Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de Voffius, qui croit que le nom d'Atergatis veut dire, quafi fine pifcibus, fans poiffons, parce que ceux qui honoroient cette Déeffe, s'abftenoient d'en månger, comme nous venons de le dire; & dès là nous la diftinguons de Dagon, comme on va le voir dans le Chapitre suivant.

CHAPITRE IV.

Dagon.

AGON étoit une des plus celebres Divinités des Philiftins, & une de celles dont l'Ecriture Sainte parle le plus fouvent. Si nous nous en rapportons à Sanchoniathon, l'origine de ce Dieu eft fort ancienne. Le Ciel, dit cet Auteur (a), eut plufieurs enfans, & entr'autres Dagon, ainsi nommé du not Dagan, qui en Phenicien veut dire du froment. Comme il fut l'inventeur de la charue, & qu'il apprit aux hommes à fe fervir de bled pour faire du pain, il fut après fa mort furnommé Jupiter Agrotès, ou le Laboureur. Saturne, continue cet Auteur, dans le temps qu'il faisoit la guerre à Cœlus, ou Ouranos, ayant fait prifonniere une de fes femmes, il la fit époufer à Dagon. Suivant cette opinion, Dagon n'eft plus un Dieu moitié homme, moitié poiffon, comme l'ont imaginé les Rabbins : ce n'eft plus l'Atergatis ou la Derceto, dont je viens de parler; c'eft le Dieu du bled, l'inventeur du labourage, qui merita après fa mort les honneurs divins. Son nom ne vient point du mot Hebreu Dag, un poiffon, mais c'eft un nom Phenicien, Dagan, qui dans cette langue veut dire du froment.

Bochart perfuadé que c'eft à l'Auteur Phenicien qu'il faut s'en rapporter pour l'origine des Dieux de fon pays, a donc raifon de ne regarder que comme des fables Rabbiniques, tout ce qui a été debité sur la figure de Dagon. En effet, quelques-uns de ces Docteurs de la Loy, confondant ce Dieu avec Atergatis ou Derceto, difent qu'on le reprefentoit comme

(a) Voyez le Fragment de cet Auteur que nous avons rapporté dans l'Article des Theogonies.

[ocr errors]
[ocr errors]

être initié à fes myfteres, pour ne pas croire que c'eft fur le
modéle de ce Dieu, que les Docteurs Hebreux ont formé la
description de la Statue de Moloch; foit que ce Dieu für
réellement le Soleil parmi les Ammonites, comme Mithras
l'étoit chez les Perfes, ce qui eft très-vraisemblable,
ainfi
que nous le dirons de Baal, le même Dieu que Moloch;
foit qu'il reprefentât Saturne, comme le veulent les Sçavans
que j'ai nommés; c'eft à dire, la Planete qui porte ce nom.
Car il ne faut jamais oublier que c'eft par le culte des Aftres
que l'Idolâtrie commença parmi les Peuples de l'Orient.

Quoiqu'il en foit, ceux qui prétendent que Moloch étoit le même que Saturne, ne manquent pas de preuves pour appuyer leur fentiment. En effet le Saturne adoré par les Carthaginois, avoit beaucoup de reffemblance avec le Dieu des Ammonites, puifque felon Diodore de Sicile (1), il étoit reprefenté par une figure de bronze, dont les mains étoient renversées & penchées vers la terre, de maniere que quand on mettoit un enfant entre fes bras, pour le lui confacrer, il tomboit dans le moment fur un brafier allumé aux pieds de l'Idole, où il étoit bien-tôt confumé.

(1) Apud Eur. Præp.Ev. Liv. 4.

vio.

