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Il peut être vrai que le tableau ait été remis, que l'exécuteur ait reçu des ordres, qu'il fe foit difpofé à les exécuter: mais il peut également être vrai que l'exécution n'ait point été faite; que, par des raifons particuliéres, elle ait été fufpendue, & enfuite oubliée. En un mot, il eft clair que la remife du tableau peut avoir été faite, fans que l'exécution s'en foit enfuivie; & cela fuffit pour qu'on foit en droit de nier cette exécution puifque rien ne la prouve d'une maniére légale & autentique.

Mais il y a plus: c'eft que le regiftre de la geole fert à faire entendre la note mife au pié de la fentence. En réuniffant ces deux pièces, on voit qu'il y a eu des ordres donnés pour l'exécution; qu'on s'eft préparé à la faire ; que, dans la perfuafion qu'elle feroit faite, le greffier a commencé fon procès-verbal : mais on voit en même tems, par le défaut de fignature & de date, que l'exécution n'a point été faite, qu'elle a été fufpendue; & en conféquence, que le greffier ne s'eft pas trouvé en état de la dater & de la certifier.

On a bien voulu fuppofer jusqu'ici, que cette note étoit de la main du greffier : mais où en est la preuve ? L'écriture qui n'eft point fignée peut être donnée indifféremment à tout le monde : c'est la fignature feule qui défigne fon auteur. Il n'y auroit, tout au plus, qu'une vérification par experts, qui pourroit faire croire qu'elle eft de la main du greffier: mais cette vérification feroit-elle recevable dans cette efpèce? Quand on attaque l'état d'une perfonne, il faut avoir toutes fes preuves prêtes; il faut les adminiftrer fur le champ. La justice ne donne aucun délai, parcequ'elle s'eftime heureufe de trouver le moïen de maintenir le citoïen dans fon état. Nous en avons vû des preuves dans la fection précédente.

Enfin, quand les deux piéces dont il s'agit éleveroient des foupçons, des préfomptions, des vraisemblances, tout cela feroit infuffifant pour enlever un état dont on eft en poffeffion. Il y a trop de distance entre les apparences & la réalité, pour fe contenter des apparences dans une matiére auffi importante & auffi rigoureufe que celle dont il eft ici queftion. Ce n'est que fur des preuves légales qu'on peut fe porter à priver des citoïens de leur état. Or il n'y en a ici aucune. Il est donc impoffible de ravir aux enfans de de Bourbonne celui dont ils n'ont jamais ceffé de jouïr.

Mais, dit-on, jamais on n'a fuivi à la rigueur l'article de l'ordonnance concernant le procès-verbal d'exécution. Il a tou

jours été d'ufage d'énoncer fimplement, au pié de la fentence, qu'il a été prononcé & exécuté; c'est cette note qui a toujours tenu lieu de procès-verbal. Tous les jugemens de contumace, qui font au greffe du Châtelet, font dans cette forme. Ce feroit les anéantir que de ne pas fe contenter aujourd'hui de la mention dont il s'agit; & fi on la rejettoit, quel défordre ne porteroit-on pas dans les familles; puifque ce feroit autorifer tous les enfans des condamnés par contumace à revenir fur le même prétexte ?

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Deux choses à diftinguer dans ce raifonnement; l'usage allégué, & la crainte de troubler les familles. L'ufage n'eft point conftaté juridiquement; nul acte de notoriété ne l'attefte. Il doit donc être fort permis de le révoquer en doute. Mais fuppofons qu'il foit tel qu'on l'a dit, il faut d'abord convenir qu'il eft abufif, qu'il eft directement contraire à l'ordonnance, qu'il ne fçauroit, en un mot, être autorifé par la cour.

