(1) Diod. L. L. C. 7. Au commencement, dit Diodore de Sicile (1), le ciel & la terre n'avoient qu'une forme, étant mêlés ensemble par leur nature; mais enfuite ayant été feparés, le monde commença à prendre l'arrangement que nous y obfervons. Par le mouvement de l'air les parties ignées s'éleverent, & donnerent au Soleil, à la Lune & aux autres aftres leur mouvement circulaire. La matiere folide tomba en bas, & forma la mer & la terre, d'où fortirent les poiffons & les animaux, à peu près comme on voit encore en Egypte fortir de la terre détrempée des eaux du Nil, une infinité d'infectes & d'autres animaux, Eusebe a fort bien obfervé que ce fyftême, non plus que celui des Pheniciens, pris dans la même fource, ne donne au Créateur aucune part dans la formation de l'Univers, Pour confirmer fon jugement, il rapporte un paffage de Porphyre, lequel, dans fon Epître à Anebo Prêtre Egyptien, écrit que Chæremon & d'autres encore, avoient crû qu'il n'y avoit rien d'antérieur à ce monde visible; que les Planétes & les Etoiles étoient les vrais Dieux des Egyptiens, & que le Soleil devoit être regardé comme l'artifan de l'Univers : & il eft bon de remarquer que c'est à cela que revient l'Abregé (2) In Proe- de la Theologie Egyptienne, donné par Diogene Laërce (2); qu'il avoit tiré lui-même de Manethon, & d'Hecatée, qui avoient dit avant lui, que la matiere étoit le premier principe, & que le Soleil & la Lune étoient les premieres Divinités de cet ancien Peuple, connues & adorées fous les noms d'Ofiris & d'Ifis, mio. tell. p. 317. Il est bon de remarquer cependant qu'un habile Moder (3) Cud- ne (3) a rendu plus de juftice aux Egyptiens, prouvant par word. Syft. in- Eufebe lui-même, qu'ils avoient crû qu'un Etre intelligent, qu'ils nommoient Cneph, avoit préfidé à la formation du monde. Ils reprefentoient cet Etre, fuivant Porphyre, sous la figure d'un homme tenant une Ceinture & un Sceptre, avec des plumes magnifiques fur la tête, & de fa bouche fortoit un œuf, duquel à fon tour fortoit un autre Dieu qu'ils nommoient Phta, & les Grecs Vulcain. Ils donnoient euxmêmes l'explication de cette figure myfterieufe. Les plumes dont la tête étoit ombragée, marquoient la nature cachée & invisible invifible de cette intelligence, le pouvoir qu'elle avoit de donner la vie, fa fouveraineté fur toutes chofes, & la fpiritualité de ses mouvemens. L'œuf qui fort de fa bouche, defignoit le monde, dont il étoit l'artifan. Les mêmes Peuples representoient auffi quelquefois la Divinité, fous le symbole d'un Serpent, avec une tête d'Epervier, lequel en ouvrant les yeux remplit le monde de lumiere, & en les fermant les couvre de tenebres. On peut confirmer le fentiment de l'Auteur moderne, par le témoignage de Jamblique, qui du temps d'Eufebe, s'étoit fort appliqué à étudier l'ancienne Theologie des Egyptiens, & qui tâche de prouver comme Charemon l'avoit avancé, qu'ils ne croyoient pas generalement, qu'une nature inanimée étoit l'origine de toutes chofes; mais que dans le monde, auffi bien que dans nous-mêmes, ils reconnoiffoient l'ame fuperieure à la nature, & l'intelligence qui a créé le monde, fuperieure à l'ame. Quelques idées qu'on prête aux anciens Philofophes Egyptiens, & à Thaut qui en a été le Maître, il eft fûr que leur Theogonie eft une Idolatrie groffiere, qui a été l'origine & la fource de celle des Grecs & de plufieurs autres Nations, comme on le verra dans la fuite. En effet, felon Socrate, dont le témoignage eft rapporté par Eufebe (1), les Egyptiens (1) Prep. Ev. frappés à la vue du Soleil & des autres aftres, s'imaginoient L. 1. p. 17. que ces corps lumineux étoient les Maîtres du monde, & les premiers Dieux qui le gouvernoient. Ils nommerent le Sofeil, Ofiris, & la Lune Ifis. Ofiris, difoient ils, fignifie plein d'yeux, ou très clair-voyant. Ilis eft la même chofe que Haλaía l'Antique ou la vieille, & ce nom a été donné à la Lune, à caufe de fa naiffance éternelle. , Mais on ne s'en tint pas là: dès qu'on a fait le premier pas dans les tenebres on s'égare à mefure qu'on avance. Diodore de Sicile, qui avoit recueilli avec foin les traditions Egyptiennes, dit que leurs grands Dieux étoient Hos le Soleil, xs, Saturne. Rhea, zus, Jupiter, Hp, Junon, H'quisis, Vulcain, Es Vefta, H'pus, Mercure; qu'on regardoit celui-ci comme le dernier mais qu'on ne convenoit pas lequel du Soleil, ou de Vulcain, avoit regné le premier. Voilà, pour le dire en paffant, les huit grands Dieux des Egyptiens, dont parle plufie urs fois, Herodote, fans toutefois les nommer. : Chronos, continue toûjours Diodore de Sicile , ayant époufé Rhea, devint, fuivant quelques-uns, pere d'Ofiris & d'Ifis, & fuivant d'autres, de Jupiter & de Junon. De Jupiter, felon ces derniers, étoient fortis cinq autres Dieux, Ofiris, Ifis, Typhon, Apollon, & Aphrodité ou Venus. Ofiris, ajoutoient-ils, étoit le même que Bacchus, Ifis, la même que Cerès. Anubis & Macedo étoient fortis d'Apollon, lequel accompagna Ofiris dans fes conquêtes. Ofiris partant pour fes expeditions, avoit laiffé en fa place fon frere Bufiris à fon retour des Indes Typhon l'affaffina, & on le mit au rang des Dieux, à caufe de fes belles actions, & les bœufs Apis & Mnevis qui lui avoient été confacrés, furent eux-mêmes honorés comme des Divinités. Mais comme dans les Apotheofes on changeoit fouvent les noms des perfonnes deïfiées, Ofiris fut appellé Serapis, Dionyfius, Pluton, Jupiter, Pan, &c. Ifis fa femme, fut mife auffi au rang des Déeffes, & honorée fous les noms de Thefmophoros, de Selené ou la Lune, d'Hera, ou Junon, &c. Orus, fils d'His & le dernier des Dieux, après s'être derobé aux embûches des Titans, regna fur l'Egypte, & après fa mort fut mis au nombre des Dieux, & c'eft celui que les Grecs nommoient Apollon. Telle eft, felon Diodiore de Sicile, la Cofmogonie & la Theogonie des Egyptiens, & il eft aifé de voir que les Grecs l'avoient corrompuë & ajuftée à leur maniere. Ce qu'on en peut conclure de plus certain, eft que cet ancien Peuple reconnoiffoit deux fortes de Dieux. Les aftres, fur tout le Soleil & la Lune; & les hommes illuftres, aufquels pour bienfaits, ils avoient rendu un culte religieux. Mais foit que cette Theologie ait été tirée des Livres de Thaut, ou Thot, ou de quelque tradition confervée par les Prêtres Egyptiens, il eft fûr que les Grecs en ont formé leur fyftême, comme on le verra dans la fuite. leurs D CHAPITRE IV. Theogonie des Atlantides. IODORE de Sicile (1) eft le feul des anciens qui nous ait confervé la Theogonie des Peuples de la partie Occidentale de l'Afrique, qu'on appelloit les Atlantides: Comme ces Peuples, dit-il, racontent fur Porigine & la naiffance des Dieux, des chofes qui ressemblent affez à ce que les Grecs en difent eux-mêmes, il n'eft pas hors de propos de les rapporter. Ils fe glorifioient, continue notre Hiftorien, de poffeder un pays où les Dieux avoient pris naiffance, & citoient pour le prouver, l'endroit où Homere fait dire à Junon qu'elle alloit aux extremités de la terre, voir l'Ocean & Te thys, le