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tenu de toutes les dettes de la fucceffion; mais qui s'en libère fitôt qu'il renonce. De même le condamné, tant qu'il refte dans le filence, & qu'il ne fait point connoître s'il eft dans l'intention de fe juftifier, demeure toujours dans les liens de la condamnation prononcée contre lui: mais fitôt qu'il s'explique, il reprend fa liberté, rentre dans tous fes droits, & fe débarraffe des entraves dans lesquelles il étoit resté par fon filence.

Il eft vrai que l'ufage du parlement de Paris paroît directement oppofé à notre opinion. Suivant cet ufage, on juge que le contumax, qui meurt pendant les cinq ans, meurt integri ftatus. C'eft ce qui eft attefté par le Brun, en fon traité des fucceffions, liv. 1. chap. 1. fect. 2. & 3. par Ricard, traité des donations, part. 1. chap. 3. fect. 4. n. 255. & fuiv. & par plufieurs autres auteurs. Or, dira-t-on, cet ufage étant conftant & ne pouvant être révoqué en doute, il en faut néceffairement tirer la conféquence que, tant que les cinq années durent, le condamné n'a point perdu la vie civile; autrement il faudroit dire que la mort naturelle produiroit l'effet de lui rendre, pour le tems qu'il a vécu depuis fa condamnation, des facultés dont il auroit été privé, s'il eût continué de vivre, même dans le tems pour lequel il les recouvre après fon décès; ce qui paroît abfurde..

Pour répondre à cette objection, nous foutenons que l'article 29. du titre 17. de l'ordonnance de 1670. rapporté plus haut donne à la mort naturelle du condamné, arrivée dans les cinq ans, le privilége de le faire déclarer mort integri status, quoiqu'il ait vécu, depuis fa condamnation, en état de mort civile; enforte que cet article ne fufpend pas entiérement la mort civile, pendant les cinq ans; car ce privilége n'eft point accordé au laps des cinq années, mais feulement à la mort naturelle de l'accufé, furvenuë pendant ce terme. Ce tempérament femble convenir à l'humanité, parcequ'il peut arriver qu'un innocent accufé & condamné pendant fon abfence, n'ait pas eu fitôt connoiffance de fon jugement, & que la mort ait prévenu la réfolution où il étoit de venir fe laver. Il peut encore arriver qu'il en ait eu connoiffance auffitôt : mais que les circonstances ne lui aïent pas permis de se représenter, & qu'il ait été furpris de la mort dans le tems qu'il travailloit à lever les obftacles qui l'arrêtoient.

L'Edit des duels ne s'oppose point à cette interprétation de l'ufage. Il faut obferver d'abord que les termes, incapables & indignes, qui fe trouvent dans la premiére partie de l'article 27. n'ont

ordinairement d'autre effet que d'exclure le condamné des fucceffions qui pourroient lui écheoir, & d'appeller en fa place, les héritiers du dégré fuivant; fes enfans, par exemple, s'ils font nés dans un tems où le crime de leur pere ne puiffe influer en rien fur leur état : ou, s'il n'a point d'enfans qui foient dans ce cas, les autres héritiers qui doivent venir après lui, fuivant l'ordre naturel des fucceffions. Mais ici, les fucceffions, dont les duelliftes font privés par cet article , ne paffent point à leurs héritiers; elles paffent au fifc. Et fi les fucceffions font échuës avant la reftitution, la feigneurie & la justice des terres feront exercées en notre nom. Ce qui prouve bien clairement que la propriété en paffe au Roi, à titre de confiscation.

Il faut encore obferver que ces termes, qui fe trouvent dans Particle, & qu'ils fe faffent reftitués, ne fignifient point l'abfolution de la condamnation; mais feulement la repréfentation du condamné : ce qui résulte de la difpofition contenue en la feconde partie de l'article, qui ne prononce la perte irrévocable que des fruits feulement. Donc les fonds doivent être rendus, en cas d'absolution.

