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fé mais il ne s'enfuit pas de-là que le pape, en admettant la réfignation, ne péche contre ce décret, puifque, fi la réfignation avoit lieu, le jugement deviendroit illufoire, n'y ayant plus matiére à la punition.

Maître Guy du Rouffeau de la Combe, en fon traité des matiéres criminelles, part. 1. , part. 1. chap. 1 n. 23. s'eft auffi mis au nombre des adverfaires de Dumoulin, & cite plufieurs arrêts qui ont jugé conformément à fon opinion: mais fi cette jurifprudence exiftoit en effet, elle feroit tellement contraire au bon ordre & aux bonnes mœurs, qu'il faudroit la changer; & je ne fçaurois me perfuader qu'il n'y eût point, dans l'efpéce de ces arrêts, quelque circonftance particuliére qui a déterminé la cour, & qui a échappé aux arrêtistes.

Au refte, Dumoulin n'est pas le feul auteur qui fuive ce fentiment. Bouchel, dans fa bibliothéque canonique, tom. 1. pag. 28. eft exactement du même avis, & il fe fonde fur les mêmes raifons que Dumoulin.

Loyfeau, traité des offices, liv. 1. ch. 13. dit que la loi devroit être commune pour les offices & pour les bénéfices; & que toute réfignation faite après l'accufation, devroit demeurer en fufpens jufqu'à la fentence définitive. Il est vrai, dit cet auteur, que la rélaxation de la difcipline a gagné ce point, à l'égard des bénéfices, contre l'opinion de Dumoulin, & peutêtre contre la droite raifon. Car fi le pape, auquel on s'adresse pour ces fortes de réfignations, ignore l'état du réfignant, comment peut-on nier qu'il n'y ait de la fubreption & de la fraude ?

:

Van-Efpen, de jure Ecclefiaftico univerfali, part. 2. tit. 27. cap. 4. n. 7. & feqq. rapporte le fentiment de plufieurs auteurs qui foutiennent la validité de la réfignation in favorem faite par un accufé. Entr'autres celui de Chokier, qui raisonne ainfi celui qui renonce à ce qu'il pofféde, ne fait autre chofe que fe fervir de fon droit, & ne commet aucune fraude. Ce n'eft que pour fon propre avantage, pour celui d'un ami ou d'un parent qu'il renonce à ce qui lui appartient.

Il eft inutile, dit Van - Efpen, de faire voir combien une pareille idée & un pareil raifonnement font indignes du ministére eccléfiaftique. Imprimis quàm parùm minifterio ecclefiaftico dignam ideam hac ratiocinatio imprimat, probare non opus eft. D'ailleurs, continue-t-il, il n'eft pas vrai que cette démiffion ne foit point frauduleufe. Car, quoiqu'elle ne faffe pas de tort à un tiers cependant le jugement devient illufoire; & c'est tromper la

justice;

juftice; puifque cette réfignation empêche manifeftement l'effet de la jurifdiction, & énerve entiérement l'autorité judiciaire, en fournissant un moïen fûr, pour se mettre à l'abri de la punition des crimes, & pour éluder les peines portées par les canons. C'eft pourquoi il n'eft pas douteux qu'on doit quelquefois rejetter & annuller de telles réfignations, comme frauduleufes & fubreptices; ainfi que le prouve Dumoulin.

Tel eft le fentiment du célébre Van-Efpen, lequel doit, fans doute, fervir de régle parmi nous.

DISTINCTION VI

Si l'accufé peut permuter fon Bénéfice?

Pour décider cette queftion, Dumoulin, à l'endroit que nous avons cité dans la diftinction précédente, diftingue : où la permutation eft frauduleufe, où elle ne l'eft pas. S'il y a de la fraude de la part de l'accufé, elle eft nulle, quoique l'autre copermutant foit dans la bonne foi mais ce dernier ne perd rien, puifque la nullité de la permutation le maintient dans fon premier état, & dans la poffeffion du bénéfice dont il jouïffoit auparavant. S'il n'eft pas content de ce bénéfice, ce n'eft alors que la cupidité qui le fait agir. Il fe fonde fur un acte nul en foi,pour fe maintenir dans la joüiffance d'un bénéfice plus lucratif que celui qu'il veut quitter. Ainfi il ne doit pas être écouté.

