Imágenes de páginas
PDF
EPUB

SECTION VIII.

Des peines prononcées contre un François en païs étranger.

Les juges ne tiennent leur autorité que du prince, dans les états duquel ils exercent la juftice. Le pouvoir de chaque prince ne s'étend point au-delà des bornes du païs foumis à fa domination; d'où il fuit néceffairement qu'un jugement de mort prononcé en païs étranger contre un François fujet du Roi, pour un crime par lui commis dans le païs où il a été condamné, ne lui ôte point les droits de citoïen en France.

Cependant quelques auteurs, comme Chopin & la RocheFlavin, foutiennent que la confifcation ordonnée par un monar que s'étend aux biens que le condamné peut pofféder dans une autre monarchie. Le dernier rapporte même un arrêt du parlement de Toulouse, par lequel les biens d'un François condamné en Espagne ont été adjugés au fisc, au préjudice des héritiers, quoique le juge d'Espagne eût accordé au condamné le pouvoir de tefter: mais, comme remarque Bafnage, fur l'art. 235. de la coutume de Normandie, d'après Ricard, la jurifprudence du parlement de Paris eft contraire à celle de Touloufe; & elle eft plus équitable. On peut voir cet auteur à l'endroit cité, & fur l'art. 143. de la même coutume. Enforte que, fuivant fon avis, qui doit être fuivi, & qui eft conforme à celui de prefque tous ceux qui ont eu occafion de parler de cette matiére, un François exécuté hors du roïaume, eft confidéré parmi nous, comme un crimi nel, qui feroit mort naturellement avant fa condamnation; c'est-à-dire, jouïffant de tous fes droits.

O qu

[blocks in formation]

Quand commence la Mort Civile.

Na vu, dans le premier Livre de cette feconde Partie; qu'entre les condamnations qui ne vont point à la mort naturelle, il n'y en a que trois qui emportent la mort civile; fçavoir, les galéres à perpétuité, le banniffement hors du roïaume à perpétuité, & la prifon perpétuelle.

Ces condamnations, auffi-bien que celles qui tendent à la

mort naturelle, quand elles ne font pas exécutées fur la per fonne contre qui elles ont été prononcées, privent auffi de la vie civile, pourvû qu'elles foient accompagnées des formalités prefcrites à cet effet.

Il arrive qu'elles ne font pas exécutées fur la perfonne du condamné, lorfqu'il a pris la fuite avant que la justice ait eu le tems de fe faifir de lui. On le condamne alors, quoiqu'absent : c'est ce qu'on appelle condamnation par contumace.

A l'égard de celles qui ont été prononcées contradictoirement, c'eft-à-dire au coupable lui-même; pour fçavoir de quel inftant elles opérent la mort civile, il eft néceffaire de fuivre le coupable dans toutes les fituations dans lefquelles il peut fe trouver depuis l'inftant de l'accufation, & même du crime commis, jufqu'au moment de l'exécution de fon jugement; foit que ce jugement foit en dernier reffort, comme quand il a été prononcé prevotalement; foit qu'il ait befoin d'être confirmé par un juge fupérieur.

Áinfi, après avoir examiné ce que c'eft que les condamnations par contumace, & fi elles étoient en ufage chez les Romains, nous fuivrons le coupable dans toutes les circonftances où il peut fe trouver jufqu'à l'exécution du jugement, quand il est contradictoire. Énfuite, nous examinerons quels font les effets de la contumace, & de quelles formalités elle doit être accompagnée pour produire ces effets.

[blocks in formation]

Ce que c'est que condamnation contradictoire, & condamnation par contumace; quelle étoit la jurisprudence

C

Romaine fur cette matiére.

ONTUMACE vient du mot latin contumacia, qui fignific defobéiffance. Ce mot fignifie proprement, en terme de palais, le refus que fait de comparoir en justice, celui qui eft ajourné ou décrété pour raifon de quelque délit dont il eft acculé. On exprime ce refus par le mot de contumace, qui dérive du latin contumacia defobéiffance; parceque celui qui fe trouve dans ce cas, defobéit aux ordres de la juftice, à laquelle tout membre de la fociété eft foumis, & doit rendre compte de fa conduite, quand elle croit devoir l'exiger. Ainfi, par contumace

en matiére criminelle, on entend précisément la même chose que par défaut en matiére civile; enforte qu'un jugement par contumace eft la même chofe qu'un jugement par défaut.

