Imágenes de páginas
PDF
EPUB

n'est point réputé ouvert par la mort civile ; mais qu'on n'accorde à la femme aucune penfion, ni aucune jouïffance provifionnelle pour en tenir lieu.

Il y a cependant encore des jurifconfultes qui s'appuïent fur une confidération, pour foutenir que la femme doit avoir la jouïffance de fon douaire, lors de la mort civile de fon mari. Cette confidération eft l'indigence dans laquelle fe trouve le mari, par la perte de tous fes biens, qui paffent au fifc ou à fes héritiers; indigence qui met fa femme dans la néceffité de le nourrir. Ils penfent que, même aujourd'hui, on ne refuferoit pas à une femme féparée, chargée d'enfans, & dont le mari est ruïné la jouïffance de fon douaire contre les créanciers du mari : mais qu'en tout cas, on ne devroit pas la lui refufer dans le cas de la mort civile d'un mari non condamné à mort naturelle, & dans le cas de la renonciation de la femme à la communauté; parceque le fifc, qui jouïroit alors, eft moins favorable encore que les créanciers, & qu'il n'y a pas d'inconvénient de le charger de païer à la femme, fur les biens du mari, une espéce de pension pour le nourrir.

Malgré toutes ces raifons, la jurifprudence nous paroît fi conftante, & d'ailleurs la faveur d'un homme banni de la fociété, pour raifon de fes crimes, eft fi petite; que cet avis ne

feroit pas fuivi.

D'ailleurs, fi l'on confidére les raifons pour lefquelles le douaire a été introduit en faveur de la femme, on fera forcé de convenir qu'il ne peut être ouvert que par la mort naturelle.

Plufieurs auteurs ont penfé que le douaire eft pramium deflorata virginitatis: mais cette raison eft trop frivole pour avoir été le motif d'un avantage auffi grand & auffi favorifé par les coutumes & par les tribunaux. D'ailleurs l'ufage nous fait voir que ce n'eft point le vrai motif; puifqu'il appartient en propre aux enfans, qui n'ont point de dédommagement à prétendre fur les biens de leur pere, pour avoir ufé des droits que le mariage lui donnoit fur leur mere. Et nous voïons qu'une femme acquiert autant de douaires, qu'elle tombe de fois en viduité pendant fa vie. Une fille même dont la prostitution aura été publique & notoire avant fon mariage, ne fera pas moins en droit de prétendre fon douaire que la plus fage, quoique fon mari n'ait pas cueilli Florem virginitatis.

Le douaire n'eft donc autre chofe qu'une efpéce de penfion affignée à la femme fur une partie des biens de fon mari, pour

la mettre en fituation de foutenir avec honneur l'état qu'il lui a laiffé en mourant ; & fi la loi a accordé la propriété de ce douaire aux enfans, c'eft pour leur laiffer des alimens, & les préferver de la mifére dans laquelle la diffipation de leur pere auroit pû les plonger.

Il fuit de-là que la femme ne peut exiger de douaire qu'après la mort naturelle de fon mari; parceque, tant qu'il vit, elle n'a d'autre état à foutenir que celui qu'il tient lui-même. S'il est en état de mort civile, la femme eft néceffairement dans une humiliation, qui fait que de fimples alimens lui fuffifent. A l'égard des enfans, leurs prétentions fur le douaire ne périclitene en aucune maniére. Ils ne peuvent en exercer aucune, tant que leurs pere & mere vivent. S'il y a lieu dans la fuite pour eux à la révendication, ils font toujours en droit de l'exercer, fauf la prescription, contre ceux qui fe trouvent propriétaires lors de l'ouverture de leurs droits, du bien qui y eft affecté.

