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ont toujours crû avoir été executé à la lettre? Aux Victimes humaines on en mêloit d'autres dans les Sacrifices de Moloch, fçavoir des tourterelles ou des colombes, une brebis ou un agneau, un belier ou des chevres, un veau, un taureau, & on y ajoutoit de la farine, fimila: d'où cela peut-il être pris, demande le même Auteur? C'eft, dit-il, que l'Hiftoire du Patriarche presentoit tout cet appareil. Prenez, dit Abraham, une geniffe de trois ans, un belier auffi de trois ans, une (1)Gen.15.9. tourterelle & une colombe (1): fumite mihi vaccam triennem, & arietem annorum trium, turturem quoque & columbam. Qu'on ajoute à cela le belier qui fut immolé à la place d'Ifaac, la farine, ou plûtôt les pains cuits fous la cendre, dont il est parlé dans l'Hiftoire de ce même Patriarche, & le veau qu'il fit tuer dans le feftin qu'il donna aux Anges; & il fera bien difficile de ne pas convenir que toutes les circonftances des Sacrifices qu'on offroit à Moloch, étoient une expression des avantures d'Abraham.

A toutes ces preuves on pourroit en ajouter une autre. Les noms de Moloch & de Melchon, qui étoient donnés au même Dieu, fignifient le Roi. Or les Auteurs profanes ont cru qu'A(2) Strabon. braham avoit été Roi (2): difons encore que le nom de Baal ou Bel, qui étoit, felon l'Ecriture Sainte, le même que Moloch, comme nous le prouverons dans l'Article fuivant, fignifioit le Seigneur, titre qu'on donne aux Souverains.

Pour comprendre ce que je viens de rapporter des diffe-
rentes fortes de Victimes qu'on immoloit à Moloch, il est
bon d'avertir que c'eft fur l'autorité des Rabbins que les mo-
dernes l'ont crû : voici, felon Paul-Fage, ce qu'ils ont debité
fur ce fujet. La Statue de Moloch étoit une figure creuse,
dans laquelle on avoit ménagé fept efpeces d'armoires. On
en ouvroit une pour y offrir de la farine, une autre pour des
tourterelles, une troifiéme pour y immoler une brebis, une
quatriéme pour y facrifier un belier, la cinquiéme pour un
veau, la fixiéme
pour un bœuf, & la feptiéme enfin pour y
enfermer un enfant qu'on y faifoit brûler.

Ces fept efpeces de chambres renfermées dans la Statue
de Moloch, ont un rapport trop fenfible à ce qu'on difoit
des fept portes de Mithras, par lesquelles il falloit passer pour

1

être

être initié à fes myfteres, pour ne pas croire que c'eft fur le modéle de ce Dieu, que les Docteurs Hebreux ont formé la description de la Statue de Moloch; foit que ce Dieu für réellement le Soleil parmi les Ammonites, comme Mithras l'étoit chez les Perfes, ce qui eft très-vraisemblable, ainsi que nous le dirons de Baal, le même Dieu que Moloch; foit qu'il reprefentât Saturne, comme le veulent les Sçavans que j'ai nommés; c'eft à dire, la Planete qui porte ce nom. Car il ne faut jamais oublier que c'eft par le culte des Aftres que l'Idolâtrie commença parmi les Peuples de l'Orient.

Quoiqu'il en foit, ceux qui prétendent que Moloch étoit le même que Saturne, ne manquent pas de preuves pour appuyer leur fentiment. En effet le Saturne adoré par les Carthaginois, avoit beaucoup de reffemblance avec le Dieu des Ammonites, puifque felon Diodore de Sicile (1), il étoit reprefenté par une figure de bronze, dont les mains étoient renverfées & penchées vers la terre, de maniere que quand on mettoit un enfant entre ses bras, pour le lui confacrer, il tomboit dans le moment fur un brafier allumé aux pieds de l'Idole, où il étoit bien-tôt confumé.

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(1) Apud

Eul. Præp.Ev.
Liv. 4.

