couvrirent la montagne, se répandirent fur une partie de la Sicile, & furent portées jufqu'à Malte. M. le Chevalier Dangos y a recueilli, fur les terraffes de l'Obfervatoire, une affez grande quantité de fable noir, en petits grains durs, attirables à l'aimant; il étoit mêlé de petits criftaux irréguliers affez tranfparens, qui, vus au microscope, paroiffoient une vitrification avec des pores; ce fable fut porté à Malte par un vent de nord-oueft, dans la nuit du 18 au 19 juillet.

Cette irruption produifit auffi plufieurs courans de lave, & par conféquent tous les genres de fubftances que j'ai attribués à ces temps de crife. J'ai ' reçu différentes relations de cet événement qui peut fervir à développer la théorie des feux fouterrains, & à étayer quelques obfervations que j'ai inférées dans ce catalogue. Je crois donc ne pouvoir mieux terminer cet Ouvrage que par l'extrait d'une lettre de M. Lallement, Conful de France à Meffine, où l'on trouvera des détails curieux; & par la

traduction que j'ai faite de la relation du Chevalier don Jofeph Gioenni, publiée en italien à Catagne en septembre 1787.

EXTRAIT D'UNE LETTRE

De M. LALLEMENT, Conful de France à Messine, adressée au Commandeur de Dolomieu.

Il y avoit précisément six ans & deux

Ly

mois que le mont Etna ne donnoit aucun figne extérieur de fermentation, lorfque, vers la fin du mois de juin, on vit groffir le nuage de fumée qui couronne ordinairement fa cîme; cette fumée prenoit de temps en temps la cou leur du feu.

Dans les premiers jours de juillet; on reconnut qu'il s'étoit fait une ouver ture fur le bord du cratere, à la partie du nord-oueft, & le feu, confidéré de Catania, figuroit exactement le difque de

la lune dans fon plein, au moment of elle paroît fur notre horizon: la lave s'a◄ chemina lentement pendant deux jours; elle occupa une pente d'environ deux milles, devint, par le refroidiffement, grife & luifante, & tout ceffa.

Pendant la nuit du 9 au 10, on aperçut une aurore boréale qui dura une demi-heure, & à deux reprises; elle étoit fort étendue, & couvroit tout l'horizon depuis les monts Rouges jusqu'à Noto: fa couleur étoit celle de la lumiere, un peu plus foncée; & fa direc tion étant pofitivement la même que celle de l'irruption qu'elle a précédée, plufieurs perfonnes jugerent qu'elle y avoit du rapport, & la pronostiquerent.

Le 13, on vit en effet reparoître sur la cîme une fumée noire & épaiffe, qui augmenta progreffivement, & les élans du feu devinrent plus fréquens & plus confidérables; mais le 16 au matin, quoique le foleil & l'épaiffeur de la fu mée dérobaffent une partie du feu actif qui fortoit de la bouche du volcan; l'extrême chaleur répandue dans tout

l'atmosphere, le fracas de la montagne & les bruits fouterrains qui ébranloient toute fa base, annoncerent une irruption complette; elle ne fe manifefta cependant tout entiere que le lendemain, & à dix heures du foir elle offrit le spectacle le plus terrible, en même temps le plus intéreffant on vit s'élever de la bouche une colonne de feu d'un volume étonnant, & qu'on a eftimé Haute d'environ cinq cents toifes; on décou· vrit en même temps une forte lave latérale, ayant fa direction au fud-oueft; & qui, partant de la bafe de la colonne, formoit avec elle à la vue un angle droit à deux lignes à peu près égales.

:

quan

La colonne elle-même préfentoit la plus grande variété dans fes couleurs: la partie enflammée, remplie d'une tité prodigieufe d'eau & de fable, étoit de temps en temps mélangée de clairobfcur qui d'une minute à l'autre fembloit vouloir l'éteindre, mais qui, l'inftant d'après, ne faifoit qu'augmenter la vivacité de la lumiere (c'eft alors qu'on la voyoit distinctement de Messine), &

la partie fupérieure noire & caligineufe étoit éclairée, dans toute fon étendue, par des fleches de feu, par des aigrettes électriques, & par des jets de pierres enflammées; en forte qu'avec le bruit de l'explofion du cratere & les roulis fouterrains qui ne difcontinuoient pas, on pouvoit avec raifon affimiler tous ces phénomènes à une violente tempête dans le lointain.

On a joui de ce fpectacle pendant deux jours, & le 19 tout a paru ra-· lenti. Il n'en eft pas de l'Etna comme du Véfuve, perfonne n'ofe approcher cette montagne dès qu'elle eft en fermentation, & les Obfervateurs ne fe déterminent à s'y rendre que lorsque plufieurs jours de tranquillité les raffurent.

Tout ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'eft que la grande lave, échappée d'une des parois du cratere, a parcouru envi Fon quatre lieues, menaçant alternativement les villes de Randazzo & de Bronte, fur-tout la derniere, que les

habitans