Imágenes de páginas
PDF
EPUB

les Gaules, où Conftance Chlore, qui en étoit gouverneur, ne fit point exécuter le décret des empereurs.

Lorfque l'exercice de la religion fut devenu libre, outre les dons des chofes néceffaires, on donna auffi aux églifes des biens fonds, dont les revenus étoient deftinés & emploïés au même ufage.

Tout demeura dans cet état, jufqu'à ce que la difcipline yenant à se relâcher, les eccléfiaftiques cefférent de vivre en communauté, & partagérent entr'eux les biens qui devoient leur appartenir en commun. De-là l'origine des bénéfices tels que nous les voïons aujourd'hui.

Plufieurs perfonnes diftinguées par leur piété, & en particulier faint Pierre Damien, fe plaignirent de ce que les décrets & les canons qui ordonnoient que les clercs vivroient en commun n'étoient point exécutés, & de ce que l'églife étoit toute défigurée par la fimonie & par la vie scandaleuse de plusieurs eccléfiaftiques.

Pour faire ceffer de fi juftes plaintes, & couper la racine aux défordres qui les occafionnoient, les papes Nicolas II. & Alexandre II. affemblérent plufieurs conciles, dans lefquelles on renouvella les anciens canons & on ordonna que les clercs vivroient en communauté & renonceroient à rien pofféder en propre.

Il s'en fallut de beaucoup que tous les eccléfiaftiques fe foumiffent à ces décrets: mais les plus zélés les adoptérent & formérent différentes communautés, où ils vécurent ensemble, après avoir renoncé à toute propriété, à peu près comme les moines.

Le bienheureux Yves de Chartres doit être regardé comme le fondateur de ces communautés en France. L'étude profonde & fuivie qu'il avoit faite des faints canons & de la théologie, lui avoit donné une grande connoiffance de la véritable difcipline eccléfiaftique. Il fut touché du peu de régularité qu'observoient ceux qu'on nommoit chanoines. Il en témoigna fa douleur à Gui évêque de Beauvais, qui entra dans fes vûes, & lui donna un monaftére dans le fauxbourg de la ville de Beauvais. Il y raffembla plufieurs eccléfiaftiques, qui vécurent enfemble fous le titre de chanoines réguliers, & qui le choifirent pour leur abbé. Ils prirent pour régle la lettre de faint Auguftin, dont nous avons parlé plus haut.

Il fe forma, dans cette école, plufieurs excellens fujets, qu'on en tira enfuite, pour remplir les places diftinguées dans l'églife, ou pour établir d'autres maifons de cet ordre. Il y en eût plufieurs en France dès le tems d'Yves de Chartres.

Aaaa

On vit enfuite se former plufieurs congrégations de chanoines réguliers, dont une des plus illuftres eft celle des Prémontrés, qui doit fon établissement à faint Norbert archevêque de Magdebourg,

Les chanoines réguliers ne furent pas les feuls qui firent profeffion de fuivre la régle de faint Auguftin. Les ordres hofpitaliers, qui ont été établis, pour la plupart à l'occafion des Croifades, pour donner l'hofpitalité aux pélerins qui alloient vifiter, les lieux faints, embrafférent la même régle. Le plus diftingué de ces ordres, eft celui de faint Jean de Jérufalem, dont on a nommé les religieux chevaliers de Malte, depuis qu'ils fe font retirés dans cette ifle.

Parmi les quatre ordres mendians que nous connoiffons, il y en a deux qui font auffi profeffion de fuivre la régle de faint Auguftin. Le premier a pour fondateur faint Dominique chanoine d'Ofma en Caftille. Son zéle pour la religion le fit venir en Languedoc au commencement du treiziéme fiécle, pour travailler à la converfion des Albigeois. Il affembla plufieurs clercs pour vivre en communauté avec lui. On les nomma freres prêcheurs, parceque leur principale occupation étoit de prêcher & d'inftruire les hérétiques. Ils font auffi connus fous le nom de Dominicains, du nom de leur fondateur. On les appelle encore en France Jacobins, à caufe du collége qu'ils ont à Paris dans la rue faint Jacques.