Cela pofé, cet article fignifie deux chofes la premiére, que le fifc ne rendra point aux condamnés pour duels les fucceffions à eux échuës dans les cinq ans, quoiqu'ils fe foient représentés, dans ce tems. La feconde, qu'il ne les rendra point non plus quoiqu'ils fe repréfentent après les cinq ans. Car le mot enfuite qui fe trouve à la fin de la premiére partie de l'article s'interpréter après les cinq ans.

doit

Or, dans l'un & l'autre cas, il n'y a rien qui détruifele principe qui confifte à dire, que les condamnés pour autre crime que le duel, quand ils meurent dans les cinq ans, meurent integri ftatus. En effet, il eft clair que le légiflateur a voulu, par cet article de l'édit des duels, faire contre les coupables de ce crime, une exception à la régle générale: or, pour découvrir quelle eft la règle générale, il faut de cette exception tirer un argument à contrario. Les condamnés , par contumace pour raifon de duel, perdent leurs biens, fans qu'ils leur foient reftitués, lors même qu'ils fe repréfentent, encore que ce foit dans les cinq ans, & ne peuvent en prétendre la reftitution, que dans le cas où ils obtiennent un jugement d'absolution. Ils perdent même les fruits, fans efpoir de retour, quand même ils fe représenteroient dans les cinq ans, & qu'ils feroient enfuite déclarés abfous. Ceux, au contraire, qui font condamnés

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pour raifon de quelqu'autre crime, s'ils fe repréfentent dans les cinq ans, rentrent dans la propriété de leurs biens, & on leur rend même les fruits perçus jufqu'au moment de leur repréfentation, s'il obtiennent un jugement d'abfolution. S'ils paffent les cinq ans fans fe repréfenter, ils peuvent espérer de rentrer dans la propriété de leurs biens. Il n'y a que les fruits & revenus dont la perte foit irrévocable.

L'exception contenue dans l'édit des duels ne tombe donc que fur les effets différens que produit la représentation en cas de condamnation pour duel, & ceux qu'elle produit lorfque cette condamnation a quelqu'autre crime pour motif. Et la raison de cette rigueur, contre ceux qui font accufés de duel, eft que le Roi, voulant couper la racine d'un crime fi contraire à l'humanité, à la religion & au bien de l'état, a voulu en punir même le foupçon. Or tout homme qui étant abfent, fel trouve accufé de ce crime, & ne comparoît point aux citations qui lui font faites, donne lieu de le foupçonner coupable.

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L'article dont on vient de parler peut encore être fufceptible d'un autre fens. Ces termes fans espérance de reftitution, à compter du jour de la condamnation par contumace, peuvent frapper tout-àla fois fur les deux difpofitions qui concernent les fonds & les fruits & ces termes encore qu'ils fe fuffent reftitués, pourroient fignifier; encore qu'ils euffent été abfous. Auquel cas le fens de Particle feroit que l'abfolution même ne feroit point rendre au condamné pour duel les fucceffions échues pendant l'inftruction de la contumace: mais qu'étant demeuré capable de les recueillir, au lieu de paffer für fa tête, elles feroient échuës au fifc, qui les auroit recueillies au lieu de lui. Dans ce fens, cet article ne fera point encore contraire à notre opinion, puifque l'argument qu'on pourra tirer, à contrario, de cet article pris dans ce point de vue, fera que l'abfolution, dans le cas des autres crimes, fera rendre aux accufés les fucceffions qui leur feront échuës; ce qui ne tombe point fur la queftion préfente.

Enfin cet article ne peut avoir pour objet l'accufé qui feroit mort dans les cinq ans, puifqu'il le fuppofe toujours vivant. Ainfi l'énonciation des cinq ans ne peut avoir trait qu'à l'échéance d'une fucceffion, ou à la représentation, ou à l'absolution; ce qui ne peut concerner qu'un homme vivant.

Ajoutons que l'équité naturelle vient à l'appui du parti que nous prenons ici. Dans les jugemens en matiére criminelle on doit toujours incliner vers la douceur & vers la liberté.

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Quand il y a lieu de se prêter à des préfomptions, on doit toujours s'abandonner à celles qui tendent à la juftification de l'accufé. Ici on peut préfumer, à la vérité, qu'il étoit coupable, & que, par conféquent, il ne fe feroit pas représenté; qu'il ne feroit pas venu livrer fa tête entre les mains de la juftice, qui n'auroit pas manqué de févir contre lui, & de lui faire fubir toute la rigueur des peines qu'il avoit méritées par fon crime.

