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L'origine de ce droit vient de ce que, fuivant les loix Romaines, les héritiers du mari n'étoient tenus de reftituer la dot à la femme qu'en trois termes, annuâ, bimâ, trimâ die.

Juftinien, par la loi unique au code de rei uxoria actione; §. 7, changea cette forme de païer la dot, & ordonna que la femme auroit la jouïffance des immeubles auffitôt après le décès de fon mari. Quant à la dot mobiliaire, il accorda un an aux héritiers pour en faire le païement, à compter du jour du décès du mari.

Cette loi caufa encore bien des embarras. Il arrive fouvent que toute la dot d'une femme eft en mobilier, & qu'elle n'a point d'autre bien; en forte que la femme, n'en pouvant demander la reftitution pendant cette année, étoit expofée à manquer des chofes les plus néceffaires, tant pour la vie que pour l'entretien; & les héritiers refufoient de lui donner des alimens fous prétexte qu'ils n'y étoient obligés par aucune loi.

L'auteur de la glofe fur cette loi a fenti tous ces inconvéniens, & a remarqué dans une note, que les héritiers étoient tenus de fournir des alimens à la femme. Cette interprétation a paru fi naturelle & fi équitable en même tems, qu'elle a été adoptée dans tous les païs de droit écrit, où elle eft fi exactement fuivie, que l'on peut dire que l'ufage lui a donné force de loi.

Ce droit a même reçû une interprétation fi favorable, qu'il eft exigible, quoique la femme n'ait point apporté de dot, ou qu'elle ait été remboursée auffitôt après la mort de fon mari. Voiez Bretonnier, en ses observations fur Henris, tome 1, livre 4, chapitre 6, queftion 59 & 104; & Graverol, en fes obfervations fur la Roche-Flavin, livre 2, titre 6, article 5.

D'après ces principes, il nous paroît qu'il eft fort aifé de prendre un parti fur la queftion principale que nous avons à examiner ici, qui confifte à fçavoir fi la mort civile du mari donne ouverture à ce droit de viduité. Il est fondé fur la loi : ce font des alimens dûs à la femme. Ainfi nous ne croïons pas qu'il y ait lieu de douter qu'elle peut exiger ce droit de viduité lorfque le mari a encouru la mort civile, en donnant néanmoins caution pour le lui reftituer, au cas qu'il vienne à rentrer dans fes droits.

De la quarte qu'on accorde au furvivant pauvre, fur les biens du prédécédé.

Lorsque les biens du furvivant, y compris toutes les reprises & conventions matrimoniales, ne fuffifent pas pour le faire vivre fuivant fon rang & fa condition, les loix Romaines lui accordent en ce cas une quarte; c'est-à-dire la quatriéme partie des biens du prédécédé, quand il n'a laiffé que trois enfans, ou moins de trois ; & une part afférante, quand il y a plus de

trois enfans.

Quand il n'y a point d'enfans communs, cette part appartient en propriété à celui qui la prend ; & quand il y a des enfans communs, il n'en a que l'ufufruit.

Ce droit a été établi par les novelles de Juftinien 53 & 74, defquelles a été tirée l'autentique Prætereà, au code undè vir & yxor. Suivant ces loix, ce droit appartient également au mari & à la femme, en cas de pauvreté.

Il eft vrai que la novelle 117, chapitre 5, a ôté au mari la quarte que lui donnoit la novelle 53: & le Brun, en fon traité des fucceffions, livre I, chapitre 7, n. 4, prétend que cette novelle eft fuivie en nos provinces de droit écrit ; ce qui lui paroît jufte, parceque, dit-il, la quarte n'a été accordée à la femme que par commifération; au lieu que l'homme est moins à plaindre, aïant plus de force pour gagner la vie.

Mais cet auteur fe trompe, & il paroît conftant que la novelle 117 n'eft point obfervée en France, où l'on accorde la quarte au mari aussi-bien qu'à la femme. Tel eft le fentiment d'Accurfe, fur l'autentique Prætereà; de Dumoulin, fur le confeil 24 de Decius; de Defpeiffes, tome 1, partie 1, du mariage, fect. 5, n. 26; & de plufieurs autres auteurs.

