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les lettres de chancellerie qui doivent être entérinées en juftice: mais par les juges roïaux feulement. C'est toujours à eux qu'elles font adreffées. Si quelqu'un a droit d'en contefter l'entérinement, ce ne peut jamais être que le procureur du Roi, pour le bon ordre. Il eft intéreffé par fon miniftére à veiller à ce que les coupables foient punis & bannis de la fociété, dont il eft comme le cenfeur.

Ce n'eft pas qu'il foit en droit de s'oppofer à l'exécution des volontés du Roi: mais comme il peut arriver que la religion du fouverain ait été furprife, & qu'il ait accordé la grace au coupable fur un faux expofé, foit parcequ'on lui a déguisé l'énormité du crime, foit parcequ'on lui a caché quelque circonftance grave, & dont la connoiffance l'auroit empêché d'accorder le pardon; le procureur du Roi eft en droit, eft même obligé d'examiner les lettres accordées par le Roi. Si l'expofé préfenté à fa majefté par le coupable eft fincere, & que le prince, malgré l'énormité du crime, fe foit déterminé à accorder la grace, il eft hors de doute que l'oppofition du procureur du Roi feroit infructueufe; le juge ne pourroit pas fe difpenfer d'entériner les lettres de grace mais fi l'expofé fur lequel ces lettres ont été accordées le trouvoit faux, où même s'il y avoit quelque circonftance effentielle qui eût été omife, il pourroit alors contefter l'entérinement; & le juge feroit obligé de le refufer, fans qu'on pût le taxer d'être défobéiffant aux ordres du Roi. Au contraire c'eft lui obeir que d'empêcher l'effet d'un menfonge par lequel on a furpris fa religion.

La partie civile peut auffi former oppofition à l'entérinement de ces lettres. Lorfque le Roi accorde une grace à quelqu'un de fes fujets, fon intention n'eft jamais que cette grace puiffe être préjudiciable à perfonne. Or fi la peine du crime étoit totalement effacée par les lettres du prince, la partie qui a été lézée par ce crime ne pourroit pas être dédommagée. Elle être dédommagée. Elle peut donc s'oppofer & conclure à ce que les lettres ne foient entérinées qu'à la charge du dédommagement qui lui eft dû. Elle ne peut pas, à la vérité, s'opposer à la remife de la punition corporelle; ce pouvoir n'appartient qu'au miniftére public: mais elle peut toujours demander la réparation civile, pour la dédommager du tort que le crime lui a caufé.

Excepté ces deux perfonnes, nul ne peut s'oppofer à l'entérinement des lettres de grace accordées par le Roi. Le haut-justicier ne le pourroit faire que fous prétexte de la confifcation qui lui

eft enlevée par ces lettres. Mais fon intérêt eft purement lucratif; & ce n'est point un tel motif qui doit empêcher l'effet des graces qui proviennent de la clémence du fouverain.

Mais on a douté fi, après le jugement de mort & de confifcation prononcé, le Roi peut, avant l'exécution ou depuis la condamnation aux galères, ou au banniffement à perpétuité, en accordant la grace au condamné, priver le haut-jufticier, ou celui qui a acquis de lui ou du Roi même, de la propriété des biens dont la confifcation avoit été prononcée.

article 5, difent que la grace

Bartole & Balde, fur la loi 29, §. 5, ff. de liber. & pofthum. Chaffanée, fur la coutume de Bourgogne, titre des juftices du prince, en ce cas, n'a point d'effet fur les biens aliénés par le confifcataire, qui en a tranfmis la propriété à un autre, soit à titre onéreux, foit à titre gratuit. Quia princeps nunquam tollit jus quæfitum tertio.

Pour décider cette queftion nettement, il faut diftinguer deux cas; l'un où l'accufé obtient des lettres qu'on appelle lettres de juftice. Elles s'accordent à ceux qui ont été condamnés par contumace, & on les nomme lettres pour efter à droit. Lorsqu'à l'abri de ces lettres un contumace fe repréfente après les cinq ans, il fait, comme nous l'avons déja dit plufieurs fois, tomber toutes les con-damnations, & par conféquent tout ce qui a fuivi, même la confifcation, contre laquelle il eft reftitué, de la maniére que nous l'avons dit dans la distinction précédente.

