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CHAPITRE X I.

Application de ce principe general à plusieurs fllogismes qui paroissent embarrasses.

Achant donc par ce que nous avons dit dans la feconde partiece, que c'est que l'étendue & la comprehenfion des termes, par où l'on peut juger quand une propofition en contient ou n'en contient pas une autre; on peut juger de la bonté on du défaut de tout fyllogifine, fans confiderer s'il eft fimple ou compofé, complexe ou incomplêxe, & fans prendre garde aux figures ni aux modes, par ce feul principe general: Que l'une des deux propofitions doit contenir la conclufion, & l'autre faire voir qu'elle la contient. C'est ce qui fe comprendra mieux par des exemples.

I. EXEMPLE.

Je doute fi ce raisonnement eft bon.

Le devoir d'un Chrétien eft de ne point lower ceux qui commettent des actions criminelles. Or ceux qui fe battent en duel commettent une

action criminelle.

Donc le devoir d'un Chrétien eft de ne point louer ceux qui fe battent en duel.

Je n'ai que faire de me mettre en peine pour favoir à quelle figure ou à quel mode on le peut réduire. Mais il me fuffit de confiderer fi la conclufion eft contenue dans l'une des deux premieres propofitions, & fi l'autre le fait voir. Et je trouve d'abord que la premiere n'ayant rien de different de la conclufion, finon qu'il y a en l'une ceux qui commettent des actions criminelles, & en l'autre ceux qui fe battent en duel; celle où ya commettre des actions criminelles, contien

il

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pourvû

ara celle où il y a fe batire en duel, que commettre des actions criminelles contienne fe battre en duel.

Or il eft vifible par le fens, que le terme de, ceux qui commettent des actions criminelles, eft pris univerfellement, & que cela s'entend de tous ceux qui en commettent quelles qu'elles foient. Et ainfi la mineure, ceux qui fe battent en duel commettent une ation crimine le, faifant voir que se battre en duel eft contenu fous ce terme de, commettre des actions criminelles ; elle fait voir auffi que la première propofition contient la conclufion.

2. EXEMPLE.

Je doute fi ce raisonnement eft bon. L'Evangile prome: le jalut aux (hrétiens : Il y a des méchans qui font (hrétiens. Donc l'Evangile promer le falta des méchans. Pour en juger, je n'ai qu'à regarder que la majeure ne peut contenir la conclufion, fi le mot de Chrétien n'y eft pris generalement pour tous, les brét ens, & non pour quelques Chrétiens feulement. Car fi l'Evangile ne promet le falut qu'à quelques Chrêtiens, il ne s'enfuit pas qu'il le pro mette à des méchans qui feroient Chrétiens, parce que ces méchans peuvent n'être pas du nombre de ces Chrétiens aufquels l'Evangile promet le falut. C'eft pourquoi ce raifonnement conclut bien; mais la majeure eft fauffe,fi le mot de Chotien le prend dans la majeure pour tous les Chrétiens; & il conclut mal, s'il ne fe prend que pour quelques Chrétiens. Car alors la premiere propofition ne. contiendroit point la conclufion.

Mais pour favoir s'il fe doit prendre univerfellement, cela fe doit juger par une autre regle que nous avons donnée dans la 2. partie, quicit, que bors les faits, ce dont on affirme eft pris univer

fellement, quand il eft exprimé indéfiniment. Or quoique ceux qui commettent des actions crimiminelles dans le 1. exemple, Chrétiens dans le 2. foient partie d'un attribut ils tiennent Lieu néanmoins de fujet au regard de l'autre partie du même attribut. Car-ils font ce dont on affirme, qu'on ne les doit pas loner, ou qu'on leur promet le falut. Et par confequent, n'étant point reftreints, ils doivent être pris univerfellement. Et ainfi l'un & l'autre argument eft bon dans la forme; mais la majeure du fecond est faufse, si ce n'eft qu'on entendît par le mot de Chrétiens, ceux qui vivent conformément à l'Evangile, auquel cas la mineure feroit fauffe, parcequ'il n'y a point de méchans qui vivent conformément à l'Evangile.

