée exacte de ceux de ces Dieux dont je n'ai pas encore parlé. Je devrois commencer par la Fortune, ou Gad, la premiere des Divinités payennes que nomme Moyfe; mais j'en ai parlé suffisamment lorsque j'ai tâché de decouvrir l'origine de l'Idolâtrie. ARTICLE PREMIER. Des Teraphims. C. 31. V. 19. LES Hebreux nommoient Teraphims les Idoles que Rachel avoit derobées à son pere Laban (2), & il n'est pas douteux (2) Genese que ce ne fussent ses Dieux, puisqu'en se plaignant à Jacob, 20. il lui dit: Cur furatus es Deos meos ? Pourquoi m'avez - vous derobé mes Dieux (3) ? Les Interpretes de l'Ecriture sainte & (3) Verf. 30. les Rabbins, ont debité beaucoup de conjectures, pour sçavoir ce que c'étoit que ces Teraphims, & Selden laisse peu de choses à desirer sur ce sujet. Mes Lecteurs n'attendent pas 1 que je charge cet Article de toute l'érudition Orientale qu'on trouve dans cet Auteur; mais ils se plaindroient avec justice, si je ne leur apprenois pas en peu de mots ce qu'on doit penfer de ces Dieux (a). Je dis donc premierement que les Teraphims étoient des Dieux très-anciens, puisque leur culte étoit établi du temps de Jacob & de Laban. 2°. Que leurs Idoles étoient de figure humaine, & qu'il devoit y en avoir de grandes & de petites; de petites, puisque quoique Rachel en eût derobé plusieurs, Deos meos, elle les cachoit aux yeux de son pere, sous le bast d'un chameau en se tenant assise dessus; de grandes, puisque Michol en mit une dans le lit de David, afin que ceux qui le gardoient pussent croire que c'étoit David lui-même qui dormoit. Aben Esra, le plus celebre Theologien des Juifs, & en même temps un grand Aftrologue, dit que ces Idoles étoient representées sous une figure humaine, afin qu'elles fussent capables de recevoir les influences celeftes; comme si, suppose que ces prétendues influences agissent sur les corps, les animaux & les autres êtres n'étoient pas aussi capables de les recevoir que les hommes. Quoiqu'il en soit, comme ces Idoles, dans le sentiment des Rabbins, servoient à la Divination, Rachel ne les deroba, selon eux, qu'afin que Laban ne pût pas par leur moyen sçavoir le chemin qu'ils auroient pris en sortant de sa maison, & fût par-là hors d'état de les poursuivre. S. Augustin semble (1) Quæft. in favoriser le sentiment de ces Rabbins lorsqu'il dit (1): Quod Laban dicit, quare furatus es Deos meos; hinc eft illud fortaffe quod & augurari se dixerat. En effet Laban avoit déjà dit à Jacob; j'ai auguré que Dieu m'a beni pour l'amour de vous : Auguratus fum quod benedixerit mihi Deus propter te. Quelques Interpretes croyent que Rachel, quoiqu'instruite par son mari du culte du vrai Dieu, avoit encore quelque penchant à l'Idolâtrie; mais il s'en trouve d'autres & en plus grand nombre, qui jugeant plus favorablement de la pieté de Rachel, disent qu'elle n'enleva les Idoles de son pere, que pour lui ôter P'objet d'un culte criminel. Gen. 94. (a) On ne parle point des differentes étymologies que les Sçavans donnent du mot Teraphim; la varieté & l'incertitude qui regnent dans leurs conjectures à ce sujet, n'en dispensent; on peut consulter M. Fourmont, Ref. Critiques, T. I. p. 318. 3. Les ト : 577 3°. Les Auteurs ne sont pas d'accord sur l'idée qu'on avoit des Teraphims. Il y en a parmi eux qui disent qu'on leur rendoit un culte religieux, pendant que les autres affûrent qu'on ne les regardoit que comme des especes de Talismans, dont on se servoit pour la divination; mais comme l'Ecriture Sainte les appelle des Dieux, il y a apparence qu'on les honoroit comme tels. 4°. Mais de quelle maniere se servoit-on des Teraphims pour decouvrir l'avenir? Les confultoit-on comme des Oracles ? D'où venoient les reponses aux demandes qu'on leur faifoit? Ce font autant de questions que je ne trouve point decidées dans les Auteurs qui ont parlé de ces Idoles. Je ne rapporterai point ici les conjectures des Interpretes & des Rabbins. Ezechiel ditseulement qu'on les interrogeoit. Ce Prophete (1) racontant de quelle maniere Nabuchodonofor s'étant (1) Chap. 21. arrêté dans un endroit qui aboutissoit à deux chemins, voulut 21. apprendre par le fort de quel côté il tourneroit ses armes, dit qu'il avoit interrogé ses Teraphims. Stetit Rex Nabuchodonofor in bivio, capite fcilicet duarum viarum, divinationem quærens, commifcuit sagittas & interrogavit Teraphim (2). Mais il ne nous (2) La Vulapprend pas de quelle maniere ces Idoles lui avoient répondu; gate dir feule& comme il ajoute qu'après cette operation des fleches & des Teraphims, le fort étoit tombé sur Jerufalem, ce qui l'avoit determiné à aller attaquer cette ville ; & qu'on sçait d'ailleurs que le fort par les fleches (a) consistoit à les mêler d'une certaine maniere, il paroît que les Teraphims étant des especes de Talismans, sur lesquels étoient peut-être gravés les Signes & les Constellations du ciel, on croyoit en les appliquant d'une certaine maniere aux aspects de ces Conftellations & de ces Signes, pouvoir deviner ce qu'on avoit envie d'apprendre. On trouve aussi dans le dix-huitiéme Chapitre du Livre des Juges, que l'on confultoit les Teraphims : (a) Cette forte de divination étoit fort ancienne dans la Chaldée, & elle consistoit en ce qu'on écrivoit sur ces fleches les noms des lieux où l'on vouloit aller, ou quelques mots qui marquoient le dessein qu'on avoit dans l'esprit. On méloit res fleches, on en tiroit une, & on prenoit pour une declaration de la volonté du Dieu qu'on adoroit, ce qui étoit écrit dessus. Ainfi Nabuchodonofor ayant trouvé le nom de Jerufalem dans celle qu'il tira la premiere, il alla affiéger cette ville, au lieu de porter ses armes contre les Ammonites dont le nom étoit écrit sur une autre ficche. Tome 1. Dddd : Liv. 3. pour connoître l'avenir, puisque les Députés qu'avoient en- Onkelos, le Syriaque, les Rabbins, & après eux Grotius & plusieurs autres Interpretes, ont donc cru avec beaucoup de raison, que les Teraphims étoient des Talismans, c'est-àdire, des figures de metal, fondues & gravées sous certain aspect des Planetes, ausquels on attribuoit plusieurs vertus, & par le moyen desquels on croyoit pouvoir deviner l'avenir. (1) More rub. Maimonide (1) dit qu'on en fondoit anciennement d'or & d'argent; que les premiers étoient consacrés au Soleil, & les seconds à la Lune : & qu'on leur attribuoit la vertu d'éloigner les maux & de prédire l'avenir. On assure que les Anciens avoient de ces figures magiques, qui avoient du mouvement & qui rendoient des Oracles; ce qui étoit assez commun chez les Egyptiens & parmi les Arabes, qui se vantoient d'avoir le secret d'enfermer dans ces figures les Demons & les Dieux, & de les obliger de leur repondre lorsqu'ils les confultoient : c'est sans doute à cet usage que fait allusion le (2)C.10.7.2. Prophete Zacharie, lorsqu'il dit, suivant le texte Hebreu (2); Teraphim locuta funt vanitatem, & divini viderunt mendacium. Enfin l'Auteur du second Livre des Rois dit que Jofias détruisit entierement dans son Royaume, l'esprit de Python, les diseurs de bonne avanture, & les Teraphims : ce qui ne laisse aucun lieu de douter qu'ils ne servissent à la divination. Tout l'Orient est encore entêté de cette vaine superstition; & si elle est une des plus anciennes, puisqu'elle subsistoit du temps de Laban, elle est aussi une des plus generales. On ne voit point d'hommes dans la Perfe & dans les Pays voisins, qui ne portent sur eux des Talismans, & quelquefois ils en ont un très-grand nombre. Ces Amuletes, ou prefervatifs, consistent en quelques mots mysterieux, écrits sur du papier, ou gravés fur du bois ou fur des pierres précieuses, avec quelques Signes ou Constellations celeftes, sous lesquels ils ont été faits. Les Basilidiens en faisoient grand usage; & les Mahometans qui n'ont point de Statues, portent de ces : |