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j'avourai que je ne comprends pas le motif qui peut avoir
engagé D. Martin à donner à ce vafe le nom de Van.
On fçait que l'ufage de ce qu'il entendoit par ce mot, étoit
confacré par les Grecs aux myftères de Bacchus. Il eft
conftant que l'invention de tous les myftères ne peut être
refufée aux Egyptiens ; & je regarde d'autant plus ce Peu-
ple comme l'inventeur de toutes ces cérémonies cachées
& de ces affociations, que le culte étoit généralement se-
cret & mystérieux dans leur Pays. Les figures d'Harpo-
crate, plus communes, peut-être, que celles de toutes les
autres Divinités Egyptiennes, feroient une preuve fuffi-
fante de cette opinion, quand elle ne feroit point établie
fur le récit des Auteurs. Mais les myftères d'Eleufis, de
Bacchus, enfin, tous ceux que les Grecs ont adoptés
n'ayant que des rapports
fort éloignés avec ceux de l'E-
gypte, je ne crois pas que les uns puiffent nous éclairer
fur les cérémonies des autres, encore moins nous mettre
en état de nommer affirmativement un objet dont on ne
peut comparer le genre. Enfin, on peut d'autant moins
remonter à un ufage & à une dénomination de l'Egypte
par la voye des Grecs, que ces derniers, ayant toujours
caché leurs emprunts, auront certainement déguisé le
nom, & changé la forme des uftenfiles ou des inftrumens
dont les Anciens, à leur égard, fe fervoient, & qu'ils ont
employés dans la fuite des tems. D'ailleurs il faut conve-
nir que le paffage de Virgile Myftica... Vannus Iacchi,
& le feul où l'on trouve le mot de Vannus ne peut
être regardé que comme figuré ce même paffage eft
auffi la feule excufe des Antiquaires qui ont traduit ce
mot par celui de Van. Il pourroit avoir un autre fens
dans le Latin; mais je ne crois pas qu'on puiffe lui donner
Pépithète d'Egyptien. Je dirai plus, la forme de ce que
nous appellons un Van n'a jamais pû convenir à ce que
nous fçavons des myftères, non plus qu'aux objets que tous
les monumens nous préfentent. Le Van n'eft propre en
effet qu'à fecquer les grains pour les féparer de leurs pail-
Tome VI.
F

I. Georg.

les & de leurs ordures, il ne peut jamais avoir de couverture, par conféquent il eft incapable de rien enfermer. Tous les monumens de l'antiquité font voir une corbeille dont le couvercle étoit mobile, & qui renfermoit un ou plusieurs ferpens fans venin, ce qui, pour le dire en paffant, conferve à tous les mystères de la Grece la première origine Egyptienne.

Cette petite difcuffion m'a paru nécessaire néceffaire pour autorifer la différence de l'objet & de l'ufage que je fuppofe à ce monument. Je le regarde en premier lieu comme ayant été destiné au service d'un temple, & je crois qu'il étoit réfervé pour une cérémonie particulière. Je fuis perfuadé de plus, que cette cérémonie eft expliquée par les figures travaillées fur le monument, & qu'enfin les hiéroglyphes contiennent la prière que l'on prononçoit en faisant usage de ce vafe; mais l'obfcurité des caractères, & la métaphyfique des figures font impossibles à concevoir, ou plutôt à pénétrer.

Ces réflexions font foibles & peu utiles, cependant elles fuivent un ordre général que j'ai cru reconnoître dans les monumens Egyptiens: de plus, elles ne m'empêchent point d'avancer que le vafe devoit être rempli de l'eau du Nil; les fleurs aquatiques, repréfentées en quantité fur le monument, autorifent ce préjugé. Il est vrai que fa forme n'eft point celle des Canopes; mais la vénération des Egyptiens pour ce fleuve étoit fondée sur une reconnoiffance fi fouvent répétée, & produite par des effets fi fenfibles, qu'elle rendoit fon culte général. Cette dernière réflexion pourroit même être donnée pour une conféquence, plutôt que pour une conjecture, puifque l'ornement placé fur la bafe extérieure de ce vase prouve que n'ayant aucune affiette par lui-même, & devant être toujours porté & foutenu par fon anfe, il étoit conféquemment rempli d'une liqueur dont l'objet étoit conftamment momentané. J'ajoûterai de plus que la médiocrité de fon volume l'auroit empêché, quand même il

eût été fermé par un couvercle, de contenir le ferpent que les Grecs admettoient dans leurs mystères, & principalement dans celui qu'ils avoient confacré à Bacchus.

