xes, l'un dont le qui eft explicatif, l'autre dont il eft déterminatif.

Dans la premiere forte de termes complexes il ne faut pas s'étonner s'il peut y avoir de la fauffeté, parceque l'attribut de la propofition incidente eft affirmé du fujet auquel le qui fe rapporte. Alexandre qui eft fils de Philippe, j'affirme, quoiqu'incidemment, le fils de Philippe d'Alexandre, & par confequent il y a en cela de la fauffeté, fi cela n'eft pas.

Mais il faut remarquer deux ou trois chofes importantes. 1. Que la fauffeté de la propofition incidente n'empêche pas pour l'ordinaire la verité de la propofition principale. Par exemple, Alexandre qui a été fils de Philippe a vaincu les Perfes, cette propofition doit paffer pour vraie, quand Alexandre ne feroit pas fils de Philippe , parce que l'affirmation de la propofition principale ne tombe que fur Alexandre, & ce qu'on y a joint incidemment, quoique faux, n'empêche point qu'il ne foit vrai qu'Alexandre a vaincu les Perfes

Que fi neanmoins l'attribut de la propofition principale avoit rapport à la propofition incidente, comme fi je difois, Alexandre fils de PhiLippe étoit pet-fils d'Amintas; ce feroit alors feulement que la fauffeté de la propofition incidente rendroit fauffe la propofition principale.

2. Les titres qui fe donnent communément à certaines dignités, fe peuvent donner à tous ceux qui poffedent certe dignité, quoique ce qui eft fignifié par ce titre ne leur convienne en aucune forte. Ainfi parcequ'autrefois le titre de faint, & de très faint fe donnoit à tous les Evêques, on voit que les Evêques Catholiques dans la Conference de Cartage, ne faifoient point de difficulté de donner ce nom, aux Evêques Donatistes, fanc

tiffimus Petilianus dixit, quoiqu'ils füffent bien qu'il ne pouvoit pas y avoir de veritable fainteté dans un Evèque fchifmatique. Nous voyons auffi

que

faint Paul dans les Actes donne le titre de très-bon, ou très-excellent à Feftus Gouverneur de Judée, parceque c'étoit le titre qu'on donnoit d'ordinaire à ces Gouverneurs.

3. Il n'en eft pas de même quand une perfonne eft l'auteur d'un titre qu'il donne à un autre, & qu'il lui donne parlant de lui-même, non felon l'opinion des autres, ou selon l'erreur populaire; car on lui peut alors imputer avec raifon la fauffeté de ces propofitions. Ainfi quand un homme dit: Ariftote qui eft le prince des Philofophes, ou fimplement, le Prince des Philofophes a cru que l'origine des nerfs étoit dans le cœur, on n'auroit pas droit de lui dire que cela eft faux, parcequ'Ariftote n'eft pas le plus excellent des Philofophes; car il fuffit qu'il ait fuivi en cela l'opinion commune, quoique fauffe. Mais fi un homme difoit: M. Gaffendi, qui eft le plus babile des Philofophes, croit qu'il y a du vuide dans la nature, on auroit fujet de difputer à cette perfonne la qualité qu'il voudroit donner à M. Gaffendi, & de le rendre refponfable de la fauffeté qu'on pourroit prétendre fe trouver dans cette propofition incidente. L'on peut donc être accufé de fauffeté en donnant à la même perfonne un titre qui ne lui convient pas, & n'en être pas accufé en lui en donnant un autre qui lui convient encore moins dans la verité. Par exemple, le Pape Jean XII. n'étoit ni faint, ni chafte, ni pieux, comme Baronius le reconnoît, & cependant ceux qui l'appellent très-faint ne pouvoient être repris de menfonge, & ceux qui T'euffent appellé três-chafte, ou très-pieux, euffent é de fort-grands menteurs, quoiqu'ils ne l'euffent

fait que par des propofitions incidentes, comme 'ils euffent dit, Jean XII. très-chafte Pontife a ordonné telle chofe.

Voilà pour ce qui eft des premieres fortes de propofitions incidentes, dont le qui eft explicatif: : quant aux autres dont le qui eft déterminatif comme, Les hommes, qui font pieux, les Rois qui aiment leurs peuples, il eft certain que pour l'ordinaire elles ne font pas fufceptibles de fausseté parceque l'attribut de la propofition incidente n'y eft pas affirmé du fujet, auquel le qui fe rapporte. Car fi on dit, par exemple, Que les Juges qui ne font jamais rien par prieres par faveur, font dignes de louanges, on ne dit pas pour cela qu'il y ait aucun Juge fur la terre qui foit dans cette perfection. Neanmoins je croi qu'il y a toûjours dans ces propofitions une affirmation tacite & virtuelle, non de la convenance actuelle de l'attribut au fujet auquel le qui fe rapporte; mais de la convenance poffible. Et fi on fe trompe en cela, je croi qu'on a raifon de trouver qu'il y auroit de la fauffété dans ces propofitions incidentes; comme fi on difoit: Les efprits qui font quarrés, font plus falides que ceux qui font ronds, l'idée de quarré & de rond, étant incompatible avec l'idée d'efprit pris pour le principe de la penfée, j'ef time que ces propofitions incidentes devroient pas◄ fer pour fauffes.