Le jugement contradictoire, au contraire, eft celui qui est prononcé après que toute l'inftruction a été faite avec le coupable qui étoit préfent, & qui a emploïé tous les moïens légitimes de défense.

Les jugemens par contumace, non-feulement n'étoient point en ufage parmi les Romains; mais ils étoient prohibés par les loix. Ils regardoient comme contraire à l'équité naturelle de condamner un homme fans l'avoir entendu, & fans qu'il pût répondre aux accufations qu'on lui imputoit. Divi Severi & Antonini Magni refcriptum eft, ne quis abfens puniatur. Et boc jure utimur, ne abfentes damnentur. Neque enim, inauditâ causâ, quemquam damnari -aquitatis ratio patitur. l. 1. ff. de requir. vel abfent. damnand. Abfentem in criminibus damnari non debere divus Trajanus Julio Frontoni refcripfit. 1. 5. Ibid. de pænis

Lorfqu'un accufé étoit abfent, on annotoit fes biens, & on en faififfoit les revenus. Le mobilier, qui étoit en danger d'être perdu, fe vendoit, & on en mettoit le prix en dépôt. On faifoit enfuite publier l'annotation, afin que celui à qui les biens appartenoient pût en avoir connoiffance, & fut averti par-là, de fe rendre devant le juge, pour fe juftifier de l'accusation qui étoit intentée contre lui. Le président de la province le faifoit chercher, & écrivoit aux magiftrats des lieux où il pouvoit être, d'en faire faire la perquifition. Si, dans l'efpace d'un an à compter du jour de l'annotation, il ne paroiffoit pas, fes biens étoient confifqués au profit du fifc; & cette confifcation étoit fans retour, quand même il feroit revenu après l'an expiré, & quand il fe feroit lavé de l'accufation: mais s'il revenoit dans l'an, & s'il fe purgeoit, on lui reftituoit tous fes biens. Et fi après s'être préfenté il venoit à mourir, quoiqu'il ne fe fût pas encore purgé, fes biens paffoient à fes héritiers. Abfens requirendus adnotatus eft, ut copiam fui præftet. l. 1. §. 1. ff. de requir. vel abfent, damnand. Mandatis cavetur, intrà annum requirendorum bona obfignari, ut, fi redierint, & se purgaverint, integram rem fuam babeant. Si neque refponderint, neque qui fe defendant, habuerint; tunc poft annum bona in fifcum coguntur. Et intrà annum medio tempore moventia, fi qua funt, ne aut morâ deteriora fiant, aut aliquo modo intereant, venire debere, pretiumque eorum in depofito esse divi Severus & Antoninus fanxerunt. 1. 5. Ibid,

Cum

Cum abfenti reo gravia crimina intentantur, fententia feftinari non folet, fed annotari, ut requiratur, non utique ad pœnam, fed ut potestas ei fit purgandi fe, fi potuerit. Poftquam verò requirendus factus intrà annum redierit, fi fe crimine purgaverit , res arbitrio judicis fignatas recipiat. Sin verò intrà id tempus reverfus, poft intimationem fuam fuerit defunctus; etfi necdum fe purgaverit, ad baredes proprios res tranfmittat. l. 1. Cod. de requir. reis.

Quicumque ex eo die, quo reus fuerit judicio petitus, intrà anni fpatium noluerit adeffe judicio; res ejus fifco vindicentur. Et fi pofteà repertus, nocens fuerit deprehenfus, feveriori fententia fubjugetur. Sed fi argumentis evidentibus, & probatione dilucidâ innocentiam fuam purgaverit, nihilominùs facultates ejus penès fifcum remaneant. 1. 2. eod.

Annus exindè computandus eft, ex quo ea adnotatio, quæ vel edicto, vel litteris ad magiftratus factis publicè innotuit. l. 4. ff. de requir. vel abfent. damn.

Mais on demande quel étoit l'état de l'accufé pendant cette année que les loix lui accordoient pour pouvoir recouvrer fes biens en fe repréfentant; & même après cette année écoulée quand il ne s'étoit pas repréfenté?