Si les deux bénéfices font d'un revenu à peu près égal, & qu'il n'y ait point de fraude, en ce cas, la permutation est valable, & la fentence de condamnation qui interviendra ne rendra pas vacant le bénéfice que l'accufé poffédoit avant cette permutation; mais celui dont elle l'a rendu titulaire.

Au refte, on peut dire en général, que la fraude eft plus difficile & plus rare dans le cas de la permutation, que dans le cas de la réfignation in favorem.

DISTINCTION V I I.

Si l'accufé peut fe démettre purement & fimplement de fon bénéfice?

On peut dire en général, que la démiffion pure & fimple, entre les mains de l'ordinaire, eft licite & valable. Néanmoins y a des cas où elle ne l'eft pas. Pour les indiquer, nous

il

R

allons examiner, avec Dumoulin, les différentes circonstances qui peuvent fe rencontrer.

Cet auteur, de infirm. refignant. n. 173. dit que, quand un eccléfiaftique, accufé d'un crime qui emporte privation du bénéfice, eft traduit devant l'ordinaire même, lequel a en même tems la jurifdiction contentieufe, & la collation des bénéfices, & qu'il lui remet fon bénéfice purement & fimplement, la démission est valable; l'evêque la peut admettre, & conférer en conféquence.

En effet, il n'y a point dans ce cas de fraude à craindre. L'evêque connoît l'état de celui qui fe démet entre ses mains puifque c'eft lui-même qui inftruit le procès. Il ne peut pas non plus y avoir de fimonie, puifque la collation eft abfolument libre, & que l'accufé ne peut pas prévoir fur qui l'evêque jettera les yeux, pour la collation du bénéfice en queftion. L'accufé n'a donc pas été à portée de faire aucune convention avec fon fucceffeur.

mais

L'evêque peut auffi ne pas admettre la démiffion pourfuivre le jugement & l'exécution de ce jugement, & conférer enfuite le bénéfice vacant, en vertu de la fentence privative; pourvû cependant qu'elle ait paffé en force de chofe jugée, foit parceque le condamné y a acquiefcé; foit parcequ'il n'en a point interjetté appel dans le tems prefcrit par les loix; foit parcequ'il s'eft défifté de cet appel, foit parcequ'il eft demeuré défert; foit enfin, parceque la fentence a été confirmée par le juge fupérieur. Si le jugement fe pourfuit devant l'official, & qu'il ait un pouvoir général de conférer les bénéfices, & d'admettre les réfignations, c'eft la même chofe que dans le cas précédent.

Si l'official n'a que la jurifdiction contentieufe, & n'a pas le pouvoir de conférer les bénéfices, ce qui arrive ordinairement, le cas eft fort différent. Si l'accufé, qui fe voit convaincu, & qui reconnoît fa faute, fe démet, l'official ne peut pas admettre cette démiffion, n'en aïant pas le pouvoir: mais il doit la regarder comme un défiftement du procès, & une reconnoiffance de bonne foi. Il la doit enregistrer, & la notifier enfuite à l'evêque, ou au grand - vicaire, afin qu'il admette la réfignation, s'il le juge à propos, & qu'il confére en conféquence, ou qu'il attende l'événement de la fentence, s'il l'aime mieux. L'official doit cependant procéder au jugement, & déclarer l'accufé privé de fes bénéfices, s'il en a. Čette continuation de pourfuites eft même d'autant plus néceffaire, que

l'official doit examiner fi l'accufé ne mérite pas, non feulement d'être privé des bénéfices qu'il poffede actuellement; mais s'il ne doit pas, en même tems, être déclaré incapable d'en pofféder jamais d'autres.

Mais fi l'accufé, au lieu de fe démettre entre les mains de l'official, donnoit fa démiffion à l'evêque lui-même, l'evêque pourroit valablement l'admettre, & conférer en conféquence; pourvû cependant qu'il eût connoiffance de toutes les circonftances. Car s'il ignoroit l'état de celui qui fe démet ainfi entre fes mains, & que le but de cette démiffion fût d'éluder l'effet de la fentence qui doit intervenir, la démission & la collation faite en conféquence feroient nulles.

