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proceder que de l'une de ces quatre caules. Des pechés précedens commis en une autre vie: 2. De l'impuiffance de Dieu qui n'avoit pas le pouvoir de les em garantir. 3. De l'injuftice de Dieu qui les y afferviroit fans fujet. 4. Du peché originel. Or il eft impie de dire qu'elle vienne des trois premieres caufes: Elle ne peut donc venir que de la quatrième qui eft le peché originel.

La mineure, que les enfans font miferables.. fe prouveroit par le dénombrement de leurs mi-

feres.

Mais il eft aifé de voir combien faint Auguftin a propofé cette preuve du peché originel avec plus de grace & de force, en la renfermant dans un argument compofé en cette forte.

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Confiderez la multitude & la grandeur des » maux qui accablent les enfans, & combien les - premieres années de leur vie font remplies de vanité, de fouffrances, d'illufions, de frayeurs Enfuite lorfqu'ils font devenus grands, & qu'ils commencent même à servir Dieu, l'erreur les tente pour les feduire, le travail & la douleur les tente pour les af» foiblir, la concupifcence les tente pour les » enflammer, la trifteffe les tente pour les abattre, l'orgueil les tente pour les élever : & qui pourroit reprefenter en peu de paroles tant de diverfes peines qui appefantiffent le joug des enfans d'Adam? L'évidence de ces» miferes a forcé les Philofophes payens, qui ne favoient & ne croyoient rien du peche de notre premier pere, de dire que nous n'é ions nés que pour fouffrir les châtimens: que nous avions merité par quelques crimes. commis en une autre vie que celle-ci, & qu'ainfi nos ames avoient été attachées à des

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torps corruptibles, par le même genre de fupplice, que des tyrans de Tofcane faifoient fouffrir à ceux qu'ils attachoient tout vivans avec des corps morts. Mais cette opinion, › que les ames font jointes à des corps, « en punition des fautes précedentes d'une autre « vie, eft rejettée par l'Apôtre. Que refte-t-il donc, finon que la caufe de ces maux effroyables foit, ou l'injuftice, ou l'impuiffance de Dieu, ou la peine du premier peché de l'homme Mais parceque Dieu n'eft ni injufte « ni impuiffant, il ne refte plus que ce que vous e ne voulez pas reconnoître, mais qu'il faut e pourtant que vous reconnoiffiez malgré vous, a que ce joug fi pefant que les enfans d'Adam «. font obligés de porter depuis que leurs corps a font fortis du fein de leur mère, jufques au jour qu' Is rentrent dans le fein de leur mere « commune, qui eft la terre, n'auroit point été, « s'ils ne l'avoient merité par le crime qu'ils tirent de origine.

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On peut définir un dilemme un raisonne

ment compofé, où après avoir divifé un tout en les parties, on conclut affirmativement ou negativement de tout ce qu'on a conclu de chaque partie.

Je dis ce qu'on a conclu de chaque partie, & non pas feulement ce qu'on en auroit affirmé. Car on n'appelle proprement dilemme, que quand ce que l'on dit de chaque partie eft appuyé de fa raifon particuliere.

Par exemple, ayant à prouver qu'on ne fau? Toit être heureux en ce monde, on le peut faire par ce dilemme.

On ne peut vivre en ce monde qu'en s'abandonnant à fès paffions, ou en les combattant:

Si on y abandonne, c'est un état malheureux, parcequ'il eft honteux, & qu'on n'y fauroit êne

content;

Si on les combat, c'est aussi un état malheureux: parcequ'il n'y a rien de plus penible que cette guerre interieure qu'on eft continuellement obligé de fe faire à foi-même.

Il ne peut donc y avoir en cette vie de veritable bonheur.

Si l'on veut prouver que les Evêques qui ñe trávaillent point au salut des ames qui leur font commifes font inexcufables devant Dieu, on le peu faite par un dilemme,

Ou ils font capa les de cette charge, où ils en font incapables:

S'ils en font capables, ils font inexcusables de ne s'y pas employer:

S'ils en font incapables; ils font inexcusables d'avoir accepté une charge fi importante dont ils ne pouvoient pas s'acquitter.