Et l'on peut même dire que c'eft de la que naiffent la plupart de nos erreurs. Car ayant l'idéa d'une chofe, nous y joignons fouvent une autre idée incompatible, quoique par erreur nous l'ayons crûe compatible, ce qui fait que nous attribuons à cette même idée ce qui ne lui peut

convenir.

Ainfi trouvant en nous-mêmes deux idées, celle de la fubftance qui penfe, & celle de la sub

ance étendue, il arrive fouvent que lorfque nous confiderons notre ame qui eft la fubftance qui penfe, nous y mêlons infenfiblement quelque chofe de l'idée de la fubftance étendue comme quand nous nous imaginons qu'il faut que notre ame rempliffe un lieu ainfi que le remplit un corps; & qu'elle ne feroit point, fi. elle n'étoit nulle part, qui font des chofes qui ne conviennent qu'au corps. Et c'eft de là qu'est née l'erreur impie de ceux qui croyent l'ame mortelle. On peut voir un excellent difcours de faint Auguftin fur ce fujet, dans le livre 10. de la Trinité, où il montre qu'il n'y a rien de plus facile à connoître que la nature de notreame; mais que ce qui brouille les hommes, eft que la voulant connoître, ils ne fe contentent pas de ce qu'ils en connoiffent fans peine, qui eft que c'eft une substance, qui penfe, qui veut, qui doute, qui fait; mais ils joignent à ce qu'elle efti ce qu'elle n'eft pas, fe la voulant imaginer fous: quelques-uns de ces fantômes fous lefquels ils. ont accoûtumé de concevoir les chofes corpo

relles.

Quand d'autre part nous confiderons les corps, nous avons bien de la peine à nous empêcher d'y mêler quelque chofe de l'idée de la fubftance qui penfe; ce qui nous fait dire des corps,. pefans, qu'ils veulent aller au centre, des plantes,. qu'elles cherchent les alimens qui leur font propres; des crifes d'une maladie, que c'eft la nature qui s'eft voulu décharger de ce qui lui nuifoit ; & de mille autres chofes, fur-tout dans nos corps que la nature veut faire ceci, ou cela, quoique nous foyons bien affûrés que nous ne Pavons point voulu, n'y ayant penfé en aucune forte, & qu'il foit ridicule de s'imaginer qu'il y ait en nous quelque autre chofe que nous mêmes qui connoifle

F. y.

ce qui nous eft propre ou nuifible, qui cherche l'un & qui fuye l'autre.

Je croi que c'eft encore à ce mélange d'idées in-compatibles qu'on doit attribuer tous les murmures que les hommes font contre Dieu. Car il feroitimpoffible de murmurer contre Dieu, fi on le con-cevoit veritablement felon ce qu'il eft tout-puiffant, tout fage & tout bon. Mais les méchans le concevant comme tout-puiffant & comme le maître fouverain de tout le monde, lui attribuent tous les malheurs qui leur arrivent, en quoi ils ont raifon ; & parce qu'en même temps ils le conçoivent cruel & injufte, ce qui eft incompatible avec fa bonté, ils s'emportent contre lui, comme s'ils avoit eu tort de leur envoyer les maux qu'ils souf

frent.

CHAPITRE VIL

Des propofitions complexes felon l'affirmation ou la negations, & d'une espece de ces fortes de propefitions que les Philofophes appellent modales.

Utre les propofitions dont le fujet ou l'atvibut en un perine complexe, il y en a d'autres qui font complexes, parce qu'il y a des termes ou des propofitions incidentes qui ne regardent que la forme de la propofition, c'est-à-dire, l'affirmation ou la negation qui eft exprimée par le verbe, comme fi je dis: Je foutiens que la terre eft ronde ; je foutiens n'eft qu'une propofition incidente, qui doit faire partie de quel que chofe dans la propofition principale; & cependant il eft vifible qu'elle ne fait partie ni du fujet, ni de l'attribut: car cela n'y change riem du-tout, & iis feroient conçus entierement. da