Il n'est donc queftion que de fçavoir quel peut être l'effet d'un usage abufif. Un pareil ufage peut bien être de quelque confidération, lorfqu'il tend à maintenir une perfonne dans fon état; parcequ'alors la poffeffion publique rectifie cet abus, & supplée à l'inobservation des régles mais il eft abfurde de prétendre qu'il doive avoir l'effet de détruire l'état dont on est en poffeffion. Par exemple, un enfant qui n'aura qu'un extrait baptiftaire informe, par l'effet de l'usage abufif d'une paroiffe, pourra s'en fervir, & s'autorifer même de l'ufage, pour fe faire maintenir dans fon état, s'il a été reconnu par la famille, & qu'il ait acquis une poffeffion publique de fon état : mais au contraire, pour le déplacer, pour le dégrader, on ne pourra fe fervir contre lui d'un extrait baptiftaire informe, qui le donneroit à une autre famille; parcequ'alors fa poffeffion d'état ne peut être détruite que par un titre légal, & tel qu'il ne puiffe fouffrir aucune efpèce de difficulté. Il doit en être de même dans l'efpèce préfente. Les enfans de de Bourbonne pourroient s'autorifer d'un usage abufif, pour fe conferver l'état dont ils jouïffent mais pour les priver de cet état, ce n'est : pas d'un ufage abufif que l'on peut s'autorifer; ce ne peut être que de titres parfaits & véritablement autentiques. La vérité de cette distinction est si claire, qu'il eft plus affé de la fentir que de l'exprimer.

On n'eft pas mieux fondé à craindre les fuites d'un arrêt rendu en faveur des héritiers de de Bourbonne. Quel trouble peut

porter dans les familles un arrêt qui ne feroit que maintenir toutes les parties dans l'état dont elles ont toujours jouï ? Ce n'eft pas comme s'il s'agiffoit de donner un état nouveau à ces héritiers; l'exemple pourroit être dangereux : mais il s'agit, au contraire, de leur laiffer celui qu'ils ont, de les laiffer cohéritiers avec leur coufin, comme ils l'ont déja été deux fois.

Il y a plus; c'eft qu'il eft impoffible que l'arrêt puiffe avoir aucune fuite funefte à la tranquillité publique. En effet tous les enfans des condamnés par fentences, au pié defquelles eft une fimple mention, font néceffairement dans une de ces deux fituations. Ou ils font par eux-même, & par leur pere en poffeffion de l'état civil, où bien ils font en poffeffion de l'état de mort civile.

A l'égard de ceux qui font en poffeffion de l'état civil par eux & par leur pere, il eft fenfible qu'il importe à la tranquillité publique qu'ils foient maintenus dans leur état; puifqu'autrement ce feroit porter le trouble dans une infinité de familles, déshonorer une partie des citoïens, & renverfer mille engagemens contractés fur la foi publique.

A l'égard de ceux qui ont vécu dans la privation des effets civils, leur poffeffion fera toujours contr'eux un titre qu'ils ne pourront détruire que par les preuves les plus victorieuses. Ce fera à eux à prouver leur droit & leur capacité; ce fera alors qu'il fera permis d'exciper contr'eux de l'ufage, quoiqu'abufif; parcequ'il ne s'agira que de les faire refter dans l'état dans lequel ils ont toujours été.

Loin même que les vûës du bien public foient contraires aux héritiers de de Bourbonne, elles font en leur faveur. S'ils étoient condamnés, cet arrêt pourroit avoir des fuites funeftes. Il peut en effet se trouver un grand nombre de familles dans lesquelles il y ait eu des coupables condamnés de la maniére dont l'a été de Bourbonne, & dont les enfans foient reconnus dans ces familles, & en poffeffion de toute la capacité civile. On ne manqueroit pas de fe fervir de l'arrêt pour les troubler dans leur état ; & dès-là, quel renversement n'y auroit-il pas à craindre dans une infinité de familles ?

L'arrêt qui intervint dans cette caufe ne peut être regardé comme une décifion. Il fut prononcé le 23 Février 1745. mais fur une tranfaction faite entre les parties. Ce qui eft caufe que le ministère public ne s'expliqua point non plus fur cette queftion. Il nous paroît que pour la décider, il faut diftinguer. Ou l'as

bus qu'on reproche aux greffiers du Châtelet exifte, ou il n'exifte pas. S'il n'existe pas, & qu'il ne fe trouve dans leurs regiftres que quelques notes femblables à celles dont il a été queftion dans cette affaire, & que le plus grand nombre des fentences de condamnation foient accompagnées d'un procès-verbal en forme, & tel que l'ordonnance l'exige; il eft certain que celles auxquelles on n'a appofé qu'une fimple note doivent être regardées comme non exécutées, & par conféquent comme n'aïant porté aucune atteinte à l'état de ceux contre qui elles ont été prononcées.