Ou ces lettres de juftice contiennent le pardon & la rémiffion du crime, comme aiant été commis par le coupable malgré lui & en fon corps défendant, ou par malheur & fans aucun deffein de mal faire. Lorfque ces lettres font entérinées par le juge auquel elles font adreffées, les biens confifqués doivent être rendus à l'impétrant, foit qu'ils aïent été vendus ou donnés par le Roi, ou par le haut-jufticier.

Le fecond cas arrive lorfque les lettres font purement des lettres de grace; c'est-à-dire, lorsque le prince, de fon autorité fouveraine & pleine puiffance, donne abolition, pardon & rémiffion à un homme convaincu d'un crime, & pour raifon de ce délit condamné par arrêt ou jugement fouverain empor-tant confifcation.

Si par les lettres la peine eft remife, & l'impétrant rétabli dans fes biens; lorfque les lettres font entérinées par le juge, alors non-feulement le Roi eft tenu de remettre les biens qui lui étoient acquis par la confiscation; mais le haut-jufticier, qui

repréfente le Roi en cette partie, comme étant propriétaire du fifc, & qui ne peut avoir plus de droit que le Roi, eft dans la même obligation. La poffeffion de l'un & de l'autre étoit fondée fur la condamnation. Les lettres de grace éteignent cette condamnation, & la mettent au néant. La cause ne fubsiste plus; par conféquent l'effet doit auffi ceffer. Ceffante causâ, ceffat & effectus.

Mais fi le Roi, ou le haut-jufticier ont difpofé des biens confifqués ; s'ils les ont vendus, où aliénés autrement, à titre onéreux, avant l'obtention des lettres de rémiffion; les acquéreurs ne peuvent être troublés dans leur poffeffion, ni tenus de rendre les biens confifqués, par eux acquis à titre onéreux. Ainfi, lorsque les hauts-jufticiers veulent fe conferver le fruit de la confifcation, il eft de leur intérêt, lorfqu'on prévoit que le Roi pourra accorder la grace au condamné, de difpofer promptement des biens confifqués; & le plus sûr eft d'en disposer à titre onéreux, plutôt que par donation. Voïez Dumoulin, fur l'article 22 de la coutume de Paris, n. 36 & fuiv.

Mais il est bien effentiel de faire attention au tems auquel la grace a été accordée; car fi l'obtention & l'entérinement ont précédé la condamnation ; ou fi l'un & l'autre ont été faits pendant l'inftruction de l'appel, il n'y a pour lors aucune condamnation effectuelle; il n'y a point eu par conféquent de confiscation. La propriété des biens a toujours réfidé fur la tête du coupable qui ne peut plus en être dépouillé au moïen de la grace qu'il a obtenue. Il en eft autrement quand cette grace eft poftérieure au jugement en dernier reffort, & que le Roi ou le haut-jufticier ont difpofé des biens confifqués: prefque tous les auteurs penfent que l'acquéreur ne peut être évincé, lorfque les lettres font purement lettres de grace.

En effet il ne feroit pas raifonnable de troubler un acquéreur de bonne foi dans fon acquifition, & que le feigneur confiscataire fût condamné aux intérêts de l'éviction. Ör on ne peut jamais reprocher au vendeur la mauvaise foi dans ce cas-ci. La condamnation prononcée & exécutée eft pour lui un titre légitime qui le rend propriétaire des biens confifqués. C'eft fur ce titre qu'il aliéne. Les deux contractans font néceffairement dans la bonne foi. Ainsi il est absolument contraire à l'équité qu'ils fouffrent de leur bonne foi. La clémence du prince ne doit fervir au confifqué que quand les chofes font entières, & que feigneur confifcataire peut encore reftituer, fans aucun dommage, ce qui lui eft échu. Dans le cas contraire, le condamné

le

doit fe contenter de reprendre fon bien en l'état qu'il fe trouve lorfqu'il obtient sa grace.

Il faut encore prendre garde fi le Roi, dans les lettres qu'il accorde, fe contente de remettre la peine feulement : alors la confifcation a toujours lieu au profit de celui auquel elle appartient. Si, au contraire, il remet la peine & les biens, il faut fuivre ce que nous avons dit : mais il est absolument nécessaire que la remife des biens foit nommément exprimée.