Et par confequent, en quelque maniere que се foit, ils font inexcusables devant Dieu s'ils ne travaillent au falut des ames qui leur font commi fes.

Mais on peut faire quelque obfervation fur ces fortes de raifonnemens.

La 1. eft, que l'on n'exprime pas toujours routes les propofitions qui y entrent. Car, par exemple, le dilemme que nous venons de propofer, eft renfermé en ce peu de paroles dans

e harangue de faint Charles, à l'entrée de l'un de fes Conciles Provinciaux: Si tanto muneri

Empares, cur tam ambitiofs, fi pares, cur tam negligentes?

Ainfi il y a beaucoup de chofes fous-entendues, dans le dilemme celebre, par lequel un ancien Philofophe prouvoit qu'on ne fe devoit point mêler des affaires de la Republique.

Si on y agit bien, on offenfera les hommes: Si on y agit mal, on offenfera les dieux: done on ne s'en doit point mêler.

Et de même en celui par lequel un autre prouvoit qu'il ne fe falloit point marier: Si la femme qu'on épouse eft belle, elle caufe de la jalousie; Felle eft laide, elle déplaît: donc it ne fe faut point marier.

la

Car dans l'un & l'autre de ces dilemmes, propofition qui devoit contenir la partition eft fous-entendue: & c'eft ce qui eft fort ordinaire, parcequ'elle fe fous-entend facilement, étant affez marquée par les propofitions particulieres où l'ot traite chaque partie.

Et de plus, afin que la conclufion foit renfermée dans les prémiffes, il faut fous-entendre partout quelque chofe de general qui puiffe convenir tout, comme dans le premier :

Si on agit bien, on offenfera les hommes, de qui' eft fâcheux:

Si on agit mal, on offenfera les dieux, ce qui eft ficheux auffi:

Donc il eft fâcheux en toutes manières de fe mêter des affaires de la Republique.

Cet avis eft fort important pour bien juger de la force d'un dilemme. Ce qui fait, par exemple que celui-là n'eft pas concluant, eft qu'il n'eft point fâcheux d'offenfer les hommes, quand on ne le peut éviter qu'en offenfant Dieu.

La 2. obfervation eft, qu'un dilemme peut être wicieux principalement par deux défauts. L'un eft,

quand la disjonctive fur laquelle il eft fondé, eft defectueuse, ne comprenant pas tous les membres du tout que l'on divife.

Ainfi le dilemme pour ne fe point marier ne conclut pas, parcequ'il peut y avoir des femmes qui ne feront pas fi belles qu'elles caufent de la jaloufie, ni fi laides qu'elles déplaifent.

C'eft auffi par cette raifon un très-faux dilemme que celui dont fe fervoient les anciens Philo fophes, , pour ne point craindre la mort. Ou notre ame, difoient-ils, perit avec le corps, & ainfi n'ayant les de fentiment, nous ferons incapar bles de mal: ou fi l'ame furvit au corps, elle fera plus heureuse qu'elle n'étoit dans le corps; donc la mort n'est point à craindre. Car comme Montagne a fort bien remarqué, c'étoit un grand aveuglement, de ne pas voir qu'on peut concevoir un troifiée état entre ces deux-là, qui cft que l'ame demeurant après le corps, fe trouvât dans un état de tourmens & de mifere, ce qui donne un jufte fujet d'apprehender la mort, de peur de tomber en cet état.

L'autre défaut qui empêche que les dilemmes ne concluent, eft quand ces conclufions particu lieres de chaque partie ne font pas neceffaires. Ainfi il n'eft pas neceffaire qu'une belle femme caufe de la jaloufie, puifqu'elle peut être fi fage & fi vertueufe, qu'on n'aura aucun fujet de fe défier de fa fidelité.

Il n'eft point neceffaire auffi qu'étant laide elle déplaife à fon mari; puifqu'elle peut avoir d'autres qualités fi avantageufes d'efprit & de vertu, qu'elle ne laiffera pas de lui plaire.

La 3: obfervation eft, que celui qui fe fert d'un dilemme doit prendre garde qu'on ne le puiffe retourner contre lui-même. Ainfi Ariftote témoigne qu'on retourna contre le Philofophe qui ne

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