Ce droit de quarte n'a point lieu dans le païs coutumier; parceque la femme furvivante y a ordinairement, outre fon douaire, la moitié en la communauté, & que le mari a auffi la moitié en la communauté. Dans les coutumes où la commu nauté n'eft point admife, comme en Normandie, la loi y a pourvû autrement, en donnant à la femme le tiers en ufufruit de certains acquêts, & la moitié en propriété, en d'autres ; & en donnant au mari le droit de viduité, dont nous parlerons dans la fuite.

Comme ce droit de quarte eft fondé fur les loix Romaines

qui régissent les païs où il est en ufage; que, d'ailleurs, il a été puisé dans la juftice & dans l'équité, il n'eft pas douteux qu'il doit avoir lieu, en cas de mort civile de l'un des deux conjoints, au profit de l'autre, s'il eft dans le cas, par fa pauvreté, de le demander.

Tels font, à peu près, les gains nuptiaux & les droits de furvie ufités en païs de droit écrit. Il y en a cependant encore quel ques autres: mais, outre qu'ils doivent tous fe régler suivant les principes que nous avons établis concernant ceux dont nous venons de parler; ils n'ont lieu, pour la plupart, que dans de petits cantons particuliers. Or il y a tant d'ufages différens dans plufieurs païs de la France, fur toutes les matiéres de droit, qu'on n'auroit jamais fini, fi l'on vouloit les parcourir

tous.

Après avoir traité des gains nuptiaux, qui font particuliers aux païs de droit écrit; nous allons examiner ceux qui font communs aux païs de droit écrit & aux païs coutumiers en même tems, & nous finirons par ceux qui font propres aux païs coutumiers.

Du Deuil.

On entend par ce terme les habits & équipages de deuil que les héritiers du défunt mari font obligés de donner à la veuve, fuivant fon état & fa condition.

Les loix du digefte impofoient à la femme qui furvivoit à fon mari l'obligation d'en porter le deuil pendant une année, comme un honneur & une marque du refpect dû à fa mémoire; à peine d'infamie quand elle y manquoit. C'est la disposition expresse de la loi 8, ff. de his qui notant. infam.

Mais dans la fuite on relâcha beaucoup de ce cérémonial. Les femmes furent même dispensées de porter le deuil extérieur de leurs maris. C'eft la difpofition de la loi 15, cod. ex quibus cauf. infam. irrogatur.

En France, on a adopté fur cette matiére les loix du digeste : & la loi du code qui en difpenfe n'eft point fuivie; pas même en païs de droit écrit. C'est une régle obfervée par toute la France, que la veuve eft tenue lugere maritum, & lugubria fumére. Voiez Brodeau fur Louet, lettre V, fomm. 115 & Loyfel, en ses inftitutes coutumieres, livre I, titre 2, régles 29 & 33.

Au refte, ce devoir n'eft pas réciproque. Il n'oblige que la femme; & le mari n'eft point obligé de porter le deuil de fon

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époufe: ce qui eft fondé sur ce que la femme doit le respect å la mémoire de fon mari comme elle le lui devoit à lui-même lorsqu'il étoit vivant; au lieu que le mari n'eft jamais tenu envers fa femme que de l'amour conjugal & de la complaifance qui doit régner dans le mariage.

Néanmoins dans le reffort du parlement de Dijon, par un ufage particulier à cette province, l'obligation de porter le deuil eft réciproque entre les conjoints. Taifand, fur la coutume de Bourgogne, titre 4, article 8, n. 5, rapporte plusieurs arrêts de ce parlement qui l'ont ainfi jugé.

Pour revenir au deuil qui eft en ufage dans toute la France, tant coutumiere que de païs de droit écrit ; c'eft aux héritiers du mari à païer à la femme ce qui lui eft dû pour les ornemens de deuil, elle est en droit de l'exiger: & a même pour cet effet hipotéque du jour de fon contrat de mariage.