Rien n'eft plus celebre dans l'Antiquité que les Sacrifices de Victimes humaines offertes à Saturne, non feulement à Carthage, & dans plufieurs autres endroits de l'Afrique comme le remarque Minatius Felix (2), mais auffi dans la (2) In OctaPhenicie, quoique ce Dieu y fût reprefenté d'une maniere vio. differente de celle dont nous venons de parler, puifqu'on mettoit à fa Statue des yeux & des ailes, comme nous l'avons dit en rapportant le fragment de Sanchoniathon (a); & cette barbare coutume d'offrir à ce Dieu ces fortes de Victimes, dura jufqu'au temps de Tibere, ainsi que le rapporte Tertullien (3).

(3) Apolog. Ceux qui veulent que Moloch foit le Soleil, ont pour leur opinion des preuves encore plus fortes, ainfi qu'on peut le voir dans le Livre fecond, de l'origine & du progrès de l'Idolâtrie (4), de Gerard Voffius. Le Pere Calmet prétend (4) Chap. 3. que Moloch representoit également le Soleil & la Lune.

Je crois avoir trouvé le moyen d'accorder ces differens

(a) Voyez le Chapitre des Theogonies.

(1) Levit.

fentimens, en disant que Moloch étoit une de ces Divinités que les Grecs ont nommées Panthées, & qu'il representoit parmi les Ammonites les fept Planetes. La preuve de mon opinion eft tirée des fept Cellules qu'on avoit mênagées dans fa Statue, & des fept fortes de Sacrifices qu'on lui offroit. En effet s'il n'avoit été que le Soleil ou Saturne, à quel deffein auroit-on pratiqué ces fept petites chambres, & pourquoi lui auroit-on offert tant de fortes de Victimes? C'étoit donc les fept Planetes qu'on honoroit parmi les Ammonites, dans la feule Idole de Moloch, & on offroit à chacune les victi

mes que la fuperftition lui avoit confacrées.

Le culte impie de Moloch fe repandit dans plufieurs pays, & les Hebreux mêmes l'adopterent dès le temps de Moyfe, puifque ce faint Legiflateur leur défend de confacrer leurs enfans à cette Divinité: De femine tuo non dabis ut confecretur Idolo Moloch (1) ; & que Dieu menace d'exterminer toute la race de ceux qui auroient commis cette abomination (2). Ik falloit que les Ifraëlites fuffent adonnés à cette cruelle fuperfti(3) Verf. 26. tion avant leur fortie d'Egypte, puisque le Prophete Amos (3), (4) Act. 7.43. & après lui faint Etienne (4) leur reprochent d'avoir porté dans le defert le tabernacle de ce Dieu, comme nous l'avons déjà dit.

C. 18. V. 12.

(2) Ibid. c. 20.

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J'AI avancé dans l'Article precedent, que l'Ecriture Sainte femble confondre Bel ou Baal, avec Moloch, & il s'agit maintenant de le prouver. Jeremie reproche à la Tribu de Juda & aux habitans de Jerufalem, d'avoir bâti un Temple à Baal pour y brûler leurs enfans dans le feu ; & ce Prophete ajoute enfuite: C'est pourquoi le temps vient que ce lieu ne fera plus appellé Tophet, ni la Vallée des fils d'Ennon, mais la Vallée du Carnage. C'étoit à Moloch qu'on offroit ces innocentes Victimes, & c'étoit dans la Vallée des fils d'Ennon que fe commettoit cette abomination: donc Bel ou Baal, étoit le même Dieu que Moloch. On peut tirer la même conclusion de la reffemblance de leurs noms, qui fignifient l'un & l'autre,

le Roi, le Seigneur, comme je l'ai déjà dit ; titres qui conviennent au Soleil, adoré également fous le nom de Baal, ou de Moloch.

Pour bien comprendre cette ancienne Mythologie, il eft neceffaire d'observer, 1°. Que le même Dieu étoit souvent honoré par differens Peuples, mais prefque toujours fous des noms differens & avec des ceremonies differentes ; & c'est ce qui a jetté une grande obfcurité fur la matiere que je traite. Il eft fûr, par exemple, que la grande Divinité des Peuples d'Orient, étoit le Soleil: cependant fous combien de noms ne l'a-t'on pas adoré?

