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La premiere & la feconde année, le champ étoit tellement rempli d'herbes, qu'on ne voyoit paroître aucun Pin, & nous craignions que la femence ne fût perdue; mais la troisieme année, les Pins fe font montrés, & le champ s'en est trouvé fuffifamment garni.

Aux environs de Bordeaux les Pins levent ordinairement dès la premiere année ; mais des Cultivateurs qui ont fait quantité de femis de Pins, m'ont affuré que le plant ne paroiffoit quelquefois que la troifieme. Cette femence, qui vient fi aifément lorfqu'elle eft, pour ainsi dire, abandonnée à elle-même, exige cependant de grands foins quand on fe propofe d'élever des efpeces rares dont on n'a qu'une petite quantité de femences.

Les Pignons levent affez promptement quand on les feme dans des terrines fur couche; mais le moindre coup de foleil, ou quelque coup de vent qui agite trop les jeunes plantes, fait tout périr. Seroit-ce que, pendant que les femences reftent en tere fans paroître, ou que les tiges font fi petites qu'on les confond avec l'herbe, il fe forme des racines qui contribuent enfuite à donner de la vigueur aux plantes; au lieu que celles qui fortent trop promptement de terre font privées de ce fecours? Seroit-ce que le pivot qui atteint trop vîte le fond des pots ou des terrines, contracteroit une gangrene qui fe communiqueroit au refle de l'arbre ? Ces questions méritent d'être

examinées.

On prétend que les Pins ne doivent point être cultivés: on remarque cependant que ceux qui fe trouvent placés fur les lifieres qui confinent à des terres labourées, font beaucoup plus beaux que les autres. On prétend auffi, avec raifon, que les Pins font des arbres de forêts qui viennent bien en massif, & fans qu'on foit obligé de leur donner aucune culture. M. Gaultier nous a écrit qu'il avoit remarqué dans les forêts du Canada, que les Pins & les Sapins levoient par préférence dans les endroits où de vieux & gros arbres avoient pourri.

Nous avons répandu dans un femis de Chênes une affez grande quantité de femences de Pin maritime. Après avoir inutilement cherché pendant la premiere & la feconde année, fi les jeunes plants auroient levé, nous crûmes, n'en voyant point paroître, que la femence ne leveroit pas, & nous ne

tinmes

tinmes compte de les chercher encore dans la troisieme année; mais nous fumes agréablement furpris, la quatrieme année, de trouver dans le champ une quantité confidérable de jeunes Pins qui avoient plus d'un pied de hauteur, & qui fe portoient très-bien, quoique ce terrein fe trouvât rempli d'herbe fort

haute.

Il y a peu d'arbres qui foient moins délicats fur la nature du terrein; on voit de très-beaux Pins dans des fables fort arides, fur des montagnes feches, où la roche fe montre de toutes parts. Il faut avouer cependant qu'ils viennent mieux dans les terres légeres, fubftantieuses, & qui ont beaucoup

de fond.

Les Pins reprennent difficilement quand on les transplante; nous en avons néanmoins transplanté avec fuccès de très-petits, & qui n'avoient que deux à trois ans.

On prétend (& cela paroît affez vrai-femblable) qu'il ne convient de retrancher au Pin, que les branches qui font près de terre, & jamais celles qui font au deffus de la portée de la main : cette pratique eft fondée principalement fur deux raisons. 1o. Les Pins profitent d'autant plus qu'ils ont plus de branches à nourrir; ainfi plus on leur retranche de ces branches, plus on retarde leur accroiffement. 2°. Les Pins ne repouffent jamais de nouvelles branches qui puiffent remplacer celles qu'on leur a coupées; ainfi, en retranchant les branches, on 'diminue la vigueur de l'arbre on a obfervé qu'un Pin à qui l'on n'a laiffé qu'un petit nombre de branches au haut de fa tige, ne profite presque plus. 3°. Enfin un arbre ainsi élagué, courroit rifque d'être rompu par le vent; & s'il reftoit fans branches, il n'en poufferoit plus de nouvelles; car il eft d'expérience que la fouche d'un Pin qu'on a abattu, ne repouffe point de nouveaux jets, comme font beaucoup d'autres arbres.

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Néanmoins les Pins croîtront plus promptement fi on leur fait un petit élagage, comme nous allons l'expliquer; & cette précaution eft indifpenfable pour les Pins qui font plantés en lifiere ou en avenue.

Il faut attendre que les Pins aient fept à huit ans, pour commencer à leur retrancher des branches.

D'abord on coupe toutes les petites branches du bas pour Tome 11.

R

leur former une tige de trois ou quatre pieds de hauteur: tous les ans on continue de retrancher l'étage inférieur jufqu'à l'âge de quinze ans ; alors on ne leur fait cet élagage que tous les quatre ou cinq ans.

Cette opération ne coûte rien. On abandonne aux élagueurs les premiers émondages dont ils font des bourées; par la fuite les élagueurs rendent un tiers des bourées au Propriétaire; & quand on n'élague les Pins que tous les trois ou quatre ans, le Propriétaire prend la moitié des fagots: il doit fur-tout veiller à ce que fes élagueurs ne retranchent trop de branches; ce qui cauferoit un tort confidérable aux Pins, pour les raifons que nous avons déja dites.

Je ne fache point que les différents Pins fe greffent les uns fur les autres, & j'avoue que je n'en ai point fait l'expérience.

Les cônes des Pins reftent plufieurs années fur les arbres pour y acquérir leur maturité; c'eft pour cela qu'il nefaut cueillir que ceux qui font devenus de couleur canelle : ils doivent être cueillis en Janvier, en Février & en Mars car dès que le foleil a pris de la force, & qu'il les échauffe les écailles s'ouvrent d'elles-mêmes, & les femences fe répandent à terre.

