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hon ne peut pas demeurer vacante, elle feroit dès lors au premier occupant, fuivant un principe puisé dans la nature, que Juftinien a inféré dans ses inftitutes . 12. de rer. divif. Quod nullius eft, id naturali ratione occupanti conceditur.

Si la fucceffion refte vacante pendant que l'héritier délibére, il faut ou que l'état s'en empare, ou qu'on feigne que le défunt. continuë de pofféder, ou qu'on feigne que l'héritier préfomptif a commencé à pofféder dès l'inftant de la mort. Il n'y a que le choix de l'une ou de l'autre de ces fictions qui puiffe exclure. le fifc; à moins qu'on ne laiffe la chofe au premier occupant.

C'eft ce qu'on a reconnu en Bretagne. Suivant la coutume de cette province, la faisine n'a lieu qu'en directe; ce qui fait qu'on donne au fifc la faifine des fucceffions collatérales pendant que l'héritier délibére. En fucceffion collatérale, dit l'article 540. La justice de celui qui a fief & obéissance eft faifie de la fucceffion.

La coutume de Bretagne eft la feule, dans tout le roïaume, qui contienne une femblable difpofition. Le fifc eft exclus par le droit François, comme il l'étoit par le droit Romain: mais le droit Romain avoit choifi une des deux fictions, & le droit François a choifi l'autre.

Suivant le droit Romain, on feignoit que le défunt continuoit de pofféder; à l'effet de quoi on avoit, pour ainfi dire, perfonnifié l'hérédité. Hereditas perfona defuncti qui eam reliquit vice fungitur. l. 116.§. 3. ff. de legat. 1°. Ils l'avoient tellement perfonnifiée, qu'on la regardoit comme repréfentant véritablement le défunt,. & aïant la propriété des efclaves qu'il avoit laiffés en mourant. Hereditarium fervum, antè aditam bereditatem, ideò placuit heredem inftitui poffe, quia creditum eft hereditatem dominum effe, defuncti locum abtinere. l. 31. §. 1. ff. de hered. inftit.

Il n'y avoit que le cas des héritiers fiens, c'eft-à-dire, des enfans en puiffance paternelle, qui fût excepté. Comme ils étoient réputés, du vivant de leur pere, co-propriétaires & co-poffeffeurs, à caufe de l'efpéce de communauté qui réfultoit de l'affociation de tous les membres d'une famille, c'étoit leur propre poffeffion. qu'ils continuoient : mais, à l'exception de ce cas, on allongeoit. la poffeffion du défunt, en donnant en quelque forte un corps phantaftique à l'hérédité même.

Suivant le droit François, l'héritier eft faifi à l'inftant même de la mort du défunt, fans attendre fon adition. La poffeffion fe continue, fans aucune interruption, du défunt à l'héritier.

Cette poffeffion de l'héritier eft à la vérité une fiction de la

loi mais elle est bien moins contraire à la nature; que celle des loix Romaines, qui laiffoient au défunt la poffeffion après fa mort; ou du moins qui créoient un être imaginaire, & faifoient un perfonnage d'un vain nom, c'est-à-dire, l'hérédité. Ainfi la fiction que nous avons introduite a pour objet d'en faire ceffer une qui étoit beaucoup plus outrée.

Auffi le païs de droit écrit a-t-il applaudi à cette invention du droit coutumier; de forte que la faifine est devenuë le droit commun de tout le roïaume. Nos voifins les plus attachés au droit Romain y ont applaudi de même, & ont embrassé notre régle. C'eft ce qu'a remarqué Tiraqueau. Il rapporte, dans fa feconde déclaration, toutes les coutumes du roïaume qui ont introduit la régle, tous les ftaturs d'Italie qui l'ont embraffée, & tous les auteurs qui en ont parlé avec éloge. Il dit même, dans la troifiéme déclaration, qu'il n'y a rien de plus fage dans nos loix. Ut non fine magnâ quâdam ratione id ftatutum à populis fuiffe videri debeat. Quiconque veut faire attention au génie du droit François voit pourquoi la fiction du droit Romain étant outrée établi parmi nous la règle que nous suivons.