Mais d'un autre côté, on peut auffi préfumer qu'il étoit innocent; que s'il a été condamné, c'est que, par fon abfence, il étoit hors d'état de repouffer l'accufation, & de mettre fon innocence au jour : que cette abfence étoit causée par des obstacles qu'il ne pouvoit pas lever; ou même par la crainte de ne pouvoir pas prouver fon innocence à des juges prévenus, & que leur qualité d'hommes rend faillibles; de ne pouvoir en un mot, résister à la malice de fes ennemis, qu'il fçavoit ne rien ménager pour le perdre, puifqu'ils avoient eu la noirceur d'intenter & de pourfuivre contre lui une accufation capitale.

pas,

Or, comme cette derniére préfomption eft favorable, qu'elle eft plus conforme à l'humanité, c'eft celle à laquelle la juftice ne manque jamais de fe livrer; enforte que la mort naturelle, arrivée dans les cinq ans du jour de l'exécution du jugement par contumace, a un effet rétroactif au jour qui a précédé cette exécution. C'est une fiction de droit, par laquelle on fuppofe que l'accufé eft mort avant fa condamnation; & que, par conféquent, il eft mort integri ftatûs.

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En quel état meurt le condamné par contumace, qui s'est repréfenté, & qui décède avant le fecond jugement?

Si la mort naturelle rend l'état à un condamné qu'elle furprend pendant fa fuite, elle doit, à plus forte raifon, produire le même effet, lorfque ce condamné s'eft livré lui-même à la juftice. La préfomption en faveur de fon innocence eft bien plus forte & plus fondée. Il eft conftant qu'il falloit qu'il y comptât beaucoup, puifqu'il s'eft expofé à l'événement du jugement, S'il a été arrêté forcément, la présomption n'eft pas fi fort en sa faveur : mais l'humanité y fupplée; & l'on doit confidérer un tel homme, comme étant dans le cas de celui dont on inftruit le procès, pour la premiére fois, & qui décède pendant l'in

ftruction.

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Quand commence la mort civile d'un homme qui avoit été condamné par contumace, & qui eft enfuite condamné contradictoirement, après s'être représenté?

En examinant cette queftion fuivant les principes adoptés en matiére civile, il semble qu'il ne devroit pas y avoir de difficulté à juger que le condamné ne doit être réputé mort civilement que du jour du jugement contradictoire, qui ne devroit point avoir d'effet rétroactif au jour de l'exécution de la condamnation par contumace. Les condamnations prononcées au civil n'ont d'effet que du jour du jugement contradictoire, lorfque la partie condamnée a été reçue oppofante au jugement prononcé par défaut. La raison eft qu'on juge, comme dans le cas de la repréfentation, qu'une fimple oppofition fuffit, pour anéantir un jugement par défaut.

Mais il n'en eft pas de même dans le cas préfent. La condamnation prononcée contradictoirement, après un jugement de contumace précédent, a un effet rétroactif au jour de l'exécution du premier jugement : enforte que la mort civile, pendant l'instruction de la procédure qui fe fait contradictoirement avec le coupable qui s'eft repréfenté, demeure fufpenduë, pour reprendre toute fa force, & produire tous les effets qui en font une fuite néceffaire, après la condamnation prononcée contradictoirement.

La raifon eft que les préfomptions favorables n'ont plus lieu dans ce cas. L'accufé avoit été trouvé coupable, lors de l'instruction de la contumace. Il eft encore trouvé coupable, quoiqu'il fe foit représenté, quoiqu'on ait inftruit le procès de nouveau avec lui, & qu'il eût, par conféquent, toutes les facilités de prouver fon innocence, s'il avoit été poffible. Il ne mérite donc autre chofe, que toute l'indignation de la justice, qui ne peut fe prêter à rien qui puiffe être favorable à ce coupable. Or on préfume, dans ce cas, que s'il s'eft abfenté, & s'il ne s'eft pas repréfenté, c'étoit dans l'efpérance d'affoiblir les preuves de fon crime, foit parceque les témoins mourroient pendant ce tems, foit parcequ'on perdroit les traces & les veftiges tant du crime même, que de ce qui pourroit conduire à en connoître l'auteur avec certitude. Tels font les motifs de cette jurifprudence, autorisée par plusieurs arrêts; entr'autres un du 23 juillet 1626. rapporté par Bruneau, traité des criées, partie 2. des criées fur les abfens & condamnés à mort par contumace, p. 527. & par Bardet.

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