Il faut obferver cependant que les coutumes de Nivernois, art. 6, d'Anjou, article 319, & du Maine, article 331, contiennent une difpofition contraire au principe que nous venons de pofer. Elles veulent que la femme puiffe avoir fon douaire fur les biens de fon mari vivant quand il eft diffipateur, & lorfque fes biens font vendus pour le païement de fes dettes. D'où l'on peut conclure que, dans ces coutumes, la femme peut à plus forte raifon obtenir fon douaire dans le cas de la mort civile de fon mari. La coutume de Melun, article 235, porte expreffément que le douaire peut être demandé après la mort naturelle ou civile du mari: mais, comme ces difpofitions font particuliéres à ces coutumes, & contraires à l'ufage des parlemens, elles doivent être reftreintes dans leur territoire.

Renuffon, en fon traité du douaire, chapitre 5, n. 42, examine la question de fçavoir fi les enfans héritiers de leur mere peuvent demander le douaire fur les biens de leur pere mort civilement ?

Indépendamment des raifons que nous venons de rapporter contre la femme, qui doivent militer en ce cas-ci contre les enfans, puisqu'ils ne viendroient que comme représentans leur mere, il en eft encore une plus forte & qui regarde les enfans en particulier ; c'eft que, s'ils décédent avant leur pere, le douaire ne leur a pas été acquis.

Renuffon paroît d'abord décider que le douaire n'a pas été ouvert en leur faveur mais, par rapport à la penfion qui re

préfente le douaire en partie, il décide que, fi les enfans ont affez de bien pour vivre du chef de leur mere, ils ne peuvent en demander. S'ils n'ont pas affez de bien pour vivre, il dit qu'étant préférables au fifc, ils peuvent demander cette pension: mais il obferve qu'ils ne font pas préférables aux créanciers de leur pere.

Du Préciput.

Le préciput eft un avantage accordé dans les païs coutumiers au furvivant des conjoints. Il eft fondé fur la loi, ou fur la convention. Il n'a lieu que dans les cas où il y a communauté, & confifte dans une certaine fomme que le furvivant a droit de prendre avant que l'on procéde au partage de la communauté.

Ce gain de furvie eft plus favorable qu'un autre; parcequ'il ne fe prend que fur la communauté, & que la femme ne peut l'exiger que dans le cas où elle accepte cette communauté. D'ailleurs, comme il fe prend fur la totalité des biens dont elle eft compofée, la moitié se prend fur la portion de celui au profit de qui il eft. ouvert.

Cependant les auteurs décident que, quand l'un des deux conjoints meurt civilement, l'autre ne peut le demander qu'après la mort naturelle du condamné; fur le fondement de ce principe, que le mot mort, dans les contrats de mariage, ne s'entend que de la mort naturelle, & non de la mort civile.

C'est l'avis de Dupleffis, en fon traité de la communauté, livre 2, chapitre 1, fection 3, & de fes commentateurs, liv. 2, chapitre 2. C'est auffi celui de Louet, lettre C, fomm. 26; de Brodeau fur Louet, lettre L, fomm. 14, où il rapporre un arrêt du 1 2 Juin 1613, qui l'a ainfi jugé. Le Brun, en fon traité de la communauté, livre 3, chapitre 2. Enfin c'est une jurifprudence auffi ancienne que certaine, comme on le voit dans Chenu, centurie 2, queftion 46 mais il faut obferver que, quand la mort naturelle du condamné donne lieu à la répétition du préciput, celui qui exerce ce droit contre le fifc n'en peut exiger que la moitié; l'autre moitié étant confondue en fa perfonne par le partage égal qui a été fait de la totalité de la communauté, lors de la confifcation opérée par la mort

civile.

:

Du droit de viduité en Normandie.

Le droit de viduité eft un avantage accordé par la coutume

de Normandie aux maris, après le décès de leurs femmes. Il confifte dans le droit de jouïr, à titre d'ufufruit, de tous les biens & de tous les droits qui appartenoient à la femme lors de fon décès.

Deux conditions font requifes pour que le mari puiffe jouïr de ce droit. Il faut qu'il ait eu enfant vivant de fa femme, & qu'il refte en viduité pendant fa vie. S'il n'a point eu d'enfant, il n'a rien à prétendre fur les biens de fa femme après fa mort. S'il se remarie, il ne conferve que la jouïffance du tiers de ces

biens.