Rien n'eft plus celebre dans l'Antiquité que les Sacrifices de Victimes humaines offertes à Saturne, non feulement à Carthage, & dans plufieurs autres endroits de l'Afrique, comme le remarque Minatius Felix (2), mais auffi dans la (2) In OctaPhenicie, quoique ce Dieu y fût representé d'une maniere differente de celle dont nous venons de parler, puisqu'on mettoit à sa Statue des yeux & des ailes, comme nous l'avons dit en rapportant le fragment de Sanchoniathon (a); & cette barbare coutume d'offrir à ce Dieu ces fortes de Victimes, dura jufqu'au temps de Tibere, ainsi que le rapporte Tertullien (3).

(3) Apolog.

Ceux qui veulent que Moloch foit le Soleil, ont pour leur
opinion des preuves encore plus fortes, ainfi qu'on peut le
voir dans le Livre fecond, de l'origine & du progrès de
l'Idolâtrie (4), de Gerard Voffius. Le Pere Calmet prétend (4) Chap. 3.
que Moloch reprefentoit également le Soleil & la Lune.

Je crois avoir trouvé le moyen d'accorder ces differens
(a) Voyez le Chapitre des Theogonies.
Tome I.

Eeee

[merged small][ocr errors]

(1) Ep. ad. Lætam.

CHAPITRE V.
Marnas.

L

ES Philiftins avoient encore une autre Divinité, dont S. Jerôme (1) ne donne pas une grande idée, puisqu'il dit que ce Dieu enfermé dans fon Temple, en craignoit continuellement la ruine. Marnas Gafa luget inclufus, & everfionem Templi pertimefcit; mais il y a apparence que ce faint Docteur a voulu en cet endroit, comme en plufieurs autres, railler les Payens fur leurs faux Dieux. Car dans le fond, Marnas étoit regardé par les habitans de Gaza, comme un de leurs grands Dieux, puifque c'étoit parmi eux Jupiter lui-même. Son nom dans la langue Syriaque, veut dire Seigneur; ce qui convient à ce pere des Dieux & des hommes (a). Mais quel étoit le Jupiter qui portoit le furnom de Marnas? C'eft ce qu'il eft difficile de decider. Cependant les Sçavans croient que c'étoit le Jupiter de Crete, celui-là même qui enleva Europe, & c'eft le fentiment de Stephanus, c'est-à-dire Minos premier du nom. Il y a des Auteurs qui prétendent que Marnas étoit le Secretaire de ce Prince, qui s'en fervit pour rediger le Code de fes Loix, comme nous le dirons dans fon (2) Tome III. Hiftoire (2). Ceux qui enleverent Europe pour la conduire en Crete, emmenerent apparemment Marnas avec eux ; car certainement il devoit être né dans la Syrie, fon nom en eft une preuve. Ce même nom devint celebre dans l'Ile de Crete, & on le donna aux filles, qu'on appelloit Marna, comme qui diroit Madame.

Quoiqu'il en foit, Marnas étoit fort honoré dans la ville de Gaza: il y avoit un Temple, & on celebroit en fon honneur des Jeux & des Courfes de chariots. La ville même de Gaza, joignoit quelquefois dans fes Medailles le nom de ce Dieu avec le fien, гAZA MAPNA.

(a) Voyez Bochart, Chan. Liv. 1. C. 15.

[ocr errors]

CHAPITRE V I.

De quelques autres Dieux Syriens & Pheniciens, qu'on ne
connoît que par l'Ecriture Sainte.

O

C. I.

N trouve dans l'Ecriture Sainte les noms de quelques Dieux dont les Auteurs profanes ne nous donnent aucune connoiffance. Selden dans le Traité curieux qu'il a compofé fur les Dieux des Syriens, les divife en deux Claffes (1). (1) Synt. 2 Il met dans la premiere ceux dont il eft parlé dans le Pentateuque, tels que font Gad, ou la bonne fortune, les Teraphims, Baalszephon, le Veau d'or, Baalpeor & Moloch; & dans la feconde, ceux dont il eft fait mention dans les Prophetes, comme Baal, ou Bel, Aftarté ou Aftaroth, Dagon, Miphlotzeth, Beel-zebut, Succot Benoth, Nergel & Thammus; c'eft, ajoute cet Auteur, dans les Dieux de ces deux Claffes que font renfermés le Soleil, la Reine du Ciel, la Milice du Ciel, & les Planetes, dont le culte eft fi fouvent reproché aux Payens, par les Ecrivains facrés.

