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Avant de détailler la culture des Mûriers, il eft bon d'être prévenu que la diftinction des Mûriers blancs & des Mûriers. noirs, n'eft fondée ni fur la couleur de la feuille ou de l'écorce, ni même sur celle du fruit. On appelle Mûriers noirs, ceux qui produisent de gros fruits bons à manger, qui font toûjours d'un rouge fi foncé qu'ils paroiffent noirs : & ceux-là fe réduisent à deux ou trois variétés. Tous les autres Mûriers font rangés dans la claffe des Mûriers blancs, foit que le fruit foit gros ou petit, noir, blanc ou rouge, &c. Entre ceux-ci il y en a qui ont leurs feuilles blanchâtres, d'autres d'un verd foncé ; les uns produifent de très-grandes feuilles entieres, d'autres de très-petites, profondément échancrées. Le fruit de tous ces Mûriers eft ordinairement fade & dégoûtant. On ne cultive les Mûriers noirs que pour leur fruit; & les blancs pour leurs feuilles, qui fervent à élever les vers à foie. Nous en parlerons plus amplement dans l'article des ufages.

On peut multiplier les Mûriers par la femence, par les marcottes & par les boutures. Nous allons expliquer fucceffivement ces différentes pratiques; je commence par ce qui regarde la graine.

Si l'on veut élever des Mûriers noirs, on choift les plus groffes & les plus belles Mûres; fi ce font des Mûriers blancs qu'on fe propofe de multiplier, on préfere les groffes Mûres blanches qui fe trouvent fur les grands Mûriers dont les feuilles font grandes, blanchâtres, douces, tendres & les moins découpées qu'il foit poffible; en un mot on préfere les fruits des arbres qu'on nomme Mûriers de bonnes feuilles, & particulierement de ceux qu'on appelle Mûriers d'Espagne.

Pour recueillir la graine il faut que les fruits foient parvenus à une parfaite maturité: on les laiffe tomber d'eux-mêmes: mais il eft bon de rebuter ceux qui tombent les premiers; ils font ordinairement altérés & de mauvaise qualité.

A mesure qu'on ramaffe les Mûres, on les écrafe, & on les met dans un vafe avec un peu d'eau pour fermenter comme le vin; on les preffe deux ou trois fois par jour avec les mains, ou on les foule avec une efpece de pilon de bois; quand la pulpe eft attendrie par cette macération, on ajoute beaucoup d'eau pour la diffoudre. En répétant plufieurs fois

ce lavage, on jette avec l'eau les graines qui furnagent; elles font ordinairement mauvaifes: on emporte auffi par ce procédé une bonne partie de la pulpe; & il reste au fond du vafe un marc dans lequel eft la bonne graine. On fait fécher ce marc ; à mesure qu'il fe deffeche, on l'émiette avec les mains pour détacher les graines; & quand il est bien fec, on en fépare la graine avec un crible. Quand on achete cette graine, on doit la choifir grosse, pefante, blonde; lorfqu'on l'écrafe, elle doit répandre beaucoup d'huile; fi on la jette fur une pelle rouge, elle doit pétiller.

La meilleure graine se tire ordinairement du Piémont, du Languedoc & du Comtat d'Avignon, parce qu'on y cultive des arbres de bonnes feuilles : on en tire auffi d'Espagne. J'en ai eu de la Louyfiane qui a très-bien réussi : en général j'incline à donner la préférence à la graine qu'on recueille dans des pays où il fait quelquefois affez froid; il m'a paru que les arbres qui en proviennent en étoient plus capables de réfifter à nos gelées.

On peut femer la graine auffi-tôt qu'elle eft recueillie, ou la conferver pour ne la mettre en terre qu'au printemps ces deux pratiques ont leurs avantages & leurs inconveniens. Quand les automnes font chaudes & humides, une partie de la graine qu'on a femée immédiatement après la récolte, leve avant l'hyver; ces jeunes plants, qui font alors très-foibles, périffent, fi les gelées font fortes, à moins qu'on n'ait foin de les couvrir. Les graines qu'on feme au printemps font quelquefois long-temps à lever; & même il en leve peu, fi la saison est froide & feche; ce qui arrive fouvent dans notre climat.

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Pour éviter ces inconvénients; auffi-tôt que les femences font recueillies, je les mêle avec du fable, & je les conferve jufqu'à la moitié d'Avril dans une ferre à l'abri de la gelée alors je les feme avec le fable, ce qui eft plus avantageux, parce que cette graine étant fine, on court toujours rifque de la femer trop épaiffe: il faut tâcher de ne répandre qu'une oncede graine fur une planche de fix pieds de largeur & de vingtquatre pieds de longueur.

Pour femer la graine de Mûrier, on doit choisir une bonne terre de potager, bien labourée, point trop graffe, mais légere: l'arbre viendroit mieux dans une terre qui auroit du fond, mais la feuille n'en feroit pas fi bonne. On feme cette graine dans

quatre rayons que l'on fait dans la longueur des planches; ou bien on la répand au hazard fur la terre, que l'on a dreffée au rateau & on la recouvre avec un peu de terreau. Il est affez indifférent de fuivre l'une ou l'autre méthode; mais il faut avoir l'attention de ne recouvrir cette graine que d'une très-petite épaiffeur de terre; car fi elle eft trop enterrée elle ne leve pas.

Si l'on veut femer de la graine qu'on a tirée d'ailleurs, & qui fe fera defféchée pendant plufieurs mois, on fera bien de la mettre auparavant tremper au moins vingt-quatre heures dans l'eau : on rejette comme mauvaife celle qui furnage, & on avance la germination de celle qui fe précipite au fond.

