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Et il y a des mots qui ne font point verbes, qui fignifient des actions & des paflions, & même des chofes qui paffent, felon la définition de Scaliger. Car il eft certain que les participes font de vrais noms, & que néanmoins ceux des verbes actifs ne fignifient pas moins des actions, & ceux des paffifs des paffions, que les verbes mêmes dont ils viennent : & il n'y a aucune raifon de prétendre que fluens ne fignifie pas une chose qui paffe, auffi-bien que fluit.

A quoi on peut ajoûter contre les deux premieres définitions du verbe, que les participes fignifient auffi avec temps, puifqu'il y en a du préfent, du paffé, & du futur, fur-tout en Grec. Et ceux qui croyent, non fans raison, qu'un vocatif eft une vraie feconde perfonne, fur-tout, quand il a une terminaifon differente du nominatif, trouveront qu'il n'y auroit de ce côté-là qu'une difference du plus ou du moins entre le vocatif & le verbe.

Et ainfi la raison effencielle pourquoi un parti cipe n'eft point un verbe, c'eft qu'il ne fignific point l'affimation : d'où vient q'il ne peut faire une propofition; ce qui eft le propre du verbe, qu'en y ajoûtant un verbe, c'est-à-dire en y remettant ce qu'on en a ôté en changeant le verbe en participe. Car pourquoi eft-ce que Petrus vivit, Pierre vit, eft une propofition; & que Petrus vivens, Pierre vivant, n'en eft pas une fi vous y ajoûtez eft, Petrus eft vivens, Pierre eft vivant; finon parceque l'affimation qui eft enfermée dans vivit, en a été ôtée pour en faire le participe vivens? D'où il paroît que l'affirmation qui fe trouve, ou qui ne fe trouve pas dans un mot, eft ce qui fait qu'il eft verbe ou qu'il n'eft pas verbe.

Sar quoi on peut encore remarquer en paffant

que l'infinitif qui eft très- fouvent nom, ainfi que hous dirons, comme lorfqu'on dit, le boire, le manger, eft alors different des participes, en ce que les participes, font des noms adjectifs, & que l'infinitif eft un nom fubftantif fait par abftraction de cet adjectif, de même que de candidus fe fait candor, & de blanc, vient blancheur. Ainfi ruhet verbe, fignific eft rouge, enfermant tout ensemble l'affimation & l'attribut: rubens, participe, fignifie fimplement rouge fans affirmation; & rubere pris pour un nom, fignifie rougeur.

que

Il doit donc demeurer pour conftant, qu'à ne confiderer fimplement que ce qui eft effenciel au verbe, fa feule vraie définition eft: vox fignificans affirmationem,un mot qui fignifie l'affirmation. Car on ne fauroit trouver de mot qui marl'affirmation, qui ne foit verbe; ni de verbe, qui ne ferve à la marquer, au-moins dans l'indicatif. Et il eft indubitable que fi l'on en avoit inventé une, comme feroit est, qui marquât toûjours l'affimation; fans aucune difference, ni de perfonne ni de temps, de forte 1a diverfité des perfonnes fe marquât feulement par les noms & les pronoms, & la diverfité des temps par les adverbes, il ne laifferoit pas

que

d'être un vrai verbe. Comme en effet dans les

propofitions que les Philofophes appellent d'êternelle verité, comme Dieu eft infini; tout corps eft divisible: le tout eft plus grand que fa partie: le mot eft, ne fignifie que l'affirmation fimple, fans aucun rapportau temps; parceque cela eft vrai felon tous les temps, & fans que nôtre efprit s'arrête à aucune diverfité de perfonne.

Ainfi le verbe, felon ce qui lui eft effenciel, eft un mot qui fignifie l'affirmation. Mais fi l'on veut anettre dans la définition du verbe fes principaux

accidens, on le pourra définir ainfi. Vox fignifie sans affirmationem cum defignatione perfona,numeri temporis. Un mot qui fignifie l'affirmation avec défignation de la perfonne, du nombre du temps. Ce qui convient proprement au verbe fubftantif.

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Car pour les autres verbes entant qu'ils different du verbe substantif par l'union que les hommes ont faites de l'affirmation avec de certains attributs, on les peut définir en cette forte : Vox-fignificans affirmationem alicujus attributi cum defignatione perfona,numeri & temporis:Un mot qui marque l'affirmation de quelque attribut, avec défignation de la perfonne, du nombre & du temps.