2°. Que comme plufieurs Princes ont porté le nom de Belus, les Mythologues font embarraffés à déterminer quel a été le premier de tous qui a reçû les honneurs divins. Si on vouloit fuivre le sentiment de Berofe, que le Syncelle, fur l'autorité de Polyhiftor, nous a confervé, nous trouverions des Princes & des Dieux de ce nom, même avant le Deluge; mais fans nous arrêter à cette opinion, que je crois n'avoir aucun fondement, il eft für que la plupart des Peuples de Syrie & de Phenicie reconnurent une Divinité de ce nom. Les Syriens l'adoroient fous le nom de Baal-Peor ; les Moabites fous celui de Baal-Phegor, c'eft-à-dire, Baal adoré fur le mont Phegor, comme le remarque Theodoret (a); les Affyriens fous celui de Baal-Gad. Le culte de ce Dieu paffa meme jufqu'en Afrique, apparemment avec la Colonie de Didon, & les Carthaginois le nommoient Bal ou Bel, comme nous l'apprenons de Servius (b): c'eft de-là fans doute que leur étoit venue la coutume d'ajouter par honneur le titre de Bal aux noms de leurs grands hommes, comme dans ceux d'AnniBal, d'Afdru-Bal, & de quelques autres.

Le culte de cette fauffe Divinité a été fouvent défendu au Peuple Juif par les Prophetes. L'impie Achab lui fit élever un

(a) Phegor quidem fimulachi locus vocabatur, Beel verò Idolum. Theodoret. In Pfalm. 105.

(b) Lingua Punica Bal, Deus dicitur; apud Affyrios autem Bel dicitur, dit Servius fur ces Vers de Virgile:

Implevitque mero pateram, quam Belus & omnes

A Belo foliti, &c. Æneid. Lib. I.

Temple à Samarie, & le Prophete Elie fit mourir quatre cens cinquante de ses Prêtres ; ce qui fait voir la magnificence du culte de cette fauffe Divinité, devant laquelle presque toute la terre avoit fléchi le genouil, comme il eft dit dans l'Ecriture Sainte Parmi les Ceremonies du culte de ce Dieu, on remarque celle de fervir tous les jours des viandes devant fon Idole, que les Prêtres avoient foin d'enlever, en entrant dans le Temple par des chemins foûterrains, comme le Prophete Daniel le découvrit au Roi de Babylone, à la confusion de (1) Dan. c. 2. ces fcelerats (1).

Ceux qui ont voulu rechercher l'origine de cette Divinité, fe font jettés dans differentes opinions. Servius, Eusebe, Theophile d'Antioche, & quelques autres ont cru que c'étoit Saturne. Voffius & Selden, comme on l'a dit, ont pensé que c'étoit le Soleil ; & ce dernier confirme fon sentiment par plufieurs raifons très-plausibles, entre lefquelles celle qu'il tire du nom d'Heliogabal, Prêtre du Soleil, n'eft pas la moindre, puifque cet Empereur fembloit avoir joint les deux noms que les Grecs & les Syriens donnoient à cet Aftre, appellé par les Grecs Exus, & Bel ou Belus par les Syriens. D'autres fe font imaginé que Baal étoit le même que Jupiter-Stygien, ou Pluton; & ils appuyent leur fentiment d'un paffage de l'Ecriture, où l'Esprit faint appelle les Sacrifices de Beel Phegor, des Sacrifices des morts (a). Car, comme (2)In Pf. 106. le remarque S. Auguftin (2), par les Sacrifices des morts on doit entendre ceux qui étoient offerts aux Dieux Manes, ou des Enfers.

On trouve des Auteurs, & Eufebe eft de ce nombre, qui confondent Baal avec Belus, premier Roi des Affyriens, qui fut mis au rang des Dieux après fa mort: mais il y a apparence que le culte de cette Divinité étoit plus ancien que ce Prince, à qui on donna auffi par honneur le nom de Belus, qui veut dire, Seigneur; nom que les Juifs, comme le remarque judicieusement Grotius, ne voulurent jamais donner au Dieu d'Ifraël, parce qu'il étoit profané par l'application qu'en faifoient les Idolâtres à leurs fauffes Divinités.

(a) Et copulati funt Beel-Phegor, & comederunt facrificia mortuorum. Pfalm

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