La raifon eft que la veuve eft affujettie à vivre pendant une année entiére dans la tristeffe du deuil, ne pouvant fe remarier pendant cette année-là, fans s'exposer, au moins dans plufieurs provinces, à perdre tous les avantages que fon défunt mari lui avoit faits par contrat de mariage; même fon douaire. Or il feroit trop dur de l'obliger encore à porter le deuil à fes dépens. C'est pourquoi l'on a établi cette maxime, que nemo debet lugere fumptibus fuis..

La fomme que la femme peut exiger pour fon deuil s'estime felon la condition du mari.

Il est inconteftable que la mort civile du mari ne donne point ouverture à ce droit ; & qu'elle eft même un obstacle à la demande qui en pourroit être faite lors de la mort naturelle, quelque long que fût l'intervalle de tems qui fépareroit ces deux événemens. Peut-on préfumer qu'une femme regrette un mari que fes crimes ont retranché de la fociété, & qui a plongé fa famille dans un opprobre éternel? Et les loix qui l'ont couvert d'une jufte infamie exigeront-elles qu'on honore fa mémoire ?

Du Douaire.

Loyfel, en fes inftitutes coutumieres, livre 1, titre 3 du douaire, n. 6, donne cette maxime, qui depuis a paffé en proverbe jamais mari ne païa douaire. Auffi eft-il certain qu'il n'y a aucun cas où le douaire puiffe être dû pendant la vie du mari; & que la femme n'en peut jamais obtenir la jouïffance

provifionnelle. Ce principe eft établi par Argou, livre 3, chapitre 10; par Renuffon, traité du douaire, chapitre 5, n. 42; par Pocquet de Livonniere, en fes régles du droit François livre 2, titre 7, chapitre 2, 7, chapitre 2, régle 33; par Louet, lettre D, fomm. 36, lequel rapporte un arrêt qui a jugé la question précifément dans le cas de la mort civile du mari, enfin par Ferriere, fur l'article 229 de la coutume de Paris, §. 2, n. 9 ; par Auzannet, fur l'article 256; par Bouguier, lettre M,

n. 4.

Cependant Coquille, dans fes inftitutes coutumieres, chapitre 14, rapporte un arrêt folemnel du 14 Août 1567, qui a adjugé dans ce cas le douaire à la femme. Cet arrêt eft auffi cité par Bacquet, en fes droits de juftice, chapitre 15, n. 61.

On pourroit d'abord répondre à cet arrêt, qu'il eft en oppofition avec le fentiment de tous les auteurs les plus accrédités & que l'avis uniforme des modernes eft que la jurifprudence actuelle y eft contraire: mais il eft une réponse plus fatisfaifante. Il paroît que la jurisprudence eft devenue à cet égard plus rigoureufe qu'elle ne l'étoit auparavant. En effet, Chenu, cent. I, queft. 46, nous apprend que, dans l'ancienne jurifprudence on adjugeoit à la femme fon douaire même avant la mort de fon mari, lorfque la communauté venoit à se dissoudre par une féparation de biens.

Brodeau fur Louet, lettre C, fomm. 26, n. 14 & 15, rapporte deux arrêts, l'un de 1635, & l'autre de 1663, qui ont jugé que les donations de furvie font acquifes à la femme par la mort civile du mari; d'où l'on peut conclure que c'étoit alors la maniére de penfer dans les tribunaux.

Argou & Renuffon, qui font poftérieurs à ce tems, nous atteftent encore qu'on adjuge à la femme une penfion fur les biens de fon mari mort civilement, pour en jouïr jufqu'à ce que le douaire ait lieu, & que cette penfion s'appelle mi-douaire; parcequ'elle va ordinairement à la moitié du douaire.

On peut voir auffi là-deffus le Brun, en fon traité de la communauté, livre 3, chapitre 1, n. 42. Mais l'annotateur fur Argou obferve que, depuis long-tems, on n'eft plus dans l'ufage d'en accorder; & fon obfervation eft vraïe, & conforme à la pratique actuelle.

Il femble donc qu'on peut réfuter l'arrêt rapporté par Coquille & ceux qui font rapportés par Brodeau, en difant que la jurifprudence a changé, & qu'aujourd'hui non-feulement le douaire

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