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du civil, & de mettre fin aux procès que la malice des demandeurs rendoit quelquefois éternels. C'est ainfi que le législateur lui-même explique le motif de fa loi, au commencement de ce chapitre. Omnem verò caufarum finem volentes celeriter pervenire illorum malignitatibus obviamus, qui tantummodò proponunt actiones nolunt autem ufque ad finem exercere judicium, dicentes legem effe, qua decernit neminem actiones fuas exèrcerè nolentem compelli. Et hanc igitur pravitatem extinguere feftinantes, jubemus memorata legis auxilio non eos uti, qui contrà aliquem fuas propofuerint actiones, five per judiciariam conventionem, five per preces principi oblatas, & judici infinua& per eum ad fcientiam adverfarii deductas, vel fub legitimi judicis cœptas examine. Injuftè enim agere recufat, qui paratus adverfarium fuum ad judicium vocavit : cum excufatio hæc pulfato magis quàm actori conveniat.

ras,

Il doit donc demeurer pour conftant, que cette novelle n'a aucun rapport à la contumace telle que celle dont nous traitons

ici.

'D'autres auteurs fe fondent fur le chapitre 3. de la novelle 69. pour foutenir que la contumace en matiére criminelle fut intro duite à Rome par l'empereur Juftinien. Pour pouvoir en juger avec quelque certitude, il eft néceffaire d'avoir cette loi fous les yeux. La voici : Si verò neque ipfe apparuerit, qui dominum litis prafentare jussus eft, aut qui pro eo legitimè cogatur; tunc vocetur quidem legiti mâ voce, non autem obediens condemnetur & absens, fecundùm fchema quod appellatur eremodicium, id eft deferta caufa. Nam qui per contu→ maciam deferit, in nullo minor prafente putabitur. Si verò ille quidem forsàn advenerit, aut miferit quempiam, accufator autem defit; tunc & abfolvere eum, & damna ejus mederi calumniatorem cogat. Sic erunt temperatiores: fic peccare ceffabunt: fic non putabunt potentiam divitias rum juftitia prævalere.

Boërius, fur la coutume de Berry, tit. 2. art. 20. & quelques autres auteurs, regardent cette novelle comme la fource des décisions en matiéres de contumace.

Afin de pouvoir prendre à cet égard un parti certain, & qui paroiffe fondé nous allons examiner 1. la force & la fignification des termes de cette loi qui peuvent faire croire qu'elle établit les jugemens par contumace, tels que nous les pratiquons aujourd'hui. 2°. Nous examinerons quel a été l'efprit du légiflateur, quels font les motifs qui l'ont fait agir, & quelle eft la fin qu'il s'eft propofée par cette loi. Nous trouverons à cet égard des motifs fatisfaifans, & même certains de

décifion. 3°. Enfin nous examinerons la novelle 108. de l'empereur Leon, qui a renouvellé celle dont il eft ici queftion; parcequ'il paroît qu'elle n'avoit point été exécutée.

On trouve dans cette novelle des termes qui ne laiffent pas lieu de douter qu'il n'y foit question de délits & procès faits en conféquence. Le mot accufator eft fouvent répété dans les quatre chapitres dont elle eft compofée. Or il est constant que le mot accufator n'a jamais fignifié autre chofe que ce que nous entendons en françois par accufateur. On y trouve auffi le mot reus répété plufieurs fois. Il eft vrai que ce terme en général signifie ce que nous appellons défendeur. Nous en avons la preuve dans ce brocard de droit : actor fequitur forum rei: mais quand il eft oppofé au mot accufator, on ne peut pas y attacher d'autre idée que celle d'accufé. Un accufateur ne peut avoir d'autre partie adverse, que celui qu'il a accufé. Il doit donc demeurer pour conftant qu'il s'agit dans cette novelle de procès criminels: mais y eft-il question de ceux intentés pour crimes qui vont à priver un citoïen de fon état ? C'eft ce que nous allons découvrir aïfément, en examinant quel a été l'efprit du législateur, quels font les motifs qui l'ont fait agir, & quelle eft la fin qu'il s'eft propofée.