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Et l'on peut remarquer en paffant, que l'affirmation en tant que conçue pouvant être auffi l'attribut du verbe, comme dans le verbe affirmo ce verbe fignifie deux affirmations, dont l'une regarde la perfonne qui parle ; & l'autre la perfonne de qui on parle, foit que ce foit de foi-même, foit que ce foit d'un autre. Car quand je dis Petrus affirmat, affirmat eft la même chofe que eft affirmans: & alors eft marque mon affirmation, ou le jugement que je fais touchant Pierre & affirmans, l'affirmation que je conçois; & que j'attribue à Pierre. Le verbe nego au-contraire contient une affimation & une négation par la même raison.

Car il faut encore remarquer que quoique tous nos jugemens ne foient pas affimatifs, mais qu'il y en aie de négatifs, les verbes néanmoins ne fignifient jamais d'eux-mêmes que les affirmations: les négations ne fe marquant que par des particules non, ne, ou par des noms qui l'enferment, nullus, neme, nul, perfonne, qui étant joints aux verbes, en changent l'affirmation en négation: Nul homme n'est immortel. Nullum corpus indig wifibile.

CHAPITRE III.

Ce que c'est qu'une propofition: & des quatre fortes de propofitions.

A

Près avoir conçu les chofes par nos idées; nous comparons ces idées enfemble, & trouvant que les unes conviennent entr'elles, & que les autres ne conviennent pas, nous les lions ou délions, ce qui s'appelle affirmer ou nier, & generalement juger.

Ce jugement s'appelle auffi propofition, & il est aifé de voir qu'elle doit avoir deux termes : l'un de qui l'on affirme, ou de qui l'on nie, lequel on appelle fujet ; & l'autre que l'on affirme, ou que l'on nie, lequel s'appelle attribut ou pra

catum.

Et il ne fuffit pas de concevoir ces deux termes, mais il faut que l'efprit les he & les fepa re. Et cette action de notre efprit eft marquée dans le difcours, par le verbe eft, ou feul quand nous affirmons, ou avec une particule négative quand nous nions. Ainfi quand je dis, Dies eft juste, Dieu eft le fujet de cette propofition, & jufte en eft l'attribut, & le mot est marque P'action de mon efprit qui affirme, c'est-à-dire, qu'il lie enfemble les deux idées de Dieu & de jufte, comme convenant l'une à l'autre. Que f je dis, Dieu n'eft pas injufte, eft étant joint avec les particules, ne pas, fignifie l'action contraire à celle d'affirmer, favoir celle de nier › par laquelle je regarde ces idées comme repugnantes Pune à l'autre, parcequ'il y a quelque chofe d'enfermé dans l'idée d'injufte, qui eft contraire ce qui eft enfermé dans l'idée de Dieu.

Mais quoique toute propofition enferme nëceffairement ces trois chofes, néanmoins, comme T'on a dit dans le chapitre precédent, elle peut deux mots, ou même qu'un.

n'avoir que

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Car les hommes voulant abreger leurs difcours ont fait une infinité de mots qui fignifient tous enfemble l'affirmation c'est-à-dire, ce qui eft fignifié par le verbe fubftantif, & de plus un certain attribut qui eft affirmé. Tels font tous les verbes, hors celui qu'on appelle fubftantif, comme Dieu existe : c'est-à-dire, eft exiftant, Dieu aime les hommes, c'est-à-dire Dieu eft aimant les hommes. Et le verbe fubftantif quand il eft feul, comme quand je dis, je pen'e, Donc je fuis, ceffe d'être purement fubftantif, parcequ'alors on y joint le plus general des attributs qui eft l'être. Carje fuis veut dire, je fuis un étre, je fuis quelque chofe.

Il y a auffi d'autres rencontres où le fujet & l'affirmation font renfermées dans un même mot, comme dans les premieres & fecondes perfonnes des verbes, fur-tout en Latin; comme quand je dis, fum Chriftianus. Car le fujet de cette propofition eft ego, qui eft renfermé dans fum.

D'où il paroît que dans cette même langue un feul mot fait une propofition dans les premieres & les fecondes perfonnes des verbes, qui leur nature enferment déja l'affirmation avec Pattribut, comme veni,vidi, vici sont trois propofitions.

par

On voit par-là que toute propofition est affir

mative on négative, & que c'est ce qui eft marqué par le verbe qui eft affirmé ou nie.

Mais il y a une autre difference dans les propofitions, laquelle naît de leur fujet, qui eft d'ê tre univerfelles ou particulieres, ou fingulieres,

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