Les autres mendians, que nous connoiffons fous le nom d'Auguftins, ne font que des hermites de différens inftituts, que le pape Alexandre IV. réunit en une congrégation & aufquels impofa la régle de faint Auguftin.

Avant cette réunion, & dans le tems que faint Dominique commençoit à fleurir dans le Languedoc, faint François d'Affife affembla en Italie plufieurs compagnons, les uns clercs, les autres laïcs, avec lefquels il mena une vie très-pénitente & trèspauvre, & aufquels il prefcrivit une nouvelle régle. Cet ordre s'eft partagé en différentes branches, comme nous le dirons dans la fuite: elles fe font répandues par toute la terre.

Les Carmes, qui peuvent être les imitateurs de la vertu des difciples d'Elie & d'Elifée, fans être leurs fucceffeurs, comme ils le prétendent; ne font autre chofe que des hermites du Mont Carmel, aufquels Albert patriarche de Jérufalem, donna une régle fort auftére.

Tels font les quatre ordres que l'on appelle mendians; parceque, fuivant leur inftitut, ils ne devroient rien pofféder ni en

particulier, ni en commun, & ne devroient vivre précisément que d'aumônes & de charités.

Après les moines, les chanoines réguliers & les mendians, on a vû fe former dans le commencement du feiziéme fiécle, plufieurs autres congrégations de clercs réguliers. Les Théatins font les plus anciens: mais les Jéfuites, dont les constitutions font les plus finguliéres, fe font diftingués plus que tous les autres, par les miffions dans les Indes, par leur foin pour l'éducation de la jeunesse, & par l'érudition de plufieurs membres de leur fociété.

La plupart de ces communautés d'hommes ont fervi de modéles à l'établiffement de femblables communautés de femmes, qui fuivent les mêmes régles en ce qui peut convenir à leur fexe. Et elles s'y conforment avec autant & plus d'austérité que les hommes. Nous avons des Bénédictines, des Auguftines, des Dominicaines, &c.

Après avoir parlé de l'origine des moines & des principaux ordres de religieux établis en France, nous allons expliquer avec le plus de briéveté qu'il fera poffible, quelle eft la forme de leur gouvernement.

SECTION III.

De la forme du gouvernement des différens ordres établis en

France.

Les premiers folitaires, quand ils fe font réunis en corps de communauté, ont donné le titre d'abbé à celui qui étoit chargé du foin de gouverner le monaftére, afin de lui faire connoître qu'il doit avoir une tendreffe de pere pour ceux dont la conduite lui eft confiée ; & afin que les religieux qui lui font foumis fe fouviennent toujours qu'ils lui doivent le refpect & la foumiffion que les enfans ont pour leur pere.

Ce nom a toujours continué depuis de fe donner dans les communautés dont la régle eft ancienne, comme chez les Bénédictins, & chez les chanoines réguliers: mais lorfque les convents commencérent à s'enrichir au point de pofféder de grands fiefs, le crédit que ces richeffes donnoient aux abbés, leur procura un rang distingué dans le monde, & contribua beaucoup à diminuer en eux l'efprit de retraite & d'humilité que leur régle leur impofe. C'est pourquoi les fondateurs d'ordres des fiécles

Aaaa ij

poftérieurs, comme ceux des Chartreux, des Céleftins, & furtout des mendians, ont donné aux fupérieurs des noms moins diftingués, comme celui de prieur, de gardien, &c.

Suivant les premieres régles monaftiques, les fupérieurs étoient perpétuels. Les nouvelles congrégations ont crû devoir les rendre amovibles, ou du moins fixer leur fupériorité pour un tems déterminé seulement, après lequel ils rentrent de droit dans le rang des particuliers de la communauté, afin que le gouvernement fût plus tempéré, & que les fupériorités ne fuffent point fujettes aux réserves & aux nominations roïales, comme le font les abbaïes qui font des titres perpétuels.

Il est même arrivé que plufieurs communautés, dont les fupérieurs étoient perpétuels dans l'origine, touchées des raisons qu'on vient d'alléguer, ont obtenu des indults de cour de Rome qu'ils ont fait revêtir de l'autorité du Roi; pour avoir des abbés électifs & triennaux. C'est ce qui est arrivé à l'abbaïe de fainte Geneviève de Paris, quand on y a mis la réforme, & qu'on l'a choifie pour être le chef-lieu de la congrégation des chanoines réguliers.

