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3o. Les Auteurs ne font pas d'accord fur l'idée qu'on avoit des Teraphims. Il y en a parmi eux qui difent qu'on leur rendoit un culte religieux, pendant que les autres affûrent qu'on ne les regardoit que comme des efpeces de Talifmans, dont on fe fervoit pour la divination ; mais comme l'Ecriture Sainte les appelle des Dieux, il y a apparence qu'on les honoroit comme tels.

4o. Mais de quelle maniere fe fervoit-on des Teraphims pour decouvrir l'avenir ? Les confultoit-on comme des Oracles? D'où venoient les reponfes aux demandes qu'on leur faifoit? Ce font autant de queftions que je ne trouve point decidées dans les Auteurs qui ont parlé de ces Idoles. Je ne rapporterai point ici les conjectures des Interpretes & des Rabbins. Ezechiel dit feulement qu'on les interrogeoit. Ce Prophete (1) racontant de quelle maniere Nabuchodonofor s'étant (1) Chap. 21. arrêté dans un endroit qui aboutiffoit à deux chemins, voulut V. 21. apprendre par le fort de quel côté il tourneroit fes armes, dit qu'il avoit interrogé fes Teraphims. Stetit Rex Nabuchodonofor in bivio, capite fcilicet duarum viarum, divinationem quærens, commifcuit fagittas & interrogavit Teraphim (2). Mais il ne nous (2) La Vulgate dit feuleapprend pas de quelle maniere ces Idoles lui avoient répondu; Bata. & comme il ajoute qu'après cette operation des fleches & des Teraphims, le fort étoit tombé fur Jerufalem, ce qui l'avoit determiné à aller attaquer cette ville; & qu'on fçait d'ailleurs que le fort le fort par les fleches (a) confiftoit à les mêler d'une certaine maniere, il paroît que les Teraphims étant des efpeces de Talifmans, fur lefquels étoient peut-être gravés les Signes & les Constellations du ciel, on croyoit en les appliquant d'une certaine maniere aux afpects de ces Conftellations & de ces Signes, pouvoir deviner ce qu'on avoit envie d'apprendre. On trouve auffi dans le dix-huitiéme Chapitre du Livre des Juges, que l'on confultoit les Teraphims

(a) Cette forte de divination étoit fort ancienne dans la Chaldée, & elle confiftoit en ce qu'on écrivoit fur ces fleches les noms des lieux où l'on vouloir alier, ou quelques mots qui marquoient le deffein qu'on avoit dans l'efprit. On méloit ces fleches, on en tiroit une, & on prenoit pour une declaration de la volonté du Dieu qu'on adoroit, ce qui étoit écrit deffus. Ainfi Nabuchodonofor ayant trouvé le nom de Jerufalem dans celle qu'il tira la premiere, il alla affiéger cette ville, au lieu de porter les armes contre les Ammonites dont le nom étoit écrit fur une autre flcche. Dddd

Tome 1.

pour connoître l'avenir, puifque les Députés qu'avoient envoyés ceux de la Tribu de Dan, pour découvrir le pays, étant arrivés chez Micha qui avoit des Teraphims & un Levite pour leur fervir de Prêtre, le prierent de les confulter pour fçavoir si leur voyage feroit heureux.

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Liv. 3.

Onkelos, le Syriaque, les Rabbins, & après eux Grotius & plufieurs autres Interpretes, ont donc cru avec beaucoup de raifon, que les Teraphims étoient des Talismans, c'est-àdire, des figures de metal, fondues & gravées fous certain afpect des Planetes, aufquels on attribuoit plufieurs vertus, par le moyen defquels on croyoit pouvoir deviner l'avenir. () More rub. Maimonide (1) dit qu'on en fondoit anciennement d'or & d'argent; que les premiers étoient confacrés au Soleil, & les feconds à la Lune : & qu'on leur attribuoit la vertu d'éloigner les maux & de prédire l'avenir. On affûre que les Anciens avoient de ces figures magiques, qui avoient du mouvement & qui rendoient des Oracles; ce qui étoit affez commun chez les Egyptiens & parmi les Arabes, qui fe vantoient d'avoir le fecret d'enfermer dans ces figures les Demons & les Dieux, & de les obliger de leur repondre lorfqu'ils les confultoient : c'eft fans doute à cet ufage que fait allusion le (2)C.ro.v.2. Prophete Zacharie, lorsqu'il dit, fuivant le texte Hebreu (2); Teraphim locuta funt vanitatem, & divini viderunt mendacium. Enfin l'Auteur du fecond Livre des Rois dit que Jofias détruifit entierement dans fon Royaume, l'efprit de Python, les difeurs de bonne avanture, & les Teraphims : ce qui ne laisse aucun lieu de douter qu'ils ne ferviffent à la divination.

