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autres hommes, qui compofent le peuple, dont il eft membre; c'est-à-dire, l'état d'un homme, tel qu'il eft reconnu par les loix civiles; foit que les diftinctions qu'elles ont établies foient puifées dans la nature, foit qu'elles tirent leur fondement d'ailleurs, enforte que nous n'entendons point parler ici des distinctions établies par la nature feulement.

Le droit Romain confidéroit principalement trois chofes, dans chaque perfonne; fçavoir la liberté, le droit de cité, & la famille. Tria funt qua habemus, libertatem, civitatem & familiam. l. 11. ff. de cap. min.

Les Jurifconfultes Romains difent que la liberté eft le pouvoir, que nous avons reçû de la nature, de faire tout ce qu'il nous plaît, quand la violence, ou la loi n'y forment point obftacle. Libertas eft naturalis facultas ejus quod cuique facere libet, nifi fi quid vi, auɛ jure probibetur. 1. 4. ff. de ftatu hominum.

Le droit de cité eft la faculté de jouïr de tous les avantages attachés à la qualité de citoïen Romain.

Le mot famille, familia, avoit plufieurs fignifications chez les Romains. Il étoit relatif ou aux chofes, ou aux perfonnes. Quand la loi des douze tables, par exemple, ordonne que le plus prochain agnat du défunt devienne propriétaire de fa famille, il est clair que, par famille, on doit entendre ici les biens. Familia appellatio qualiter accipiatur videamus. Et quidem variè accepta eft. Nam, & in res, & in perfonas deducitur. In res, utputà in lege duodecim rabularum, his verbis: Agnatus proximus familiam habeto. 1. 195. ff. de verbor. fignific. §. 1.

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Ce mot eft relatif aux perfonnes, comme quand la loi dit que patron & l'affranchi font de la même famille. Ad perfonas autem refertur familiæ fignificatio ità, cùm de patrono & liberto loquitur lex; ex eâ familiâ, inquit, in eam familiam. Et hic de fingularibus perfonis legem loqui conftat. Ibid.

Par famille, on entend encore plufieurs perfonnes unies par les liens du fang. On en diftingue de deux efpéces ; l'une est du droit propre, ou particulier; & l'autre du droit commun. Familia appellatio refertur & ad corporis cujufdam fignificationem, quod aut jure proprio ipforum, aut communi univerfa cognationis continetur. Ibid. §. 2.

Par famille, fuivant le droit particulier, on entend plufieurs perfonnes, que la nature ou la loi ont foumises à la puiffance d'un fcul. Ainfi le pere de famille, la mere de famille, le fils de famille, la fille de famille, & tous ceux qui les repréfentent, comme le petit-fils, la petite-fille, & ainfi de fuite, forment une famille.

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Or on appelle pere de famille, celui qui ne dépend de perfonne dans fa maison, quand même il n'auroit pas d'enfans; enforte. que le mot, pere de famille, eft moins relatif à la perfonne même qu'aux droits dont elle jouït. Cela eft fi vrai, qu'on appelle un pupille même, pere de famille. Quand un pere de famille meurt, tous ceux, de fes propres enfans, qui étoient fous fa puiffance, deviennent leurs maîtres; & font par conféquent, peres de: famille. Il en eft de même d'un fils que fon pere émancipe: il. ceffe d'être foumis à la puiffance paternelle; il devient, par conféquent, pere de famille. Jure proprio familiam dicimus, plures, ·perfonas quæ funt fub unius poteftate, aut naturâ, aut jure fubjecta: ut putà patrem familias, matrem familias, filium familias, filiam familias, quique deinceps vicem eorum fequuntur ; ut putà nepotes & nep-, zes, & deinceps. Pater autem familias appellatur, qui in domo domi-, nium babet. Rectèque hoc nomine appellatur, quamvis filium non babeat. Non enim folam perfonam ejus, fed & jus demonftramus. Denique & pupillum patrem familias appellamus; & cùm pater familias moritur, quotquot capita ei fubjecta fuerint, fingulas familias incipiunt babere. Singuli enim patrum familiarum nomen fubeunt. Idemque eveniet & in eo qui emancipatus eft: nam & bic, fui juris effectus, propriam familiam habet. Ibid.