Quelque foit le titre des fupérieurs des communautés religieufes, ils font les premiers pafteurs de leurs religieux. Ils font chargés du foin de l'instruction & de la correction; & fuivant la régle de faint Benoît, ils doivent reprendre avec douceur ceux qui font des fautes; & punir févérement, même par des peines corporelles ceux qui y retombent plufieurs fois. L'abbé peut même procéder par la voie de l'excommunication contre ceux qui méprifent fes ordres & fes punitions.

Suivant l'efprit de la régle de faint Benoît, cette excommunication ne retranchoit pas le religieux qui l'avoit encourue de la fociété des fidelles; elle le privoit feulement de toute communication avec les autres religieux de la communauté.

Dans la fuite, les fupérieurs fe font arrogés fur leur religieux une jurifdiction plus étendue, & qui paffe même les bornes de l'autorité qu'ils devroient naturellement avoir: mais l'Eglife ne s'eft point oppofée à cette ufurpation; en forte qu'ils en font aujourd'hui en poffeffion, & les cenfures & excommunications qu'ils prononcent ont le même effet fur les réguliers qui leur font foumis, que celles qui font prononcées par les évêques & par les autres fupérieurs eccléfiaftiques.

Généralement parlant, le gouvernement dans la régle de faint Benoît eft, en quelque forte, monarchique; c'est-à-dire, que

le fupérieur gouverne feul; en fe conformant néanmoins aux régles de l'ordre, & en les interprétant, fi le cas y échet. S'il y a de nouveaux réglemens à faire, il les fait de fa propre autorité: mais ils doivent toujours être conformes à l'efprit de la régle. Il doit néanmoins, pour les affaires de peu d'importance, prendre l'avis des plus anciens ; & pour les affaires de plus grande importance, affembler toute la communauté, recueillir les voix & choifir l'avis qui lui paroît le meilleur, fans être tenu de s'attacher à la pluralité des opinions.

Il y a d'autres ordres, il y a même quelques congrégations de l'ordre de faint Benoît, où le fupérieur eft non-feulement obligé de confulter la communauté; mais encore de fuivre l'avis de la plus grande partie.

Pendant les dix premiers fiécles, tous les monaftéres d'Occident, quoiqu'attachés à la même régle, étoient indépendans les uns des autres; & chaque couvent étoit gouverné par un abbé, qui ne dépendoit que de l'évêque diocéfain.

En Orient, il y avoit des abbés qu'on appelloit archimandrites, & qui gouvernoient plufieurs monaftéres, dans chacun defquels ils mettoient un fupérieur particulier, qui leur étoit subordonné.

Dans le neuviéme fiécle, il fe forma en France une congrégation pareille; mais qui avoit beaucoup plus d'étendue. Louis le Débonnaire établit faint Benoît d'Aniane abbé général de plufieurs monaftéres, dont il lui donna la conduite: mais ce nouvel établissement ne dura qu'autant qu'il vécut ; & après fa mort, ces maisons se séparérent & rentrérent dans l'indépendance les unes des autres, comme elles y étoient auparavant.

Guillaume comte d'Auvergne fonda le monaftére de Clugni dans le dixiéme fiécle. Saint Odon, qui en fut le fecond abbé voïant que l'ordre de faint Benoît étoit tombé dans un grand relâchement de la difcipline, voulut le réformer. Dans cette vûe. il mit plufieurs monaftéres fous la dépendance de celui de Clugni, & ne leur laiffa d'autre abbé que celui de la maison de laquelle il les rendoit dépendans.

Plufieurs réformes du fiécle fuivant ont donné lieu à différentes congrégations, qui font aujourd'hui des ordres féparés; comme les Camaldules établis par faint Romuald, les Chartreux par faint Bruno, les religieux de Cîteaux par faint Robert de Molefme.

Chacun des ordres mendians eft formé de plufieurs maisons qui font gouvernées par un feul général,

« AnteriorContinuar »