II peut encore arriver que l'accufé ait des bénéfices dans un autre diocèfe que celui dans lequel on inftruit fon procès; ou que ceux qu'il a dans le même diocèse foient à la collation d'un autre que de l'evêque, ou que l'evêque ne foit pas collateur libre des bénéfices dont l'accufé eft titulaire, & qu'il foit obligé de les conférer fur la présentation ou la nomination d'un autre. Alors, fi pour prévenir le jugement & exciter la miféricorde de fon juge, l'accufé fe démet, c'eft la même chofe que ce que nous avons dit au fujet de la démiffion faite entre les mains de l'official qui n'a pas la collation des bénéfices.

Il en eft de même fi le procès ne s'inftruit pas devant le juge ordinaire, mais devant un juge délégué, ou tout autre juge compétent, qui n'a pas la difpofition du bénéfice.

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Si l'Accufé peut fe défaire de fon office?

Nous avons vu plus haut, diftinction 5. que l'opinion de Dumoulin eft que la réfignation d'un office faite par un accufé ne peut pas être admife. Il ne paroît pas que cet auteur ait effuïé de contradiction à cet égard. Loyfeau, en fon traité des offices liv. 1. ch. 13. n. 17. & fuiv. admet entiérement le fentiment de Dumoulin, & dit que le fort de la réfignation dépend du jugement. S'il porte condamnation, elle eft nulle. S'il porte abfolution, ou même fi le procès étant parfait l'accufé eft élargi, avec ordre de fe repréfenter quand il en fera requis, la réfignation eft bonne, & le réfignataire peut fe faire initaller tant qu'il n'y a point d'appel. Et s'il fe trouve inftallé avant l'appel, il ne peut être

dépoffédé, quand l'arrêt prononceroit condamnation; parceque le réfignataire ne pourroit plus perdre, par la faute d'autrui, un office dont il auroit dûëment reçû le caractère par la réception, l'installation, & la poffeffion qu'il auroit publiquement & paifiblement exercée.

De ce que l'effet de la réfignation demeure en fufpens pendant l'inftruction du procès, il s'enfuit que fi le réfignant meurt avant le jugement, comme il meurt integri ftatus, la réfignation est valable.

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De l'état du Condamné pendant l'appel.

Nous avons examiné jufqu'ici quel eft l'état d'un homme coupable d'un crime dont la punition emporte la mort civile, jufqu'au moment du jugement qui le déclare convaincu, & qui, en conféquence, le condamne à la peine qu'il mérite. Mais comme, dans un gouvernement bien policé, on ne connoît rien de plus précieux que l'état & la vie des hommes, on ne s'en rapporte pas à un premier juge fur un point auffi important. Une fentence de condamnation n'eft jamais exécutée qu'elle n'ait été confirmée par le juge fupérieur; enforte que l'on interjette toujours appel de ces fortes de jugemens, à moins qu'ils n'aïent été prononcés par les prevôts des maréchaux de France. Alors ces jugemens font fouverains, & s'exécutent fans avoir besoin d'être confirmés. Or on demande quel eft l'état de l'homme condamné par fentence, pendant l'inftruction de l'appel.

Pour parvenir à une décifion fûre, il paroît néceffaire d'examiner la nature de l'appel en général.

L'appel n'eft autre chofe que la plainte portée au juge fupérieur de l'injuftice que renferme la fentence du juge fubalterne. Appellatio iniquitatis fententia querelam continet. l. 17. ff. de minorib. vig. quinque annis. Il réfulte de cette définition, qu'il doit fufpendre l'exécution de la fentence dont l'appel eft interjetté. Le but de celui qui a recours à cette voïe de droit n'eft pas uniquement d'annoncer au juge fupérieur que le juge inférieur a commis une injuftice. Ce feroit pour lui une confolation bien infructueuse. Son intention eft de recourir à la protection de celui auquel le premier juge eft foumis, & d'empêcher par cette voïe l'exécution du jugement dont il croit avoir droit de fe plaindre.

A quelle extrémité les citoïens feroient-ils réduits, s'il n'y avoit

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