Quoique les loix ne difent rien de pofitif à ce fujet, il semble qu'il eft aifé de comprendre qu'il confervoit la qualité & les droits de citoïen, quand il ne fe retiroit pas en païs étranger & qu'il ne devenoit pas transfuge. En effet, il n'avoit contre lui qu'une fimple accufation qui pouvoit être fauffe, & dont on ne pouvoit découvrir la vérité, puisqu'on ne faifoit aucune pourfuite pour s'en inftruire. Or peut-on raifonnablement préfumer qu'un peuple auffi fage & auffi éclairé que les Romains, fit perdre l'état à un citoïen fur un prétexte auffi léger? C'étoit bien affez qu'on punît fon obftination à s'abfenter, par la perte de fes biens.

D'ailleurs, les loix n'ont pas été fi muettes fur cette matiére qu'on pourroit bien fe l'imaginer. Lorsque le fifc laiffoit paffer vingt ans fans fe mettre en poffeffion des biens de l'accusé absent, la propriété lui en revenoit à lui, ou à fes héritiers. Sed fi per viginti annos fifcus bona non occupaverit, pofteà prafcriptione vel ab ipfo reo, vel ab hæredibus ejus fubmovebitur. l. 2. §. 1. eod.

Les prefcriptions proviennent certainement du droit civil. Inftitut. de ufucap. & longi temp. præfcript. Il n'y avoit donc que les feuls citoïens Romains qui puffent en profiter. D'où il fuit néceffairement que l'accufé, qui ne s'étoit pas représenté dans

F

l'an, étoit toujours citoïen, puifqu'il pouvoit oppofer la prefcription au fifc, pour rentrer dans fes biens.

D'ailleurs, comme on le verra dans la fuite, il n'y avoit que les feuls citoïens qui puffent tranfmettre leurs droits à leurs héritiers. Cependant la loi qui vient d'être citée, donne aux héritiers de l'accufé abfent le droit d'opposer au fifc la pref'cription. Il étoit donc citoïen.

Quelques auteurs ont penfé que le droit des novelles avoit introduit les condamnations par contumace en matiére criminelle. Nous allons examiner leur fentiment, en difcutant, le plus fuccinctement qu'il fera poffible, les paffages fur lefquels ils se fondent.

Il y en a qui, pour foutenir leur opinion, argumentent de la povelle 112. ch. 3. Mais 1o. ils n'ont pas fait attention qu'il n'eft aucunement queftion de matiéres criminelles dans cette novelle. 2o. Elle n'a pour objet que d'obliger ceux qui commençoient des procès, en fe conftituant demandeurs, de les terminer en continuant leurs pourfuites. Sancimus actorem captum negotium ufque, ad finem litis exercere. Tout le monde fçait qu'en termes de procédure, actor n'a jamais fignifié, & n'a jamais pu fignifier autre chofe qu'un demandeur. Lorfqu'il ne pourfuivoit pas le procès qu'il avoit intenté, le défendeur s'adreffoit au juge devant lequel il avoit été affigné, afin qu'il fit avertir le demandeur de comparoître par lui en perfonne, ou par un autre fondé de fa procuration. S'il ne fe rendoit pas à cet avertiffement, on le faifoit citer trois fois de trente jours en trente jours. Si un an après la derniére citation il ne fe préfentoit pas, alors le juge, à la diligence du défendeur, rendoit fon jugement définitif, après avoir emploïé tous les moïens poffibles pour découvrir la vérité. Si verò caufam profequi diftulerit, damus pulfato licentiam judicem, apud quem lis cœpta eft, poftulandi, ut ab eodem judice qctor ad judicium aut per fe, aut per legitimum procuratorem venire moneatur : et fi hoc minimè fecerit, propofitis tribus vocetur edištis: unâ quâque cautione non minùs quàm triginta dierum fpatio concludendâ. . Si verò propofitis. edictis vocatus ad judicium venire, & fuas intentiones, aut per fe, aut per legitimum, ficut dictum eft, procuratorem proponere noluerit; tunc & aliud unius anni spatium ei concedimus : intrà quod, nifi fuam intentionem fuerit prosecutus, damus licentiam judici, &abfente adverfario, partis permanentis allegationes, fecundùm noftras leges, examinare ; & veritate fubtiliùs requifitá, legitimam proferre fententiam. Il est manifefte qu'il n'eft queftion dans tour cela que

« AnteriorContinuar »