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éclairé & très-fincere, n'ayent pas confideré que la maniere dont ils parlent de l'invocation des Saints & de la veneration des Reliques, comme d'un culte fuperftitieux & qui tient de l'idolatrie, va à la ruine de toute la Religion. Car il eft visible que c'eft lui ôter un de fes plus folides fondemens, que d'ôter aux vrais miracles l'autorité qu'ils doivent avoir pour la confirmation de la verité. Et il eft elair que c'eft détruire entierement cette autorité dés miracles, que de dire que Dieu en faffe pour recompenfer un culte fuperftitieux & idolâtre. Or c'eft propremeut ce que les heretiques font en traitant d'une part le culte que les Catholiques rendent aux Saints & à leurs Reliques, d'une superstition criminelle : & ne pouvant nier de l'autre, que les plus grands amis de Dieu, tel qu'a été faint Auguftin, par leur propre confeffion, ne nous ayent affűrés que Dieu a guéri des maux incurables, ilhuminé des aveugles, & reffufcité des morts, pour recompenfer la devotion de ceux qui invoquoient les Saints, & reveroient leurs Reliques.

En verité cette feule confideration devroit faire Reconnoître à tout homme de bon fens la fauffeté de la Religion prétendue reformée.

Je me fuis un peu étendu fur cet exemple celebre du jugement qu'on doit faire de la verité des faits, pour fervir de regle dans les rencontres semblables, parcequ'on s'y égare de la même forte. ChaCun croit que c'eft affez pour les décider de faire un lieu commun, qui n'eft fouvent compofé que de maximes, lefquelles non feulement ne font pas univerfellement vraies, mais qui ne font pas même probables, lorfqu'elles font jointes avec les circontances particulieres des faits que l'on examine. It faut joindre les circonftances, & non les feparer: parcequ'il arrive fouvent qu'un fait quieft peu probable felon une feule circonftance, qui eft ordi

nairement une marque de fauffeté, doit être eftimé certain felon d'autres circonftances; & qu'aucontraire un fait qui nous paroîtroit vrai felon une certaine circonftance qui eft d'ordinaire jointe avec la verité, doit être jugé faux felon d'autres qui affoibliffent celle-là, comme on l'expliquera dans le chapitre suivant.

CHAPITRE XV.

Autre remarque fur le sujet de la creance des évenemens.

L y a encore une autre remarque très-impor

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C'eft qu'entre les circonftances qu'on doit confilerer pour juger fi on les doit croire, ou fi on ne les doit pas croire, il y en a qu'on peut appeller des circonftances communes, parcequ'el les fe rencontrent en beaucoup de faits, & qu'elles fe trouvent incomparablement plus fouvent jointes à la verité qu'à la fauffeté, & alors, fr elles ne font point contrebalancées par d'autres circonftances particulieres qui affoibliffent ou qui ruinent dans notre efprit les motifs de créance qu'il tiroit de ces circonstances communes, nous avons raifon de croire ces évenemens, finon certainement, au-moins très-probablement ce qui nous fuffit quand nous fommes obligés d'en juger; car comme nous nous devons contenter d'une certitude morale dans les chofes qui ne font pas fufceptibles d'une certitude métaphyfique, lors auffi que nous ne pouvons pas avoir une entiere certitude morale, le mieux que nous puiffions faire quand nous fommes engagés & prendre parti, eft d'embraffer le plus probable paifque ce feroit un renverfement de la raifon d'embraffer le moins probable.

Que fi au-contraire ces circonftances communes qui nous auroient porté à croire une chose, se trouvent jointes à d'autres circonftances particuliers qui ruinent dans notre efprit, comme nous venons de dire, les motifs de creance qu'il tiroit de ces circonftances communes; ou qui même foient telles qu'il foit fort rare que de femblables circonftances ne foient pas accompagnées de fauffeté, nous n'avons plus alors la même raison de croire cet évenement: Mais ou notre esprit demeure en fufpens, fi les circonftances particulieres ne font qu'affoiblir le poids des circonftances communes; ou il fe porte à croire que le fait eft faux, fi elles font telles qu'elles foient ordinairement des marques de fauffeté. Voici un exemple qui peut éclaircir cette remarque.