A l'égard des intérêts civils & de l'amende; les lettres de grace, de quelque façon qu'elles foient conçues, n'en opérent point la remife. L'un & l'autre font une fuite néceffaire du crime, qui, quoique remis par la clémence du prince, n'a pas laissé de caufer des dommages, dont il eft jufte d'indemnifer ceux qui les ont foufferts.

Le laps du tems, ou la prescription eft encore un moïen qui ôte à la confifcation tout fon effet. Lorfque la condamnation n'a point eté exécutée contre le coupable quand il eft préfent, ou par effigie quand il est absent, elle fe prefcrit par vingt ans, & la confifcation demeure fans aucun effet: mais fi le procès a reçû toute l'instruction dont il étoit fufceptible, & fi la fentence ou l'arrêt ont été exécutés par effigie contre les abfens, les intérêts & la confifcation ne fe prefcrivent que par trente ans. Ainfi jugé par arrêt du parlement de Rouen, du 27 Janvier 1645, rapporté par Bafnage, fur l'article 143, de la coutume de Normandie.

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De la fucceffion de celui qui eft mort civilement dans les provinces où la confifcation n'a pas lieu.

Il y a, comme nous l'avons obfervé plus haut, des provinces où la confifcation n'a pas lieu. Telles font celles de Guïenne, de Bretagne, d'Anjou, du Maine & du Berry.

Dans ces coutumes, lès biens des condamnés paffent à leurs héritiers dès l'inftant de la mort civile, de la même maniére que leur fucceffion auroit été ouverte en leur faveur par la mort naturelle mais ils font tenus des mêmes charges dont font tenus les confifcataires dans les païs où ces biens font confifqués. Ainfi outre les dettes légitimes que le condamné avoit contractées luimême, ils doivent acquitter l'amende & les réparations civiles › telles qu'elles ont été prononcées par le jugement.

Au refte, cette fucceffion eft fujette aux mêmes révolutions que la confifcation; enforte que les héritiers font tenus de reftituer les biens qui la compofent, dans le cas où le condamné fe représente dans les délais de l'ordonnance, fuivant les proportions que nous avons indiquées plus haut, touchant la confifcation, Diftinction VII.

Les héritiers font pareillement tenus de reftituer la fucceffion lorfque le condamné obtient du prince des lettres de grace qui le rétablissent dans tous fes droits & dans tous fes biens. En un mot, on peut appliquer ici tout ce que nous avons dit dans la fection précédente, Diftinction VII. touchant la reftitution à laquelle les confifcataires peuvent être fujets. Voïez Dumoulin, fur l'article 33 de l'ancienne coutume de Paris, glof. 1, n. 37.

SECTION III.

Des biens acquis depuis la mort civile.

Lorsqu'un homme condamné par contumace s'eft retiré dans un païs étranger, y eft mort naturellement après y avoir acquis des biens, fa fucceffion doit fe régler fuivant les loix du païs où ces biens font fitués. Il en eft de même d'un homme qui auroit été condamné au banniffement perpétuel, & qui auroit gardé fon ban & fait des acquifitions dans le lieu de fa retraite.

Il s'agit donc d'examiner ici à qui doivent appartenir les biens d'un homme condamné par contumace à une peine emportant mort civile, ou même contradictoirement au banniffement perpétuel, & qui a trouvé le fecret de paffer le refte de fes jours dans le roïaume fans être arrêté, & fans avoir exécuté fon ban, qui y a même acquis des biens. A qui ces biens doivent-ils appartenir après fa mort naturelle?

Suivant le droit Romain, les biens acquis par un homme condamné à la déportation appartenoient au fifc. Quòd fi deportatus fit, quia civitatem amifit, heredem habere non poteft, & acquifita fifcus accipit. 1. 7, §. 5, ff. de bonis damnatorum.

Deportati, nec earum quidem rerum quas poft pœnam irrogatam habuerunt, beredem habere poffunt : fed & ha publicabuntur. 1. 2, cod. de bonis profcript.

La même chofe doit avoir lieu parmi nous. En effet, il est conftant qu'un homme mort civilement ne tient plus à rien dans la fociété. Tous les liens civils qui l'attachoient aux autres hommes,

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