Plufieurs perfonnes avoient porté leurs plaintes à l'empereur, de ce que les riches, quand ils avoient fait quelque tort à un pauvre, fe mettoient à l'abri de fes pourfuites, en fe retirant dans une autre province que celle où le mal avoit été commis. L'éloignement rendoit la pourfuite prefqu'impoffible foit à caufe des frais du voïage que le pauvre ne pouvoit pas foutenir, foit par l'impoffibilité de trouver des preuves de l'accufation dans un païs éloigné du lieu où le délit s'étoit commis. Quid enim durius, quàm lafum circà fublationem bovis, aut equi, aut jumento rum alicujus, aut pecudum, aut (ut exiguum dicamus) domeftica gallina,bunc cogi,non in quâ aufertur provinciâ litigare, fed alibi currere ; &ibi probationes horum qua pertulit exigi: &, aut plures expenfas pati, quàm rei aftimatio eft, aut inopiam ingemifcentem ferre? Hinc nobis multitudo plurima eft interpellantium quotidiè ; & crebrò in talibus caufis inquietamur parvarum gratiâ occafionum, & ipfi multas fufti. nentes importunitates, & videntes plurimam quidem multitudinem virorum, plurimamque mulierum ex propriis locis agitatas, & ad hanc venientes feliciffimam civitatem, quorum plurimi etiam mendicantes & afflicti bic agunt: interdùm quoque hic moriuntur. Ibid. cap. 1. §. 1. C'est pour remédier à ces defordres que l'empereur, dans les

trois chapitres fuivans, prefcrit les mefures qu'il faut prendre pour que ces fortes de procès foient jugés dans le lieu même où le délit a été commis. Il prévoit les cas où l'une ou l'autre des deux parties s'abfenteroit, & trace les précautions qu'il faut prendre pour parvenir à faire juger la chofe fur les lieux, fans qu'il foit néceffaire de poursuivre l'abfent dans le lieu de fa retraite. On peut, en lifant la novelle entiére, s'affurer qu'elle n'a point d'autre but. Il est donc évident qu'elle n'a point pour objet les crimes capitaux, & dont la pourfuite peut produire une condamnation qui prive le coupable de fon état. Il n'y eft abfolument queftion que de faciliter les moïens à ceux qui avoient été lèzés de se faire rendre aisément juftice, & d'obtenir les dommages & intérêts qu'ils étoient en droit de fe faire adjuger.

Enfin la novelle 108. de l'empereur Leon, qui femble n'avoir pour objet que de renouveller celle dont nous venons de parler qui n'avoit point eu d'exécution, ne parle uniquement que actions civiles. Car on ne poursuivoit criminellement à Rome que les délits publics.

Nous finirons cette differtation en obfervant qu'il paroît que Juftinien, en permettant de condamner un abfent à de fimples dommages & intérêts, n'a point introduit un droit nouveau. Les loix du digefte ne défendent de prononcer contre les abfens, que des peines capitales ou afflictives; Si autem graviùs quis puniatur; putà in opus metalli vel fimilem pœnam, five capitalem, hoc cafu non eft irroganda in abfentem pœna. l. 1. §. 1. ff. de requirend. vel abfent. damn. Il femble que, puifque cette loi n'interdit que les peines afflictives & capitales, contre les abfens, on pouvoit les condamner à toute autre peine.

Il paroît, par les Capitulaires de Charlemagne, lib. 7. cap. 146. que les condamnations par contumace à des peines capitales n'avoient point lieu anciennement en France. In causâ capitali abfens nemo damnetur, neque abfens per alium accufatorem accufari poteft. On a remarqué dans la fuite, que, quoiqu'il ne fût pas jufte de condamner à des peines capitales un homme que fon abfence met hors d'état de pouvoir fe juftifier, il étoit néanmoins de l'intérêt public que les crimes ne demeuraffent pas impunis; & que, quand un crime étoit connu, il falloit en faire un exemple, pour réprimer ceux qui pourroient y tomber dans la fuite. C'est pourquoi, quand un corps de délit eft certain, on procéde contre celui qui eft accufé de l'avoir commis; & fuivant les preuves qui résultent de l'information, on le condamne, en fon absence,

comme s'il étoit préfent, à la peine que mérite le crime qu'on lui impute, même à la mort naturelle; & l'on fait exécuter le jugement en public, pour l'exemple.

Cette procédure eft autorifée par une foule d'ordonnances. Sans nous arrêter à les parcourir ici, nous remarquerons qu'il s'en trouve dès avant l'an 1270.