Quand la graine eft en terre, elle n'exige d'autre foin que de tenir les planches nettes d'herbes, qu'on arrache à la main, & de les arrofer de temps en temps. On juge bien que pour exécuter commodément ces travaux, il faut pratiquer des fentiers entre les planches.

Quand les terres font de nature à se battre par les arrofements & à former une croûte, on donne un très-léger labour avec une curette. J'ai quelquefois couvert les planches où les femences n'étoient prefque pas enterrées, avec une legere couche de mouffe que je retenois avec de petites baguettes: ce moyen m'a affez bien réuffi.

La culture de la premiere année se borne à arracher les mauvaises herbes, à arrofer les jeunes plants quand on juge qu'ils en ont befoin, & à donner de petits binages à la main avec un crochet, pour que la terre ne forme point de croûte. Quand les Mûriers auront été femés par rayons, on fera bien à l'entrée de l'hyver de relever un peu la terre pour les rechauffer car il y a certaines terres qui, fe gonflant par la gelée, s'affaiffent aux dégels, & alors les jeunes arbres fe déchauffés.

Si les jeunes Mûriers étoient trop foibles, & que leur bois parût tendre & herbacé, il feroit bon de les couvrir avec des feuilles pour les garantir des grandes gelées.

La culture de la feconde année fe borne encore à arracher les mauvaises herbes, à donner de petits binages, & à arrofer les jeunes arbres lorfqu'il fait fec.

Dans l'automne de la feconde année, quand la terre est bien pénétrée d'eau, on tire du femis tous les arbres qui ont de petites feuilles d'un verd très-foncé, rudes comme celles de l'Orme ou profondément déchiquetées : ces arbres qui ne font point eftimés pour la nourrirure des vers, fe plantent dans les maflifs de bois, ou fe mettent à part en pépiniere pour être greffés, comme nous le dirons dans la fuite.

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Les jeunes Mûriers qui font chargés de bonnes feuilles reftent dans le femis jufqu'au mois de Mars; & alors on les arrache pour les mettre en pépiniere. Comme ces arbres font plus précieux que les autres, on ne les replante qu'au printemps, fur-tout dans les terroirs de l'intérieur du Royaume, qui font très-expofés aux gelées; parce qu'il eft d'expérience que les arbres nouvellement plantés font beaucoup plus fujets à être endommagés par la gelée, que ceux qui ont déjà pris poffeffion de la terre par leurs racines.

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La feconde ou la troifiéme année, quand le jeune plant, qu'on nomme la Pourette, a acquis trois pieds de hauteur, & qu'il eft gros comme le doigt à quatre pouces au deffus de on doit l'arracher pour le mettre en pépiniere: fans cette transplantation les Mûriers ne poufferoient qu'une racine en pivot, & la plus grande partie des arbres périroit quand on les arracheroit pour les mettre aux places où ils doivent toujours refter.

La qualité de la terre pour les pépinieres, doit être pareille à celle qu'on a deftinée pour les femis: fi elle a fuffifamment de fond, on fe contente de lui donner pendant une année plufieurs labours à la houe, en formant de gros fillons, pour que la terre profite des influences de l'air. Si la terre a peu de fond, on lui en donne en la fouillant par tranchées ; & pour éviter le tranfport des terres, on fait en forte que le déblai d'une tranchée ferve de remblai à une autre.

Dès le commencement du printemps, fi-tôt que la terre est affez reffuyée pour être travaillée on dreffe le terrein & l'on forme au cordeau des rigoles qui doivent être éloignées les unes des autres de deux pieds & demi ou trois pieds, à compter du milieu d'une rigole jufqu'au milieu d'une autre. Si la plantation a beaucoup d'étendue, on pratique de distance

en distance, des allées plus ou moins larges, & quelques fentiers afin de donner de l'air à la pépiniere & encore pour

faciliter le travail de cette culture.

On profite des beaux jours du mois de Mars pour planter la pépiniere; & voici comme il convient d'exécuter cette opération.

Un homme patient & adroit eft chargé d'arracher le plant; & on doit lui recommander de ménager les racines le plus qu'il fera poffible. Un autre coupe le pivot, rogne les racines, retranche les branches mal placées, & forme trois lots; dans l'un, il met les plus gros arbres; dans un autre, les moyens; & dans le troifieme, les petits.

Comme le gros plant & le moyen doivent être plantés à part, on porte le plant à deux ouvriers qui font chargés de planter dans différens endroits de la pépinière ces deux fortes de plants. A l'égard du troisieme lot, on peut en former des paliffades, comme on fait avec les charmilles; ou bien on lobine en carreaux; c'eft-à-dire, qu'on plante ces petits arbres dans des planches, laiffant feulement fix ou huit pouces de distance entre chaque pied, afin qu'ils puiffent fe fortifier pendant quelques années, après quoi on les met en pépiniere comme ceux dont nous allons parler.

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Les Planteurs ayant un genou en terre, placent les Mûriers dans le milieu des rigoles, à dix-huit pouces les uns des autres fe dirigeant fur un cordeau bien tendu; ils recouvrent les racines avec de la terre, qu'ils font couler avec la main dans le fond des rigoles; ils arrangent bien les racines; ils preffent la terre avec la main ; & allant toujours en reculant, ils laiffent le plant en cet état : des Ouvriers qui fuivent, achevent de remplir la rigole avec une houe. Si les terres font de nature à retenir l'eau, on bombe un peu la terre au pied des jeunes Mûriers: fi les terres imbibent l'eau aifément, on met toute la terre à plat. Quelques-uns penfent qu'il eft avantageux dans les terreins fecs, de creufer un peu la terre vers le pied des Mûriers, ou de tenir l'entre-deux un peu bombé : mais cette pratique me paroît affez inutile; car les Mûriers craignent plutôt la trop grande humidité que la terre feche.

On a foin de conferver un peu de beau plant dans le femis,

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