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Nous avons dit, plus haut, qu'il n'y avoit que les propres enfans de celui qui mouroit, qui pûffent devenir peres de famille parceque fes petits enfans, qui étoient fous fa puiffance, pendant fa vie, paffent fous celle de leur pere, qui devient pere de famille. Hi verò qui in poteftate parentis funt, mortuo eo, fui juris fiunt. Sed hoc diftin&tionem recipit. Nam mortuo patre, fanè omnimodò filii filiæve fui juris efficiuntur: mortuo verò avo, non omnimodò nepotes, neptesve sui juris fiunt, fed ita fi, poft mortem avi, in potesta. tem patris recafuri non funt. Itaque fi, moriente avo, pater eorum vivit, &in poteftate patris fui eft, tunc, poft obitum avi, in poteftate patris fui fiunt. Si verò is, quo tempore avus moritur, aut jam mortuus eft, aut per emancipationem exiit de poteftate patris; tunc ii qui in poteftatem ejus cadere non poffunt, fui juris fiunt. Inftit. Quib. mod. patr. poteft. folv. in princip.

La famille, fuivant le droit commun, fignifie la totalité de ceux qui font agnats entr'eux. Car quoique par la mort du pere de famille, chacun de ceux qui étoient fous fa puissance, devienne pere de famille de famille, & forme une famille particuliére ; cependant, comme ils fortent tous de la même tige, il eft naturel qu'on les regarde comme étant de la même famille. Communi

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jure familiam dicimus omnium agnatorum. Nam, etfi patre familias mortuo, finguli fingulas familias babent, tamen omnes, qui fub unius poteftate fuerunt, rectè ejufdem familia appellabuntur, qui ex eâdem domo & gente proditi funt. Ibid.

Le mot famille peut avoir encore d'autres fignifications: mais, comme elles font étrangères à notre fujet, nous nous contentons de renvoïer ceux qui feront curieux de les connoître, à la loi citée plus haut, §. 3. & fuiv.

Relativement à la matiére qui fait le fujet de ce Chapitre ; on ne doit confidérer le mot famille, que fuivant le droit particulier; c'est-à-dire, dans le fens qu'elle exprime la relation du pere à fes enfans, & à tous fes defcendans en ligne directe. Il étoit pere de famille; & ceux, qui étoient fous fa puiffance, étoient fils de famille.

Ces deux qualités ne pouvoient être poffédées que par des citoïens Romains. Jus autem poteftatis, quod in liberos habemus proprium eft Civium Romanorum. Nulli enim alii funt homines, qui talem, in liberos, in liberos, habeant poteftatem, qualem nos habemus. Instit. de patria poteft. §. 2. En perdant le droit de cité, on perdoit en même tems la qualité de pere, ou de fils de famille; enforte qu'il ne reftoit, entre le pere & fes enfans, que la relation naturelle. Chacun des trois objets que nous venons d'examiner, renferme deux qualités contraires; car on eft libre, ou efclave; citoïen, ou étranger; pere, ou fils de famille.

Les deux premiers objets regardent tous les hommes en général. Tout homme eft néceffairement ou libre, ou efclave, ou citoïen, ou étranger. Quant au troifiéme, il étoit particulier aux citoïens, qui étoient tous ou pere, ou fils de famille : enforte que la liberté & la cité conftituoient le citoïen, indépendamment de la famille, qui n'étoit qu'un acceffoire & une fuite de la qualité de citoïen: mais elle étoit néceffairement acceffoire...

Ainfi il y avoit cette différence entre ces trois qualités, que la premiére ne fuppofoit point les deux autres. On pouvoit être libre, fans être citoien, & fans être ni pere, ni fils de famille. Mais on ne pouvoit pofféder aucune des deux autres, fans les pofféder toutes trois à la fois. Tout citoien étoit néceffairement libre, & poffédoit les droits de famille; & l'on ne pouvoit pofféder les droits de famille, fans être citoïen; &, par confé quent, fans être libre.

Quand un homme réuniffoit ces trois qualités, on l'appelloit

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Caput, parcequ'il étoit compté, dans les affemblées du peuple, comme une tête, comme un citoïen, qui avoit part aux délibérations, & dont la voix influoit dans les décisions. On appella auffi caput, l'état du citoïen, la réunion des qualités qui conftituoient le citoïen, & qui lui donnoient droit de voix délibérative, dans les affemblées; & quand il perdoit quelqu'une de ces qualités, comme cette perte diminuoit néceffairement fes facultés & retranchoit quelque chofe de la totalité de son état, on appelloit ce changement, Capitis diminutio ou minutio; enforte que ces termes, dans les loix Romaines, annoncent une altération furvenue dans l'état d'un citoïen, & fignifient changement d'état. Capitis minutio eft ftatus permutatio. l. 1, ff. de Cap. min. Mais cela n'étoit pas relatif; car on n'exprimoit pas, par les mots capitis diminutio, tous les changemens qui arrivoient dans l'état d'un citoïen. Quand, par exemple, de fils de famille, il devenoit pere de famille, par la mort de celui, fous la puiffance de qui il étoit, ce changement n'étoit point compté au nombre de ceux qui étoient nommés capitis diminutio.

