provifion qu'il pût faire pour la guerre. Il eftimoit Achille heureux d'avoir rencontré un Homere pour célébrer fes vertus. Peut-être que le Héros de Theffalie fut le modele du Héros de Macédoine, & ne le fut même que trop. Quelqu'utile que foit l'Hiftoire, la Poëfie femble avoir quelque avantage fur elle. L'une, par exemple, dans l'Epopée, & dans la Tragédie fait parler & agir les hommes d'une maniere extraordinaire, comme ils devroient faire; c'eft la nature embellie l'autre les repréfente tels qu'ils font ; c'eft la nature toute fimple. De même qu'un aigle s'éleve au-deffus des nues, plane agréablement dans les airs, ou s'abaiffe à son gré; ainfi le feu, l'enhousiasme, en un mot, le langage 'oëtique a quelque chofe de divin: tantôt la Poëfie eft parée de graces & d'ornemens, tantôt elle eft : imple & naive: mais dans les bons ouvrages elle fatisfait toûjours autant la raison qu'elle fiate les fens: car le merveilleux & les figures, menfonges en apparence, ne font qu'un voile agréable & léger qui couvre la vérité fans la dérober aux yeux de l'efprit ; c'est un moyen plus sûr pour l'imprimer dans l'imagination. Mais l'utile & l'honnête doivent être le fonds de la Poëfie. Quel cas doit-on faire de certaines petites pieces frivoles, libertines même, qui ne font propres qu'à gâter l'efprit, & à corrompre le coeur? Ce font affez fouvent des productions de Poëtes dont le génie manque d'élévation & de folidité. Cependant il faut prévenir les jeunes gens que la Poëfie fe pare fouvent d'éclat & d'oftentation, & qu'elle a quelquefois des hardieffes qui ne conviennent point à l'éloquence. Il est nécessaire d'avoir une connoissance au moins générale des regles de la verfification pour fentir la beauté des vers, & accoutumer les oreilles au nombre & à la cadence de la Poëfie. On trouvera des abrégés de ces regles dans les Grammaires de Reftaut & du P. Buffier, ainfi que dans la Méthode pour apprendre la langue Latine par Lancelot. Cela peut fuffire: mais le Traité de la Poëfie par le P.Mourgues J. a plus d'étendue. On y trouve tous les détails néceffaires aux commençans, appuyés de réflexions & d'exemples tirés des meilleurs Auteurs. Je ne parle que de la derniere édition, corrigée & augmentée par le P. Brumoi. Les Réflexions fur la Poëfie & la Peinture par l'Abbé du Bos, font très-bonnes. Je ferois d'avis de donner auffi aux jeunes gens la Poëtique d'Ariftote, contenant les regles les plus E exactes pour juger du Poëme héroïque & des pieces de Théatre. M. Dacier en a donné une traduction qu'on regarde comme fon meilleur ouvrage. On trouvera des Remarques fort fenfées, & propres à former le goût dans les (a) Réflexions fur la Poëfie, par M. Racine. Si l'on veut quelque chofe de très-bon, & de moins étendu, on peut lire les Réflexions du P. Rapin fur la Poëfie, ou la Lettre de M. de Fenelon à Meffieurs de l'Académie Françoise, les Réflexions de M. de Fontenelle fur la Poëtique, le Difcours de M. de la Motte fur la Tragédie, l'Ode, &c. On commencera la lecture des Poëtes par l'Art Poëtique de Defpréaux, ouvrage très-propre à former le goût en ce genre de littérature: après quoi l'on fera lire plufieurs morceaux de la Bibliothe (a) 2.Vol.in-12. à Paris chez Defaint.1747. que (a) Poëtique. C'est un choix judicieux des plus belles pieces de vers en tout genre, depuis Marot, jufqu'aux Poetes de nos jours, avec un abrégé de leurs vies, & des Remarques fur leurs ouvrages. Cela ne difpenfera pas de lire enfuite quelques pieces entieres de nos meilleurs Poëtes. Il ne faut pas oublier Télémaque, fon ftyle le peut placer au rang des Poëfies: il n'y manque que le nombre & la rime pour en faire un Poëme Epique. Les jeunes gens feront par écrit l'analyfe de quelques pieces, recueilleront les plus belles penfées, les vers les plus ingénieux & les plus inftructifs; il les apprendront par coeur, & on leur en fera déclamer les plus beaux morceaux. Je fuppofe qu'on fe fera toûjours entretenu dans l'intelligence du Grec & du Latin, ou de quelques (a) 4. Vol. in-4°. à Paris, chez Briaflon. |