pere & la mere des Dieux. Uranus, ou le Ciel, fuivant ces Peuples, avoit été leur premier Roi ce Prince obligea fes fujets, alors errants & vagabonds, à vivre en fociété, à cultiver la terre, & à jouir des biens qu'elle leur prefentoit. Appliqué à l'Aftronomie, Uranus regla l'année fur le cours du Soleil, & les mois fur celui de la Lune; & fit par rapport au cours des aftres des Predictions, dont l'accompliffement frappa tellement les Atlantides, qu'ils crurent qu'il y avoit quelque chose de divin dans le Prince qui les gouvernoit, & après la mort ils le mirent au rang des Dieux. Uranus avoit eu de plufieurs femmes quarante-cinq enfans; Titée feule lui en avoit donné dix-huit. Quoique ces derniers euffent chacun leur nom, ils furent en general nommés Titans, de celui de leur mere. Cette Princeffe étant morte, reçut auffi les honneurs divins, & fon nom fut donné à la terre, comme celui de fon mari avoit été donné au ciel. Parmi les filles d'Uranus & de Titée, les deux aînées se diftinguerent par leur merite & par leurs vertus. La premiere, qui fut nommée la Reine par excellence, & qu'on croit être la même que Rhea ou Pandore, prit grand foin de l'éducation de fes freres & de fes fours; & voilà, remarque Diodore (1) Liv. 3. C. 4 la raifon pour laquelle on l'appella la Grande-Mere. Cette Princeffe qui avoit toujours fait profeffion d'une grande chafteté, voulant enfin donner des heritiers à fon pere, fe maria avec Hyperion fon frere, & en eut deux enfans, Helion & Selené, qui fe diftinguerent autant par leur prudence & par leur fageffe, qu'ils étoient remarquables par leur beauté. Leurs Oncles jaloux de voir dans Helion un Prince fr parfait, & dans Selené la fille du monde la plus belle & la plus fage, craignant que l'Empire ne leur fût destiné, massacrerent Hyperion, & jetterent Helion dans l'Eridan: Selené qui aimoit tendrement fon frere, fe précipita du haut du Palais. La Reine cherchant fon fils fur les bords du fleuve, s'affoupit de fatigue & de douleur; & vit pendant fon fommeil, Helion qui lui prédit que les Titans feroient punis de leur cruauté, & qu'elle & fes enfans feroient mis au rang des Dieux ; que le feu celefte qui nous éclaire, porteroit deformais le nom d'Helion, & que la Planette qui fe nommoit auparavant (1) C'eft le Mené, prendroit le nom de Selené (1). Rhea s'étant reveillée, raconta fon rêve, ordonna qu'on rendît à fes enfans les honneurs divins, défendit qu'on touchât jamais fon corps, & étant entrée tout d'un coup dans une grande fureur, fe mit à courir les champs, ayant les cheveux épars, & tenant à la main des Cymbales, dont le bruit mêlé avec fes hurlemens, répandoit l'épouvante partout où elle paffoit. Ses fujets qui virent leur Reine dans un état fi deplorable, voulurent l'arrêter; mais lorsqu'une main teméraire l'eut touchée, le ciel se declara pour elle, & parut tout en feu. Il tomba au bruit du tonnere une grande pluie, & ce fut pour la derniere fois qu'on vit la Reine, qui difparut tout d'un coup. Après cet évenement les Atlantides rendirent les honneurs divins à leur Reine, qu'ils nommerent la Grande-Mere des Dieux, & honorerent les deux aftres qui nous éclairent, fous les noms d'Helion & de Selené. nom Grec de La Lune. Cependant les Princes Titans, principalement Saturne & Atlas, après la mort de leur pere Uranus, diviferent fon Empire. Les parties occidentales de l'Afrique échurent au dernier, qui donna fon nom à cette celebre montagne qui depuis a été appellée le Mont Atlas : & comme ce Prince s'étoir |