La raison eft que ces mots n'étoient emploïés que pour exprimer l'altération que le citoïen fouffroit dans fon état mais dans le cas dont il est ici question, loin que fon état fût altéré, par ce changement, il devenoit, au contraire, plus complet plus entier, fi l'on peut ainfi parler. En un mot, il jouïffoit de la plénitude de fon état ; il étoit affranchi de la puiffance paternelle. Il devenoit, par-là, propriétaire de tout ce qu'il acquéroit, à quelque titre que ce fût. Il devenoit maître de toutes fes actions, & ne connoiffoit plus de fupérieur que la Loi; au lieu qu'auparavant, il n'avoit la jouïffance de rien, & ne pouvoit contracter le moindre engagement, fans l'autorité de celui en qui réfidoit la puiffance paternelle.

La perte d'une dignité ne fe comptoit pas non plus au nombre des changemens qu'on nommoit, capitis diminutio. Quibus autem dignitas magis quàm ftatus permutatur, capite non minuuntur; & ideò à Senatu motos , capite non minui conftat. Inftit. de cap. demin. §. 5. La raifon eft qu'en perdant la qualité de Sénateur, il n'y avoit que la réputation qui fouffrît quelque atteinte. Le droit de cité, en un mot, ce qui fe nommoit caput, demeuroit dans tout fon entier. l. 3. ff. de Senat. 1. 5. §. 2. Ibid. de extraord. cognit.

Ainfi capitis minutio ne s'emploïoit, que pour exprimer un changement qui alloit au détriment de l'état de celui qui le fouffroit. Par conséquent, toutes les fois qu'il y avoit capitis minutio

il y avoit changement dans l'état du citoïen mais toutes les fois qu'il arrivoit quelque changement dans l'état d'un citoïen il n'y avoit pas, pour cela, capitis diminutio. Cependant, comme nous n'avons point de terme en françois, pour exprimer cette différence, toutes les fois que nous emploïerons, dans la fuite les mots changement d'état, nous y attacherons la même idée que les Romains attachoient aux mots capitis diminutio.

On diftinguoit, à Rome, trois fortes de changement d'état. Le premier arrivoit par la perte des trois chofes qui conftituoient le Citoïen Romain; fçavoir la liberté, le droit de cité & le droit de famille; & ce changement fe nommoit, maxima capitis diminutio. Comme la perte de la liberté entraînoit néceffairement la perte des deux autres droits, des deux autres droits, il fuffifoit de tomber dans l'esclavage, pour éprouver cette premiere efpéce de changement d'état.

Le fecond arrivoit, par la perte du droit de cité feulement laquelle entraînoit toujours, avec elle, celle du droit de famille: mais, comme on ne perdoit pas toujours, pour cela, la liberté, puifqu'on pouvoit être libre, fans être Citoïen Romain; ce changement d'état, n'étoit pas, à beaucoup près, auffi préjudiciable que le premier; c'eft pourquoi, il fe nommoit, media capitis diminutio.

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Le troifiéme changement d'état, ne faifoit perdre ni la liberté, ni, par conféquent, le droit de cité. Il arrivoit à ceux qui, après avoir été affranchis de la puiffance paternelle, y devenoient foumis de nouveau ; ce qui fe faifoit par le moïen de l'adoption; quand un pere de famille fe faifoit adopter pour fils: par un autre pere de famille. La même chofe avoit auffi lieu, quand un fils de famille étoit émancipé par fon pere. Ce changement d'état n'ôtoit ni la qualité, ni les droits de citoïen Il les fuppofoit, au contraire, néceffairement. Auffi n'emportoit-il avec lui, aucune note d'infamie. Il n'avoit d'autre principe, que certains arrangemens de famille dictés par l'intérêt, ou par la bienveillance paternelle. C'eft pourquoi il fe nommoit, minima capitis diminutio. Enforte que ces termes ne fignifient autre chofe que le changement, qui arrivoit dans la perfonne du citoïen, relativement à la famille; quand, de fils de famille, il devenoir pere de famille; & vice versa. Capitis diminutionis tria genera funt: maxima, media, minima. Tria enim funt qua habemus, libertatem civitatem, & familiam. Igitur, cùm omnia hæc amittimus, hoc eft lis hertatem, & civitatem, & familiam, maximam effe capitis diminutio

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