3. EXEMPLE.

Il eft aifé de voir par le même principe que ce raifonnement ne vaut rien :

La li divine commande d'obéir aux Magiftrats feculiers:

Les Evêques ne font point des Magiftra feculiers;

Donc la loi divine ne commande point d'obéir aux Evêques.

Car nul des premieres propofitions ne contient la conclufion, puifqu'il ne s'enfuit pas que la loi divine commandant une chofe n'en commande pas une autre: Et ainfi la mineure fait bien voir que les Evêques ne font pas compris fous le mot de Magiftrats feculiers, & que le com mandement d'honorer les Magiftrats feculiers ne comprend pas les Evêques. Mais la majeure ne dit pas que Dieu n'ait fait d'autres commandemens que celui-là, comme il faudroit qu'elle fit pour enfermer la conclufion en vertu dê cette mineure. Ce qui fait que cet autre argument eft

bon.

pas

4. EXEMPLE.

Le Chriftianime n'oblige les ferviteurs de fervir leurs maîtres que dans les chofes qui ne font point contre la loi de Dieu.

Or un mauvais commerce eft contre la loi de Dieu.

Donc le Chriftianifme n'o'lge point les fer viteurs de fervir leurs maîtres dans un mauvais

commerce.

Car la majeure contient la conclufion, puifque la mineure, mauvais commerce, eft contenue dans le nombre des chofes qui font contre la loi de Dieu, & que la majeure étant exclufive, vaut autant que fi on difoit: La loi divine n'oblige poins les ferviteurs de fervir leurs maîtres dans toutes les chofes qui font contre la loi de Dieu.

5. EXEMPLE.

On peut réfoudre facilement ce fophifme com mun par ce feul principe.

Celui qui dit que vous êtes animal, dit vrai. Celui qu dit que vous êtes un oifon, dit que vous êtes un animal:

Donc celui qui dit vous que êtes un oifon, dit

vrai.

Car il fuffit de dire que nul de ces deux prémieres propofitions ne contient la conclufion puifque fi la majeure la contenoit, n'étant diffe rente de la conclufion qu'en ce qu'il y a animal, dans la majeure, & oifon dans la conclufion, il faudroit qu'animal contînt oifon. Mais animal eft pris particulierement dans cette majeure, puifqu'il eft attribut de cette propofition incidente affirmative, vous êtes un animal; & par confequent il ne pourroit contenir oifon que dans la compréhenfion: Ce qui obligeroit pour le faire voir, de prendre le mot d'animal univer fellement dans la mineure, en affirmant oifon de

fout animal: Ce qu'on ne peut faire, & c qu'on ne fait pas auffi, puifqu'animal est encore pris particulierement dans la mineure, étang encore auffi-bien que dans la majeure, l'attribut de cette propofition affirmative incidente, vous êtes animal.

6. EXEMPLE.

On peut encore réfoudre par là cet ancien so phifme, qui eft rapporté par faint Augustin. Vous n'êtes pas ce que je fuis:

Je fuis homme;

Donc vous n'êtes pas homme.

Cet argument ne vaut rien par les regles des figures, parcequ'il eft de la premiere, & que la premiere propofition, qui eft la mineure, eft négative. Mais il fuffit de dire que la conclufion n'eft point contenue dans la premiere de ces propofitions, & que l'autre propofition, je fuis homme, ne fait point voir qu'elle y foit contenue. Car la conclufion étant négative, le terme d'homme y eft pris univerfellement, & ainfi n'est point contenu dans le terme ce que je jurs, parceque celui qui parle ainfi n'eft pas tour homme, mais feulement quelque homme, comme il paroît en ce qu'il dit feulement dans la propofition applicative, je suis homme, où le terme d'homme eft reftreint à une fignification particuliere, parcequ'il eft attribut d'une propofition affirmative: Or le general n'eft pas contenu dans le particulier.

L

CHAPITRE XII.

Des Syllogifmes conjonctifs.

Es fyllogifmes conjonctifs ne font pas tous ceux dout les propofitions font conjonctives

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