Je vais tâcher de donner une idée exacte de ceux de ces Dieux dont je n'ai pas encore parlé. Je devrois commencer par la Fortune, ou Gad, la premiere des Divinités payennes que nomme Moyfe; mais j'en ai parlé fuffifamment lorfque jai tâché de decouvrir l'origine de l'Idolâtrie.

PREMIER.

ARTICLE

Des Teraphims.

C.-31. V. 19.

LES Hebreux nommoient Teraphims les Idoles que Rachel avoit derobées à fon pere Laban (2), & il n'eft pas douteux (2) Genefe que ce ne fuffent fes Dieux, puifqu'en fe plaignant à Jacob, 20. il lui dit : Cur furatus es Deos meos ? Pourquoi m'avez-vous derobé mes Dieux (3) Les Interpretes de l'Écriture fainte & (3) Verf. 30. les Rabbins, ont debité beaucoup de conjectures, pour fçavoir ce que c'étoit que ces Teraphims, & Selden laiffe peu de chofes à defirer fur ce fujet. Mes Lecteurs n'attendent pas

que je charge cet Article de toute l'érudition Orientale qu'on trouve dans cet Auteur; mais ils fe plaindroient avec juftice, fi je ne leur apprenois pas en peu de mots ce qu'on doit penfer de ces Dieux (a). Je dis donc premierement que les Teraphims étoient des Dieux très-anciens, puifque leur culte étoit établi du temps de Jacob & de Laban. 2°. Que leurs Idoles étoient de figure humaine, & qu'il devoit y en avoir de grandes & de petites ; de petites, puifque quoique Rachel en eût derobé plufieurs, Deos meos, elle les cachoit aux yeux de fon pere, fous le baft d'un chameau en fe tenant affife deffus; de grandes, puifque Michol en mit une dans le lit de David, afin que ceux qui le gardoient puffent croire que c'étoit David lui-même qui dormoit. Aben Efra, le plus celebre Theologien des Juifs, & en même temps un grand Aftrologue, dit que ces Idoles étoient representées fous une figure humaine, afin qu'elles fuffent capables de recevoir les influences celeftes ; comme fi, fuppofé que ces prétendues influences agiffent fur les corps, les animaux & les autres êtres n'étoient pas auffi capables de les recevoir que les hommes. Quoiqu'il en foit, comme ces Idoles, dans le fentiment des Rabbins, fervoient à la Divination, Rachel ne les deroba, felon eux, qu'afin que Laban ne pût pas par leur moyen fçavoir le chemin qu'ils auroient pris en fortant de sa maison, & fût par-là hors d'état de les poursuivre. S. Auguftin semble (1) Quæft. in favorifer le fentiment de ces Rabbins lorsqu'il dit (1): Quod

Gen. 94.

Laban dicit, quare furatus es Deos meos; hinc eft illud fortafle quod & augurari fe dixerat. En effet Laban avoit déjà dit à Jacob; j'ai auguré que Dieu m'a beni pour l'amour de vous: Auguratus fum quod benedixerit mihi Deus propter te. Quelques Interpretes croyent que Rachel, quoiqu'inftruite par fon mari du culte du vrai Dieu, avoit encore quelque penchant à l'Idolâtrie; mais il s'en trouve d'autres & en plus grand nombre, qui jugeant plus favorablement de la pieté de Rachel, difent qu'elle n'enleva les Idoles de fon pere, que pour lui ôter l'objet d'un culte criminel.

(a) On ne parle point des differentes étymologies que les Sçavans donnent du mot Teraphim; la varieté & l'incertitude qui regnent dans leurs conjectures à ce sujet, n'en difpenfent; on peut confulter M. Fourmont, Ref. Critiques, T. I. p. 318.

« AnteriorContinuar »