C'est une circonftance commune à beaucoup d'actes, d'être fignés par deux Notaires, c'est-àdire, par deux perfonnes publiques, qui ont d'ordinaire grand interêt de ne point commettre de fauffeté; parcequ'il y va non feulement de leur confcience & de leur honneur, mais auffi de leur bien & de leur vie. Cette feule confideration fuffic fi nous ne favons point d'autres particularités d'un contrat , pour croire qu'il n'eft point antidatté; non qu'il n'y en puiffe avoir d'antidattés, mais parcequ'il eft certain que de mille contrats il y en a 999. qui ne le font point: De forte qu'il eft incomparablement plus probable que ce contrat que je voi eft l'un des 999. que non pas qu'il foit cet unique qui entre mille fe peut trouver antidatté. Que fi la probité des Notaires qui l'ont figné m'eft parfaitement connue, je tiendrai alors pour très-certains qu'ils n'y auront point commis de fauffeté.

Mais fi à cette circonftance commune d'être fi gné par deux Notaires, qui m'eft une raifon fuffi

fante, quand elle n'eft point combattue par d'autres, d'ajoûter foi à la datte d'un contrat, on y joint d'autres circonftances particulieres, comme que ces Notaires foient diffamés pour être fans honneur & fans confcience, & qu'ils ayent pu avoir un grand interêt à cette falfification, cela ne me fera pas encore conclure que ce contrat eft antidatté, mais diminuera le poids qu'auroit eu fans cela dans mon efprit la fignature de deux Notaires pour me faire croire qu'il ne le feroit pas. Que fi de plus je puis decouvrir d'autres preuves pofitives de cette antidatte, ou par témoins, ou par des argumens très-forts, comme feroit l'impuiffance où un homme auroit été de prêter vingt mil écus en un temps où l'on montreroit qu'il n'auroit pas eu cent écus vaillant, je me déterminerai alors à croire qu'il y a de la fauffeté dans ce contrat ; & ce feroit une prétention très déraisonnable de vouloir m'obliger ou à ne pas croire ce contrat antidatté, ou à reconnoître que j'avois tort de fuppofer que les autres où je ne voyois pas les mêmes marques de fauffeté ne l'étoient pas, puifqu'ils le pouvoient être comme celui-là.

On peut appliquer tout ceci à des matieres qui caufent fouvent des difputes parmi les ductes. Ôn demande fi un livre eft veritablement d'un Auteur dont il a toûjours porté le nom: ou fi les actes d'un Concile font vrais ou fuppofés.

Il eft certain que le prejugé eft pour l'Auteur qui eft depuis long-temps en poffeffion d'un ouvrage, & pour la verité des actes d'un Concile que nous lifons tous les jours ; & qu'il faut des raifons confiderables pour nous faire croire le contraire nonobftant ce préjugé.

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C'eft pourquoi un fort habile-homme de ce remps ayant voulu montrer que la lettre de faint Cyprien au Pape Etienne fur le fujet de Martien

Evêque d'Arles, n'eft pas de ce faint Martyr, il n'en a pû perfuader les favans, fes conjectures: ne leur ayant pas paru affez fortes pour ôter à faint Cyprien une piece qui a toûjours porté fon & qui a une parfaite reffemblance de ftile avec les autres ouvrages.

nom,

C'eft en vain auffi que Blondel & Saumaise ne pouvant répondre à l'argument qu'on tire des lettres de S. Ignace pour la fuperiorité de l'Eveque au-deffus ces Prêtres dès le commencement de l'Eglife, ont voulu prétendre que toutes ces lettres étoient fuppofées, felon même qu'elles ont été imprimées par Ifaac Voffius & Ufferius fur l'ancien manufcrit Grec de la Bibliothèque de Florence; & ils ont été refutés par ceux mêmes de leur parti, parcequ'avouant, comme ils font, que nous avons les mêmes lettres qui ont été citées par Efebe, par S. Jerôme, par Theodoret, & même par Origene, il n'y a aucune apparence que les lettres de S. ignace, ayant été recueilles par faint Polycarpe, ces veritables lettres foient disparues, & qu'on en ait fuppofé d'autres dans le temps qui s'eft paffé entre S. Polycarpe & Origene, ou Eusebe; outreque ces lettres de S. Ignace que nous avons maintenant, ont un certain caractere de fainteté & de fimplicité fi propre à ces temps apoftoliques, qu'elles fe deffendent toutes feules contre ces vaines accufations de fuppofition & de fauffeté.

Enfin toutes les difficultés que M. le Cardinal du Perron a propofées contre la Lettre du Con-cile d'Afrique au Pape S. Celeftin, touchant les appellations au S. Siege, n'ont point empêchéqu'on n'ait cru depuis, comme auparavant, qu'ellea été veritablement écrite par ce Concile.

Mais il y a néanmoins d'autres rencontres où les raifons particulieres l'emportent fur cette raifon generale d'une longue poffeffion..

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