Tout l'Orient eft encore entêté de cette vaine fuperftition; & fi elle est une des plus anciennes, puifqu'elle fubfiftoit du temps de Laban, elle eft auffi une des plus generales. On ne voit point d'hommes dans la Perfe & dans les Pays voisins, qui ne portent fur eux des Talismans, & quelquefois ils en ont un très-grand nombre. Ces Amuletes, ou prefervatifs, confiftent en quelques mots myfterieux, écrits fur du papier, ou gravés fur du bois ou fur des pierres précieuses, avec quelques Signes ou Conftellations celeftes, fous lefquels ils ont été faits. Les Bafilidiens en faifoient grand usage; & les Mahometans qui n'ont point de Statues, portent de ces

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min: mais

Talifmans gravés fur des pierres, ou écrits fur du parche-
je n'ai pas dessein de m'étendre fur ce fujet, qui a
été traité par plusieurs Auteurs (a).

nir

Si l'on pouvoit ajouter foi aux Rabbins, il faudroit conveque la maniere de faire les Teraphims étoit également impie & cruelle, puifqu'ils difent que quand on vouloit fondre une de ces figures, on tuoit un homme, & après lui avoir coupé la tête, on l'embaumoit & on l'enfermoir dans le fond d'une muraille. On mettoit fous fa langue un lame d'or, fur laquelle étoit écrit le nom de quelque Dieu; & ces mêmes Auteurs ajoutent que quand on vouloit la faire parler, on allumoit des cierges devant elle, & on fe profternoit, & qu'alors elle rendoit fes Oracles. Mais en quoi reffemblent ces fortes de Teraphims, à ceux que Rachel deroba à fon pere Laban? enfin, de quelle maniere les Teraphims repondoient ils à ceux qui les confultoient, puisqu'il eft für par le paffage du Prophete Zacharie que nous venons de rapporter, qu'ils rendoient des Oracles? On doit se rappeller ici ce qui a été dit fur les differentes manieres dont les Oracles faifoient connoître leurs reponses (1), & il y a apparence que c'étoit de quel- (1) Liv. 4. qu'une de ces manieres que les Teraphims inftruifoient ceux P. 327. qui les confultoient; car je ne fuis pas du fentiment du Cardinal Bellarmin, qui étoit perfuadé que ces Idoles prenoient une voix humaine pour annoncer l'avenir. Il eft vrai qu'on trouve dans la Fable, & même dans l'Hiftoire, qu'il est arrivé quelquefois que des Statues ayent parlé. On dit en effet que dans le temps qu'on faccagea la ville de Veies, on interrogea une Statue de Junon, pour fçavoir fi elle vouloit venir à Rome, & qu'elle repondit, je le veux ; que celle de la Fortune, qui fut confacrée aux femmes, & fur-tout à la mere de Coriolan, avoit prononcé ces paroles, ritè me dicaftis, il ne manque rien à ma dédicace; que celle de Cybele qu'Attalus avoit refufée aux Romains, déclara qu'elle vouloit être tranf portée à Rome, ainsi que le raconte Ovide:

Mira canam; longo tremuit cum murmure tellus,
Et fic eft adytis dicta locuta fuis:

(a) Voyez Scaliger. Gaffarel, Selden, &c.

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cet endroit du Prophete Ofée, le mot de Teraphim est toujours pris dans l'Ecriture Sainte en mauvaise part; & que s'il fignifie dans le paffage que nous venons de rapporter l'Urim & le Tummim du Grand-Prêtre, il n'eft employé par-tout ailleurs que pour marquer de vaines Idoles, objet de la veneration des Payens (a).

