Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pris de le trouver Original, dans une matiere où il femble que toute l'habileté consiste à fçavoir ce qui a déja été dit. Mais,dira-t-on, ce n'eft ici qu'un amas de conjectures d'un Geometre qui veut affujettir à de nouveaux calculs, des faits dont l'Epoque est déja fixée par des monumens anciens. La lecture de l'Ouvrage diffipera le prejugé; on verra que M. Nevyton loin d'avoir abufé de fes connoiffances Géometriques, les a judicieusement menagées. Il ne s'eft ouvert un nouveau chemin, qu'après de profondes reflexions fur des faits atteftés par l'Hiftoire ; Frappé de la diverfité & de la contradiction des opinions Chronologiques, du décri où se trouve l'ancienne hiftoire d'Egypte & de la Greçe, il a effaïé de trouver dans le mouvement des Constellations, une fuite de conjectures plus vrai-femblables. On comprend afsès que je parle ici de la celebre Epoque des Argonautes; M. Nevvton la place dans la quarante-troifiéme, ou quarante-quatriéme année après la mort de Salomon, & soutient que les Grecs l'ont faite de trois cens ans plus ancienne qu'elle ne l'eft veritablement. L'entreprise eft hardie, cependant elle ne merite d'être blamée qu'autant qu'on prou

vera , que l'antiquité ne fournit point de preuves fuffifantes pour admettre un retranchement fi confidérable. M. Nevvton a recherché avec soin toutes les preuves qu'elle peut fournir pour établir cette Hypothese ; c'eft aux Sçavans à prononcer si elles font decifives. Il faut avouer que la fixation de cette Epoque eft d'autant plus difficile en fuivant cette route, que M. Nevvton & fes Adverfaires ne donnent pas le même degré d'autorité à quelques Auteurs anciens qui peuvent éclaircir ce point. Pour ne parler ici que de Columelle le Pere Souciet qui fe fert neanmoins de fon témoignage, le travestit en Laboureur & en Jardinier, & l'accuse d'avoir mal lû un texte Grec lorfqu'il paroît favorifer M. Nevvton; d'ailleurs fi un ancien Aftronome incommode, on se donne la liberté de recufer fon autorité,fous le pretexte qu'il manquoit d'inftrumens neceffaires pour faire des Obfervations éxactes. Il s'enfuivroit de là que l'ancienne Aftronomie eft une foible reffource pour fixer les Epoques. Le Chronologifte Anglois procede d'une maniere plus fimple; il faifit tous les anciens paffages qui fervent à appuier fes conjectures, lans exercer fon efprit à des doutes arbitraires

Ainfi pour debrouiller cette matiere il fau-droit convenir de l'autoritée que meritent les anciens Auteurs qui en ont traité.

Il feroit encore plus neceffaire de faire cette diftinction, par rapport aux Hiftoriens qui ont écrit fur les antiquités d'une même Nation, fur-tout lorfque les faits font totalement differens; mais il eft bien difficile de pouvoir concilier les efprits; chaque Chronologifte femble avoir fon Auteur favori. S'il s'agit de regler la Chronologie des Rois d'Affyrie, l'un fe declare pour Ctefias, l'autre pour Herodote, & ce qu'il y a de vrai, est que ces deux Hiftoriens ont tous les deux, des Partisans illuftres. Enforte que cette diverfité de fentimens tend à former un Pyrrhonifme Chronologique, qui paroît d'autant plus raifonnable qu'on voit tous les jours des Chronologiftes de differens fentimens, les appuïer du témoignage des mêmes Ecrivains anciens; on diroit qu'il en eft de ces anciens comme de certaines perfpectives qui montrent le blanc & le noir, felon le point de vûe qu'on leur donne. Il n'y a d'ailleurs aucune certitude fur les Auteurs qu'on peut regarder comme les fürs dépofitaires des Epoques; fur des chofes qui font clairement exprimées.

Un

Un habile Chronologifte foutiendra que le texte d'un Poëte fert quelquefois à fixer une date; cependant s'il arrive qu'on cite à un autre, l'autorité de Plutarque qui certainement ne peut être soupçonné des mêmes fictions, qu'un Poëte, il élude ce témoignage, en difant que fon gout pour la Morale ne lui permet pas d'être toûjours fidéle à l'ordre des tems: mais quand on considere que Plutarque qui avoit tant voïagé pour s'inftruire avoit confulté les Annales & les* M. DryMonumens de toutes les villes par où il avoit Plutarque. paffé, on fent quelque repugnance à fouscrire à de pareils jugemens; ainfi comme l'on peut toûjours trouver des raifons fpecieuses, pour rejetter le texte le plus précis d'un Ecrivain quelconque, on autorife par cette methode, la liberté de bâtir tel Systême qu'on voudra.

[ocr errors]

Qu'on me pardonne ce petit écart où m'ont entraîné les reflexions que j'ai faites, à mesure que je lifois les écrits qui ont paru pour ou contre l'Abregé Chronologique.

[ocr errors]

Un autre point du Syfteme de Monfieur Nevvton, eft l'évaluation des Generations il les fixe à trente ans & plus, & quelquefois

* On donnera bientôt au Public la Traduction de cette vie, qui eft pleine de traits curieux.

C

den, vie de

à vingt-quatre, il prétend que quelques Anciens les ont portées jufqu'à trente-trois ans, & ont donné aux fucceffions des Rois, la même durée. Pour juftifier l'erreur de cette estimation, M. Nevvton parcourt la plûpart des anciens Roïaumes, & il trouve que dans tel Roïaume on a fait regner chaque Roi l'un portant l'autre quarante-cinq ans, ce qui lui paroît abfolument contraire à l'ordre de la nature. Il eft bien difficile de reconnoître avec M. Nevvton qu'on a égalé les Succeffions des Rois aux Generations, parce que comme l'observe le Pere Souciet, fi le fait étoit fûr, la durée de chaque regne feroit la même. Tout ce que j'ai pû decouvrir, eft que M. Nevvton fans s'arrêter à la durée de chaque regne en particulier d'une Monarchie, recueille la fomme totale de tous les regnes; fuivant cette methode on trouve que cette partie de fon Systême eft exactement vraie ; c'est ainsi,dit-il, qu'on fait regner les fept Rois de Rome qui précederent les Confuls, deux cens quarantequatre ans ce qui revient à trente-cinq ans pour chacun. Il foutient que fuivant l'ordre de la nature, il a beaucoup à diminuer de cette fomme. Je laiffe à décider, s'il eft permis à un Chronologifte d'envifager ainfi la durée tota

,

> y

« AnteriorContinuar »