Pour fçavoir fi la mort civile de la femme donne ouverture à ce droit, il ne faut que lire l'article 382 qui l'établit. En voici les termes : » Homme aiant eu enfant né vif de sa femme, jouït >> par ufufruit, tant qu'il fe tient en viduité, de tout le revenu » appartenant à fadite femme lors de fon décès, encore que » l'enfant foit mort avant la diffolution du mariage; & s'il fe >> remarie, il ne jouira que du tiers. >>

[ocr errors]

Les termes de cet article fuffifent pour faire comprendre que la mort civile de la femme ne donne point ouverture à ce droit. Il n'eft ouvert que quand l'homme eft en viduité, & tant qu'il y refte. Or on ne peut pas dire qu'il foit en viduité pendant que fa femme eft vivante, quoiqu'elle foit en état de mort civile; puifqu'il n'y a point de diffolution dans le mariage. D'ailleurs la coutume n'emploie pas fimplement le mot mort: elle fe fert du terme décès, qui ne laiffe aucune équivoque, & qui ne peut s'entendre que de la mort naturelle, & non de la mort civile.

Au furplus, le mari eft en droit d'exiger cet ufufruit quand fa femme vient à mourir de mort naturelle, après avoir été condamnée à la mort civile. C'est la difpofition de l'article 38 de la même coutume, qui dit que le droit de viduité appartient au mari, non-feulement au préjudice des enfans: mais encore du feigneur féodal, euquel pourroient appartenir les héritages de la femme, foit à titre de confifcation, de ligne éteinte, ou autre.

[blocks in formation]

De la fin de la puißance maritale.

La puiffance maritale eft un droit & une autorité que le mari acquiert en païs coutumier fur fa femme & fur fes biens du jour de la célébration du mariage.

Cette puiffance ne confifte pas dans un fimple respect, auquel les femmes font obligées envers leurs maris; mais dans une étroite dépendance & dans une foumiffion entiére; en forte que, tant qu'elles y font foumifes, tout ce qu'elles font fans être autorifées eft radicalement nul. La puiffance maritale eft fi favorable en France que, quoiqu'une femme domiciliée en païs de droit écrit, ait la libre difpofition de ses paraphernaux; elle la perd, fi fon domicile eft dans un païs régi par le droit coutumier.

C'est auffi en conféquence de la puiffance maritale, que la femme ne peut pas efter en jugement, fi elle n'eft autorisée, ou féparée par juftice, & la féparation exécutée.

Par rapport à la fin de cette puiffance maritale, opérée par la mort civile; nous n'avons trouvé aucune autorité fur cette matiére mais on peut pofer comme un principe certain qu'elle ne peut fubfifter après la mort civile encourue. Le fimple raifonnement fuffit pour s'en convaincre. En effet, fi nous confidérons d'abord le pouvoir d'administrer, qui eft le droit le plus étendu du mari, il eft hors de doute que la mort civile le lui enleve. C'est de la loi feule qu'il tient cette qualité d'administrateur. Peut-elle lui conferver un titre qu'elle ne lui donnoit qu'en qualité de citoïen, & de bon citoïen ?

Si l'on confidére, d'un autre côté, le droit d'autorifer fa femme, foit pour les obligations qu'elle peut contracter, foit pour efter en jugement, il eft fans difficulté qu'il ne peut en jouïr; puifque cette autorifation, dans quelque cas qu'elle foit requise, eft un acte de citoïen. D'ailleurs, comment pourroit-il donner à fa femme un pouvoir qu'il n'a pas lui-même ? Sa mort civile le rend abfolument incapable & de s'obliger & d'efter en jugement. Il feroit bifarre qu'il pût communiquer à d'autres, une faculté qu'il a perdue lui-même.

Il faut donc confidérer la femme d'un homme mort civilement comme une veuve qui eft rentrée dans tous fes droits, qui peut par elle-même s'obliger, aliéner, hipotéquer, cfter en jugement; en un mot faire tous les actes d'une citoïenne abfolument libre,

[ocr errors]

CHAPITRE

« AnteriorContinuar »