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Il paroît par ce que nous venons dire que les Teraphims étoient des Dieux particuliers, femblables à ceux qu'on a nommés depuis Lares ou Penates, & que chacun en avoit dans fa maison pour fa confervation & pour celle de fa famille. S'ils avoient été des Dieux publics, Laban n'auroit dit pourquoi avez vous derobé mes Dieux? Et il n'auroit pas été le feul à pourfuivre Jacob; tout le Peuple intereffé à ce vol, l'auroit fecondé. L'exemple de Nabuchodonofor prouve qu'on les portoit dans les voyages & dans les expeditions militaires, puifque ce fut en chemin qu'il les confulta. Enfin, on peut prouver la même verité par celui de Micha qui avoit des Teraphims dans fa maison pour les interroger dans le befoin. Mais étoient-ils des Dieux naturels, tels que les Aftres, ou des Dieux animés, c'eft-à-dire, les Ames des ancêtres ? C'est ce qu'on ne fçauroit decider. Quelques Sçavans font perfuadés qu'ils étoient des Dieux animés; & l'Auteur de Hiftoire Critique des Dogmes & des Cultes, en eft fi convaincu, qu'il prétend que les Teraphims de Laban étoient Noé & Sem mais fur quelles preuves peut-on établir une pareille prétention? Sur ce fondement le même Auteur est obligé de dire qu'il n'y avoit dans chaque maison que deux Teraphims, pour reprefenter ces deux Patriarches; mais comme l'Ecriture parle de ces Dieux fans en specifier le nombre, je ne crois pas qu'on puiffe le reftraindre à deux feulement. On fçait du moins que fi les Dieux Penates tirent leur origine de ces anciens Teraphims, comme il eft très-vraisemblable, il étoit libre à chacun d'en avoir autant qu'il en vouloit.

(a) L'exemple de Micha eft peut-être une exception à la Regle établie par faint Jerôme. Car on croit communément qu'il avoit fait fes Teraphims pour confulter le vrai Dieu; & que s'il étoit prévaricateur, il n'étoit pas idolâtre.

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ARTICLE I I.

Moloch, Dieu des Ammonites

MOLOCH, un des principaux Dieux de l'Orient, étoit honoré par les Ammonites, qui le reprefentoient fous la figure monftrueufe d'un homme & d'un veau. On avoit ménagé vers les pieds de la Statue plufieurs fourneaux, dans lesquels on jettoit les enfans qu'on immoloit à ce Dieu; & tandis que. ces Victimes infortunées qui brûloient dans ces fourneaux, jettoient des cris qui attendriffoient les affiftans, les Prêtres battoient du tambour, pour empêcher qu'on n'entendît leurs plaintes. C'étoit de ce bruit que la Vallée où fe commettoient ces abominations étoit nommée la Vallée du Tophet, comme qui diroit, la Vallée du Charivari.

Les Interpretes de l'Ecriture Sainte, & quelques autres Sçavans ont cherché à découvrir quel pouvoit être ce Moloch. Quelques-uns ont cru, avec Antoine Fonfeca, qu'il étoit le même que Priape: Gerard Voffius s'eft efforcé de prouver qu'il étoit le Soleil; mais l'opinion la plus commune eft que ce Dieu étoit le même que Saturne: & on appuye cette prétention, par la conformité des Sacrifices humains, qu'on offroit également à Moloch & à Saturne ; & comme ce dernier eft Abraham, il n'eft pas douteux que le premier n'ait été formé fur ce que les Payens avoient appris de l'Hiftoire de ce faint Patriarche. C'eft ainfi qu'en ont raifonné Selden (1), le Pere Kirker (2), Beyer & plufieurs autres; mais perfonne n'a Syr (2) Ocd. Æg. prouvé cette opinion avec plus de force que M. Fourmont (3). (3) Refl. Crit. Moloch, dit-il, étoit une fournaife, ainfi que l'ont toujours T. I. p. 357cru les Orientaux. Or cette idée étoit prife de la Fournaise qu'on difoit avoir été allumée dans Ur, ville des Chaldéens, pour y faire perir Abraham, ainsi que le racontent les Rabbins ; & comme le nom de cette ville eft le même que celui du feu, au lieu de dire que ce faint Patriarche étoit forti de Ur des Chaldéens, on publia qu'il avoit été tiré du feu, ou de la fournaise.

(1) De Diis

Dans les Sacrifices de Moloch on offroit des enfans; n'eftce pas là une imitation du Sacrifice d'Ifaac, que les Payens

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