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quelque chofe qui approche fouvent de l'impertinence. Je ne voudrois pas non plus qu'on les accoûtumât à une recherche trop fcrupuleufe de complimens & de cérémonies, comme les Allemans & les Italiens. Cela feroit ennuyeux & gênant dans le commerce de la vie. Mais il y a dans tout un jufte milieu qui eft le vrai de chaque chofe.

Souvent auffi la flaterie s'introduit dans la fociété, déguisée sous le nom de politeffe. On ne fauroit avec trop de foin prévenir les jeunes gens contre ce poifon pour les en garantir. S'il eft bas & honteux d'ufer de flaterie, il n'eft pas moins dangereux & humiliant de s'y laiffer tromper. L'ambition & l'intérêt l'ont introduite parmi les hommes, pour plaire à ceux dont ils efpérent les moyens de fatisfaire ces paffions. Les flateurs non-feulement admirent les plus petites choses

mais ils cherchent à déguifer les vices ; ils les approuvent, & fouvent ils les mettent avec impudence aux nombre des vertus. Eft-il rien de plus bas & de plus condamnable? N'eft-ce pas être complice des vices qui s'enracinent dans le cœur de ceux qu'on flate?

Comme le peu de lumiere de l'efprit des jeunes gens les rend contens d'eux-mêmes, & donne accès à la flaterie, on leur fera fentir que l'amour propre goûte quelquefois ce poison avec délices, & qu'il fe laiffe aifément enchanter par des paroles flateuses où le coeur n'a point de part; ce qui n'eft capable que de corrompre, lorfqu'elles donnent au vice les couleurs de la vertu. Il est auffi des fignes d'honneur & d'amitié, des difcours obligeans fur lefquels on ne doit pas compter on avertira les jeunes gens de les prendre moins à la let

tre, que dans le fens que l'usage, ou plutôt l'abus leur a donnés. D'ailleurs il eft néceffaire de les accoûtumer à la vérité & à la fincérité, qui font le caractere des ames bien nées. Il y auroit, je l'avoue, de l'imprudence & de la groffiereté à dire à quelqu'un fes défauts, ou à lui reprocher fes vices; on doit les taire: mais rien n'engage à dire le faux pour le vrai.

Au refte, la vraie politeffe vient du cœur il faut s'appliquer à le former dès l'enfance, à le rendre pur, droit & fincere, compatisfant pour le pauvre & l'affligé. Alors l'efprit eft ingénieux à trouver les moyens de confoler celui-ci dans fes maux, & de fecourir celui-là dans fes befoins: on devient fenfible au bonheur des autres; on aime à obferver la bienféance, & l'ordre établi par les loix, par la raifon, ou feulement par la coûtume; à

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rendre à chacun ce qui lui eft dû, fuivant fa dignité, fon âge, fon mérite ou fes talens, fans déguisement, fans jalousie, sans intérêt. On évite avec prudence ce qui peut offenfer ou affliger. On fupporte avec douceur & patience les défauts des autres, & on les diffimupour leur en épargner la honte. Le coeur & l'efprit ainfi formés ne peuvent pas manquer de faire un homme poli, mais d'une politesse bien fupérieure à celle qui, fous des dehors agréables à la vérité, mais trompeurs, n'eft en effet qu'un commerce de fourberie, & qui ne couvre que des vices bas & honteux, qui déshonorent l'humanité. (a)

(a) Comme la politeffe, dont nous parlons, eft une chofe importante, pour fuppléer à ce qui manque ici, on peut lire ce que M. l'Abbé Trublet a écrit fur la politeffe, fur le goût & fur la converfation, dans fes Ellais de Morale & de Littérature. 3. éd. chez Briaffon 1741. La Differtation Académique II. Part. Y

CHAPITRE V I.

Des Voyages.

On peut regarder les Voyages comme la premiere école des plus fages & des plus favans hommes de l'antiquité. Ils alloient dans les pays étrangers pour les connoître, y obferver les moeurs & coûtumes des peuples, remarquer leurs loix, s'inftruire dans les Arts & dans les Sciences, & s'entretenir avec les Savans.

(a) Solon & Licurgue avant &

de M. l'Abbé Gedoyn fur l'Urbanité Romaine, dans les Mémoires de l'Académie des Infcriptions & belles Lettres, t. 6. p. 208. Elle le trouve auffi dans fes Oeuvres diverses, in-12. chez de Bure 1. Paris 1745. Effai fur la néceffité & les moyens de plaire, par M. de Montcrif. A Paris 1737. chez Prault fils. (a) Plut. in vit. Sol. & Licur.

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