on a

Le fifc a droit de s'emparer, dans ce roïaume, de tout ce qui n'a point de maître. Nous ne connoiffons point de propriété vacante, & jamais il n'y a lieu au droit du premier occupant. Les épaves, tant mobiliaires qu'immobiliaires, appartiennent au fifc. Par une fuite de ce principe, il eût fallu faifir le fifc de la fucceffion, pendant la délibération de l'héritier, comme on a fait en Bretagne, pour les fucceffions collatérales. Or nous n'avons point de régle plus précieufe en France que celle-ci, Fifcus poft omnes. Tous les auteurs l'ont célébrée comme une maxime de notre droit, qui faifoit honneur à la modération de nos princes. Il a donc fallu établir une fiction qui fît ceffer le droit du fifc. Les Romains en avoient établi une mais elle étoit outrée, elle n'avoit aucune reffemblance avec la réalité. On en a trouvé une plus raifonnable & plus conforme à la vraisemblance; on s'y eft attaché, & on en à fait une loi.

Telle eft donc la raifon fondamentale de la régle le mort faifit te vif, Dans la néceffité d'introduire une fiction pour faire ceffer deux droits également dangereux & odieux, celui du premier occupant, ou celui du fifc, on a préféré une fiction raisonnable, qui n'entraîne aucun inconvénient, qui n'a rien de contraire à la nature à celle que les loix Romaines avoient faire, & qui heurtoit également la raison & la vraisemblance,

Le principal effet de cette régle confifte en ce que tous les droits concernant l'adition d'une hérédité fe forment & fe réalifent à l'inftant de la mort.

Les Romains avoient déja bien fenti la néceffité de cet effet rétroactif. Omnis hæreditas, quamvis pofteà adeatur, tamen cum tempore mortis continuatur. l. 138. de reg. jur. Cet effet eft bien plus plein parmi nous. Tout remonte jufqu'au moment même de l'ouverture de la fucceffion, l'acceptation, la renonciation, le partage. C'est ce qui fait auffi que les dettes du défunt ne s'impriment pas fur les biens de l'héritier, ni celles de l'héritier fur les biens de l'hérédité, quand il y a renoncé : c'eft ce qui fait que le partage réfout les hipotéques des co-partageans; ce qui n'avoit pas lieu chez les Romains. C'eft pourquoi tous ces actes n'opérent aucune mutation, & ne donnent lieu à aucuns droits feigneuriaux.

C'est donc un principe certain, & qu'on ne peut révoquer en doute dans aucun cas, fans heurter de front les notions les plus communes, & fans vouloir faper toutes nos maximes en matiére de fucceffion, que la règle le mort faifit le vif eft une fiction établie par les coutumes. Qu'en vertu de cette fiction, l'hoir plus proche vivant, appellé par la loi à la fucceffion d'un défunt, & capable de la recueillir, eft faifi par elle de cette fucceffion dans l'inftant de fon ouverture; en forte que la poffeffion dans laquelle le défunt étoit de fes biens, pendant fa vie, paffe de plein droit, dans l'instant même de fa mort, en la perfonne de fon hoir plus proche & habile à lui fuccéder. Cet hoir en eft faifi par la loi ; & cette poffeffion continue en fa perfonne fans aucune interruption; de façon qu'il eft cenfé & réputé dans la poffeffion des biens du défunt, quoiqu'il n'ait point encore accepté fa fucceffion, & qu'il puiffe y renoncer. Cela eft fi vrai que, quoiqu'il ne fe foit point encore expliqué fur le parti qu'il doit prendre, on peut diriger contre lui toutes les actions qu'on auroit pû intenter contre le défunt; & il n'en peut arrêter la pourfuite, que par une renonciation expreffe.

Appliquons ces principes au fentiment de Bafnage. Nous avons établi qu'un homme, quoique coupable, quoiqu'accufé d'un crime capital, quoique pourfuivi en juftice, & même condamné par un premier jugement dont il y a appel, pour raifon de ce crime, jouït de la plénitude de fon état. Il continue toujours d'être compté au nombre des citoïens, jusqu'à ce qu'il en ait été retranché par un jugement exécuté. Il y a, il eft vrai certains crimes dont l'atrocité fait remonter les effets de la

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mort civile jufqu'au jour où ils ont été commis : mais nous n'examinons point ici ce cas. Il est donc certain qu'un homme dans l'état dont il eft queftion doit recueillir toutes les fucceffions qui lui arrivent. Comme citoïen, il eft l'hoir le plus prochain habile à fuccéder, & cette qualité ne lui eft ravie qu'à l'instant de la mort civile. La régle le mort faifit le vif doit donc avoir fon effet en fa faveur, puifqu'il n'y a aucun obftacle qui arrête cet effet. Par conféquent il fe trouve faifi par la feule force de la loi, fans qu'il foit befoin d'aucun acte de fa part. La loi agit pour lui, & lui imprime une qualité, dont il ne peut être dépouillé que par une abdication expreffe.

