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CHAPITRE II.

Des éxercices du Corps. SI l'on examine la conftruction du corps humain, il eft facile de voir qu'il eft fait pour l'action, & non pour le repos. La fituation des vifceres, leur forme, & la maniere dont ils font liés & unis ensemble; la circulation du fang dans les arteres & dans les veines, & des autres liqueurs dans les autres vaiffeaux, leur construction, leurs valvules qui empêchent le retour, qui, fans elles, pourroit fe faire dans les mouvemens violens; la ftructure des os, leur substance, leur articulation, leurs ligamens : cette humeur vifqueufe, appellée fynovie, qui fert à rendre les cartilages polis & gliffans, pour en faciliter l'ac

tion, & empêcher qu'ils ne s'ufent par le frottement; la conftruction des muscles, l'arrangement & l'élafticité de leurs fibres, leur direction, leurs tendons, la membrane qui les enveloppe, leur origine, leur infertion, la diftribution des nerfs pour porter cette humeur fubtile que l'on nomme efprits animaux, qui eft le principe du mouvement: tout cela nous démontre clairement que le corps eft fait pour agir, & que le repos ne doit être que pour réparer la trop grande diffipation des efprits. Le mouvement donne aux corps plus d'agilité, diffipe les humeurs fuperflues, débarraffe les muscles & les nerfs dans leur action, & rend les efprits plus libres & plus atténués.

Nous voyons en effet que par un repos immodéré les corps deviennent plus lourds & plus foibles; les fibres des nerfs & des mus

cles perdent leur élasticité, ils s'affaiffent, les cavités fe ferment, les pores fe bouchent, & ne permettent plus au fang ni aux efprits de circuler. Le fang qui eft porté à toutes les extrémités du corps, rentre avec moins de facilité dans les veines; il demeure chargé d'humeurs groffieres & furperflues, qui ne fe divifent & ne fe diifipent que par le mouvement. De-là naiffent les obftructions; les pores de la peau, peau, qui fervent d'écoulement à l'infenfible transpiration, se bouchent; elle reflue dans le fang; alors toute l'harmonie eft interrompue. Il faut que le corps fuccombe fous mille maux fâcheux qui interrompent le cours de la vie, ou du moins il refte abbattu dans une langueur univerfelle. Les membres privés d'une nourriture convenable, plient fous le poids de la machine, qu'ils ne peuvent plus fupporter. La tiffure

& la trame des parties fe relâchent, & fe détruifent peu à peu, le corps, qui ne peut subsister sans action, s'affoiblit de plus en plus: tel eft l'effet de l'inaction. Car nous voyons que les gens accoûtumés aux pénibles exercices, font ceux qui ont les corps les plus robuftes, & les moins fujets à une infinité de maladies, dont les perfonnes, qui menent une vie molle & fédentaire, font accablées.

Ce n'eft pas tout par l'étroite liaifon de l'ame avec le corps, elle participe à fa mauvaise difpofition. Si les efprits animaux, premiers refforts dont elle fe fert dans fes opérations, fe trouvent embarrassés par des humeurs groffieres, ils font moins raréfiés, moins vifs, moins agités. C'eft ce qui a fait dire à un bel efprit de l'antiquité, que le mouvement du corps donne de la vivacité à l'esprit. Chacun peut en

con

connoître la vérité par foi-même, s'il fait attention, qu'après un exercice modéré, l'on fent ordinairement plus de gaieté, plus de vivacité, plus de liberté dans l'efprit, qu'après un long repos.

On ne peut fe tromper en fuivant la nature: ce que je viens de dire fait affez voir ce qu'elle nous indique. J'ajoûterai cependant aux raifons Phyfiques une réflexion morale. Dans le premier état de l'homme, après fa chute, la Providence l'a obligé à cultiver la terre, pour tirer de fon fein des fruits néceffaires pour fa nourriture; à bâtir des maifons pour fe mettre à couvert des injures du tems, & de l'infulte des bêtes féroces; à fe faire des habits pour garantir une peau fine & délicate des rigueurs du froid. L'homme n'eft donc pas fait pour un état oifif & tranquile.

Or fi l'exercice eft utile à tout

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