Nous aurons occafion d'examiner fort au long au chapitre 3. quelles font les fuites de la contumace, & quelles formalités font requifes pour qu'elle produife fon effet.

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CHAPITRE I I.

Quand commence la Mort Civile, lorsque le jugement est contradictoire.

OUR pouvoir fixer avec certitude le tems auquel commence la mort civile, il eft néceffaire de fuivre le coupable dans toutes les fituations où il peut fe trouver, avant l'exécution du jugement qui le condamne.

Un coupable peut fe trouver en quatre circonftances fucceffivement. 1o. Il eft accufé, fans avoir encore été condamné. 2o. Après avoir été condamné, il a interjetté appel de fa condamnation. Quel eft fon état pendant l'instruction de cet appel? 3°. Il arrive affez fouvent que le jugement en dernier reffort quoiqu'arrêté par les juges, eft quelque tems fans être prononcé & fans être exécuté. Quel eft l'état du condamné pendant ce tems? 4°. Enfin, il peut arriver qu'après le jugement en dernier reffort prononcé, le condamné trouve le moien de s'évader avant qu'il ait été mis à exécution. Quel eft son état pendant fon évafion?

Ce chapitre fe divife donc naturellement en quatre fections, dans chacune defquelles on examinera chacune des circonstances, qui viennent d'être remarquées.

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De l'état du criminel avant fa condamnation.

C'eft un principe constant parmi nous, qu'un criminel conferve fon état de citoïen, avec les prérogatives qui y font attachées, jufqu'au moment de la condamnation. Ce principe est une

fuite néceffaire d'un autre qui n'est pas moins certain, & qui nous apprend qu'aucune peine n'eft encouruë ipfo facto. Il faut qu'elle foit prononcée par les magistrats dépofitaires de la justice du fouverain.

La mort civile n'est point une peine par elle-même : elle n'est que l'acceffoire, la fuite d'une peine; ou, pour mieux dire, c'est l'état d'un homme condamné foit à la mort naturelle, foit à une peine dont il doit porter le joug jufqu'à la fin de fa vie. Jamais on n'a condamné perfonne à la mort civile seulement on n'a même jamais prononcé la peine de mort civile, parcequ'encore une fois, ce n'est point une peine; mais la fuite d'une peine. N'étant donc que la condition d'un homme condamné il eft impoffible qu'elle puiffe avoir lieu fans condamnation; & puifqu'elle eft l'acceffoire d'une peine, comme perfonne n'est expofé à fubir une peine, s'il n'a été poursuivi & convaincu de crime par l'office du juge, il faut de même un jugement pour opérer la mort civile. Le juge eft comme placé entre la loi & le coupable; c'est à lui feul qu'il appartient de les raprocher, pour ainfi dire, en appliquant la loi qui prononce la peine au coupable qui la mérite. La loi a été appellée un magistrat muet, & le magiftrat une loi parlante: c'eft à cette loi parlante qu'il appartient feule de prononcer la condamnation du coupable: la loi écrite demeure muette jufqu'à ce que le juge lui ait prêté fon organe; & c'est par cette raifon que la mort civile, même après une condamnation confirmée par arrêt, n'eft réputée encouruë que du jour de la fentence qui a prononcé la condamnation, & non du jour du délit qui y a donné lieu.

En un mot, c'eft une régle du droit naturel, qu'un accufé ne foit point réputé coupable jufqu'à ce qu'il foit convaincu du crime dont on l'accufe, & comme tel condamné. Si l'accufation feule fuffifoit pour ravir l'état d'un homme, combien d'innocens fouffriroient l'infamie de la mort civile ! Ce feroit ouvrir un champ libre à la calomnie, & favorifer la noirceur de ces hommes monftrueux, qui n'épargnent ni les moïens, ni les fuites funestes de leur vengeance, pourvû qu'ils fe vengent.

Les maximes du droit pofitif fe réuniffent en ce point avec celles du droit naturel. Elles, nous apprennent que perfonne n'eft expofé à fubir une peine, s'il n'a été convaincu par l'office du juge. Nous n'avons aucune loi qui apporte des exceptions à cette régle par rapport à la mort civile, même en la confidérant comme une peine, & qui la prononce encourue fans pourfuite,

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