Le motif qui a déterminé Bafnage ne paroît pas fuffifant pour détruire une régle adoptée généralement par tout le roïaume. Une loi ne fe détruit que par une autre loi, poftérieure & précise. Cet auteur fe fonde fur la faveur des héritiers, & fur la défaveur du fifc. Si l'accufé eft capable d'hériter, les fucceffions qui lui arrivent, s'il n'y renonce pas, font partie des biens dont il fe trouve en poffeffion, dans le moment où il eft frappé de la mort civile; par conféquent elles tombent dans la confifcation, & tournent au profit du fifc, au préjudice des héritiers : au lieu qu'en fuppofant que le filence du coupable équivaut à une renonciation expreffe, les fucceffions paffent aux héritiers du dégré le plus prochain après lui; ce qui prive le fifc.

Il eft vrai qu'en général le fifc eft défavorable : mais cette défaveur n'autorife pas à enfreindre des loix clairement établies, pour le priver de fes droits. S'il en étoit ainfi, jamais il ne pourroit avoir raifon dans aucun tribunal, & tous fes droits fe trouveroient anéantis. La défaveur qu'on lui attribue confifte feulement à fuivre ftrictement les loix qui lui font favorables, fans leur donner aucune étendue, & en les renfermant exactement dans les cas dont elles font mention; & à donner au contraire le plus d'étendue qu'il eft poffible à celles qui lui font défavorables, fans cependant les altérer, ni même en forcer le fens.. Or, fi l'on en veut croire Bafnage, la régle le mort faifit le vif sera non-feulement reftreinte ; mais elle fe trouvera totalement détruite & fupprimée : ce qui ne fe peut fans une loi autentique. Il n'y en a point. Ainfi nous ne croïons pas que l'arrêt dont il autorise son sentiment doive être fuivi, à moins qu'il n'y eût dans l'efpéce quelque circonftance particuliére, qui l'aura mife hors de la régle générale, & qui aura déterminé les juges.

Le même auteur examine enfuite la queftion fi un homme appellant

appellant d'une condamnation de mort confirmée par arrêt, est capable de recueillir une fucceffion à lui échuë pendant l'appel ; & il décide pour l'incapacité d'après un arrêt du 10 Janvier 1630. rapporté au journal des audiences. Cette décifion eft conforme aux principes que nous avons établis plus haut; qui font que l'appel tient l'état du condamné en fufpens. Si le jugement est infirmé, il n'a point encouru la mort civile; s'il eft confirmé, l'arrêt a un effet rétroactif au jour de la fentence. Voïez liv. 2. chap. 2. fect. 2.

SECTION II.

De l'incapacité de tranfmettre par fucceffion aux héritiers du fang.

Comme l'ouverture de la fucceffion d'un homme mort civilement regarde les tiers dont les droits fe trouvent ouverts par cette mort civile, nous croïons devoir renvoïer cette matiére à l'article fecond, où elle nous fournira un chapitre divifé en plufieurs fections.

SECTION III.

De l'incapacité de tefter.

Le teftament est un acte par lequel nous difpofons, après notre mort, des biens dont nous jouïffions pendant notre vie. Nous en transférons la propriété à qui bon nous femble, comme fi nous étions encore vivans. Notre empire s'étend fur des chofes que nous ne pouvons plus pofféder. Cette faculté femble être oppofée à la nature, & nous ne la tenons que de la loi feulement, qui a cru devoir nous donner la fatisfaction de procurer, après notre mort, un bien être à ceux à qui nous avons été attachés pendant notre vie, & de qui nous avons reçu des bienfaits. Or cette faculté étant un préfent de la loi civile feulement elle ne l'a fait qu'à ceux qui vivent fous fon empire & qui font membres de la fociété qu'elle régit. Ainfi ceux qui font morts civilement, étant retranchés du nombre des citoïens, font incapables de tefter.

Cette maxime nous a été dictée par le droit Romain. Si cui aquâ & igni interdictum fit, ejus nec illud teftamentum valet quod antè fecit, nec id quod pofteà fecerit. l. 8. §. 1. ff. Qui teftam. fac. poff. In infulam deportati in eâdem causâ funt. §. 2. ibid. Hi verò qui

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