Si au contraire c'est un ufage conftant de n'appofer que des notes, on devroit d'abord corriger cet ufage. On ne doit point tolérer de négligence dans une matiére de cette importance. A l'égard de l'état de ceux qui fe trouvent dans ce cas, le bon ordre femble exiger qu'ils foient confervés dans l'état dont ils ont toujours jouï depuis leur condamnation. S'ils ont été en poffeffion de la vie civile, on doit la leur conferver. S'ils ont été en état de mort civile, on doit les condamner à y rester.

Mais on peut dire en général que puifque l'exécution de ces fortes de jugemens eft néceffaire, pour qu'ils puiffent produire quelqu'effet, cette exécution doit être conftante, & doit en même tems être conftatée fuivant la forme légale prefcrite par l'ordonnance de 1670.

SECTION

III.

Quand commence la mort civile lorfque l'exécution du jugement par contumace eft conftante?

La décifion de cette queftion doit fe trouver dans les articles 18, 28 & 29. du titre 17 de l'ordonnance de 1670. Mais avant que d'examiner ces articles, il eft néceffaire, pour en fixer le véritable fens, de remonter jufqu'aux loix Romaines & aux anciennes ordonnances du roïaume.

A l'égard des loix Romaines, nous avons vu qu'elles n'admettoient point les condamnations par contumace; mais qu'on annotoit les biens de l'accufé abfent, & qu'on les fcelloit. Voïez plus haut page 40 & fuiv. & page 50. où nous avons rapporté les loix qui autorifoient cet ufage.

Nous avons auffi fait voir, ibid. que l'accufé avoit une année pour se représenter, & que cette année couroit du jour que l'annotation étoit publique.

On mettoit donc fous le fçeau les meubles & les immeubles, & on vendoit même ce qui étoit périffable. Si l'accufé se repréfentoit dans l'année & fe purgeoit du crime, il recouvroit fes biens: mais fi dans ce délai il ne répondoit point à l'accusation ni perfonne pour lui, fes biens étoient confifqués.

On voit même que cette année de délai étoit tellement en faveur de l'accufé, que s'il fe repréfentoit & donnoit caution, la confifcation n'avoit point lieu; & s'il mouroit pendant cette année, fes biens paffoient à fes héritiers. Sed & Papinianus, libro 16. refponforum fcripfit requirendum adnotatum, fi provincia præfidem intrà annum adierit, & fatis obtulerit, non esse locum mandatis, ut bona fifco vindicentur. Nam & fi intrà annum mortuus fit, criminis caufa expirat & perit, & bona ejus ad fucceffores tranfmittuntur. l. 1. §. 4. ff. de requirend. vel abfent. damn.

Il faut remarquer que dans le droit Romain l'accufation criminelle devoit être terminée dans l'an. Caufa autem intrà annum terminatur. l. 6. §. 2. C. de cuft. reor. Et quoique Justinien dans la loi derniere au code, ut intrà certum tempus crimin. act. termin. accorde deux ans pour conduire à fin une action criminelle; on a perfévéré à obliger l'accusé à se représenter dans l'année, & à lui remettre les biens lorfqu'il fe repréfentoit dans ce tems.

Mais auffi celui qui avoit été cité en jugement, & qui n'avoit pas comparu dans l'année, expofoit fes biens à être confifqués fans retour, quand même il auroit dans la fuite prouvé fon innocence. Il ne faut cependant jamais perdre de vûë que nul laps de tems n'ôtoit à l'accufé le droit de prouver fon innocence. In fummâ fciendum eft, nullâ temporis præfcriptione, caufa defenfione fummoveri eum qui requirendus adnotatus eft. l. 4. §. 2. ff. de requir. vel abfent. damn.

Nous avons cru devoir rappeller ces difpofitions du droit Romain; parcequ'elles femblent être la fource de plufieurs de nos ordonnances, fur la queftion que nous traitons ici.

Les loix d'où ces détails font puifés fe trouvent rapportées aux endroits cités plus haut.

Il faut donc diftinguer dans les loix Romaines deux fortes de difpofitions; les unes concernant les biens de l'accufé, les autres concernant le pouvoir qu'il avoit de fe représenter pour fe laver de l'accufation.

A l'égard de fes biens, il falloit, s'il les vouloit conferver, qu'il fe repréfentât dans l'an, du jour qu'ils avoient été annotés,

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