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Quand les cônes mûrs font cueillis, on les expofe au grand foleil dans des caiffes, comme nous l'avons dit en parlant des fruits du Sapin & des Mélefes; & fi-tôt que la graine eft fortie des cônes, on la met en terre, quoiqu'on pût cependant la conferver jufqu'en Automne.

Il y en a qui mettent les cônes au four pour les faire ou vrir; mais pour peu que la chaleur foit trop forte, les femences font altérées, & elles ne peuvent plus lever.

On peut tranfplanter les jeunes Pins; mais il faut alors qu'ils foient très jeunes, & avoir l'attention de leur conferver un peu de terre en motte, fans quoi on en perdroit beaucoup.

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M. Roux de Valdone, qui a fait enfemencer en Provence d'affez grandes pieces de terre en Pins, les unes pofées en colline, & les autres en terrein plat, eftime que fi l'on femoit la graine dans des terres bien labourées, les jeunes Pins auxquels il faudroit donner quelque culture, viendroient_plus vite; mais la plupart des terres qu'il a enfemencées en Pins,

n'étant pas fufceptibles de labour, tant à caufe de l'inégalité du terrein, que parce qu'elles étoient couvertes de brouffailles, il s'eft contenté de répandre la femence fous les brouffailles mêmes: les Pins s'y font élevés, & ont enfuite étouffé tous les arbustes qui occupoient en premier lieu le terrein.

Il a fait fes femis dans les mois de Novembre & Décembre, lorfque la terre étoit bien humectée; &, fans autre précaution, il s'eft procuré de beaux bois de Pins.

Il est bon de favoir que les cônes ou fruits de plusieurs efpeces de Pins, qui paroiffent au Printemps, font mûrs en hyver, & que les écailles de ces cônes s'ouvrent le printemps fuivant. Lorfque dans les mois d'Avril & de Mai ces fruits font frappés par un foleil ardent, les graines ou les pignons tombent, mais les cônes vuides reftent fur les arbres au moins trois ans ; & comme l'humidité fait refferrer les écailles, des gens peu expérimentés pourroient cueillir ces cônes vuides, croyant cueillir des cônes qui contiennent encore leurs pignons: il faut donc leur apprendre qu'on ne doit cueillir que les cônes qui font attachés aux dernieres pouffes des branches, & dont les écailles font exactement jointes.

USAGE S.

Outre les efpeces que nous avons nommées, nous en avons élevé plufieurs autres que nous n'avons pas rapportées, parce que nos arbres font encore trop jeunes pour les bien connoître nous avouons auffi qu'il n'eft point facile de diftinguer exactement toutes les efpeces du Pin.

Pour y parvenir, autant qu'il eft poffible, il faut examiner attentivement la forme & la groffeur des cônes, la quantité de feuilles qui font contenues dans une même gaîne, le port général de l'arbre, la groffeur & la couleur des fleurs: cependant, avec toutes ces attentions, on auroit encore bien peine à diftinguer toutes les différentes efpeces, fi nous négligions d'inférer ici de courtes defcriptions, qui indiqueront les marques particulierement diftinctives.

Le Pin cultivé, no. 1, eft un arbre très-touffu; fes feuilles font longues de cinq à fix pouces, épaisses, d'un beau verd,

raffemblées deux à deux dans une gaîne commune, arrondies d'un côté, plates & fans rainure du côté qu'elles fe touchent: les pouffes font groffes, couvertes de grandes écailles arrondies par le bout; les branches fe foutiennent droites; les fleurs mâles forment de gros bouquets rouges: on voit quelquefois à l'extrêmité d'une même branche des fleurs mâles & des fleurs femelles. Les cônes font fort gros, prefque ronds; ils ont quelquefois quatre pouces & demi de longueur fur quatre pouces de diametre; ils font formés d'écailles fort dures, dont l'extrêmité, qui fait l'extérieur du cône, représente des efpeces de gros mammelons arrondis, au milieu de chacun defquels on voit comme une efpece d'umbilic froncé.

Les pignons contenus dans le fruit font gros, fort durs; ils renferment des amandes bonnes à manger, foit crues, foit en dragées ou en prâlines: on en fait auffi des émulfions; enfin on en retire par expreffion une huile qui eft auffi douce que celle de noifettes.

Le bois de cette efpece de Pin eft affez blanc, médiocre ment réfineux: on en fait néanmoins en Suiffe des tuyaux pour les conduites d'eau ; & à Toulon, on en conftruit des corps de pompes; on en fait auffi de bonnes planches: au refte, prefque tous les Pins font propres à ces mêmes usages. On cultive ces arbres dans plufieurs Provinces pour la beauté de leur feuillage, & pour en recueillir les fruits.

Le grand Pin maritime, n°. 2, eft garni de belles feuilles affez longues, d'un beau verd, & prefque auffi étoffées que celles du Pin cultivé: elles fortent deux à deux d'une gaîne commune. Les pouffes. de cet arbre font affez groffes, & fes branches fe foutiennent bien. Les fleurs mâles forment de beaux bouquets rouges: les cônes font moins gros que ceux de l'efpece précédente, mais ils font plus longs : les uns ont quatre pouces & demi de longueur fur deux pouces & un quart de diametre ; & d'autres cinq pouces & demi de longueur fur deux pouces & demi de diametre.

Les éminences que l'on remarque fur les cônes, & qui font formées par l'extrêmité des écailles, au lieu d'être arrondies comme dans le Pin cultivé, font coniques, & leur base eft ovale: quelquefois les bafes font en lofange, & alors les

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