J'ai dit plus haut que l'examen des bas-reliefs de ce monument m'avoit perfuadé qu'ils indiquoient une fête, ou une cérémonie pratiquée avec pompe & folemnité dans l'Egypte ; & je croirois que cette fête étoit confacrée au Lotos. La reconnoiffance ou le defir d'une récolte des plus intéreffantes, paroît en avoir été l'objet : cette idée eft appuyée fur un paffage d'Hérodote, qui dit, en parlant de cette plante:

Le Lotos croit en prodigieufe quantité après le débordement du Nil, c'est-à-dire, dans le mois d'Octobre; c'est une espéce de lys. Après que les Egyptiens en ont cueilli les fleurs, ils les font fecher au foleil; & quand ils ont fait bouillir ce qu'il y a au milieu du lys; & qui reffemble à la tête d'un pavot, ils en font du pain qu'ils font cuire fur la braife: l'oignon même de cette plante eft non-feulement bon à manger, mais il a un goût délicieux; il eft rond & de la groffeur d'une pomme.

J'examinerai dans l'explication de la Planche suivante la difpofition des figures dont le vafe eft orné, ou plutôt, je ferai remarquer celles qui préfentent des différences que je n'avois point encore apperçues fur les monumens Egyptiens. Lorfqu'elles feront conformes à celles que j'ai fait graver dans ces Recueils, ou que l'on voit fur la Table Ifiaque, j'aurai foin d'y renvoyer le Lecteur, fans autre objet que de fixer en quelque forte l'extrême vagueffe de ces figures à notre égard. Je rapporterai de plus les proportions exactes des parties de ce monument, non-feulement par les raifons que j'en ai dit ailleurs, mais parce qu'elles ont été négligées par D. Martin: il m'a enlevé le mérite de la nouveauté, du moins je l'emporterai fur lui par la précision des détails.

Le travail de ce bronze ne me paroît pas de la plus haute antiquité à l'égard de l'Egypte. Le mouvement des figures,

Livre II.

leurs parures de tête, leur difpofition générale, & le basrelief faillant préfentent des idées modernes, c'eft-à-dire, celles d'un tems à peu-près égal à celui de la Table Ifiaque.

Je ne puis finir cet article fans avertir que D. Martin, non content de nommer ce vafe un Van, le regarde auffi comme le Tau dont la forme a été altérée : mais cet Antiquaire auroit dû choifir au moins dans fes conjectures, & prendre un parti fur des formes fi fort oppofées.

Je puis affurer que l'anse de ce vase n'a pas éprouvé le plus foible dérangement, & que toutes les parties de ce monument ont entr'elles ce rapport convenable qui ne peut venir que de la vérité, ou, ce qui eft la même chofe, de la plus parfaite conservation.

Les figures & les hiéroglyphes, en un mot, tous les ornemens de ce vase font gravés dans le miroir pour préfenter les objets aux yeux du Lecteur dans le fens de l'original; cette attention m'a paru d'autant plus néceffaire qu'il faut fe mettre en état d'être jugé févérement, quand on critique les autres.

Nos. I. & II.

Le vafe eft représenté fous le n°. I. dans fa totalité & fous fon afpect le plus naturel & le plus avantageux; il paroît de profil fous le n°. II. pour faire fentir l'agrément & cependant l'air national de cette même anfe.

Hauteur du vafe feul, cinq pouces dix lignes diamètre extérieur des anneaux qui foutiennent l'anfe, neuf lignes: hauteur de l'anfe, trois pouces quatre lignes : hauteur totale, neuf pouces quatre lignes.

No. III.

L'ornement qui termine l'extrémité de ce vafe, ou qui couvre le fonds extérieur, eft rapporté d'une proportion un peu plus forte que le vafe.

Plus grand diamètre de cette partie, deux pouces une demi-ligne,

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