Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Comme ces maisons fe font prodigieufement multipliées, il n'a 'a pas été poffible à un feul fupérieur d'avoir la vûe fur toutes, d'y prévenir ou corriger les abus & de s'oppofer au relâchement. D'ailleurs, comme ces ordres n'ont point été inftitués pour que ceux qui les embrafferoient vécuffent dans la retraite, mais pour qu'ils travaillaffent à l'inftruction des peuples ; cette occupation les a mis dans un trop grand commerce avec le monde, & fouvent les a fait fe relâcher de la premiere févérité de leur inftitut. Pour les y faire rentrer & leur faire exécuter les régles qu'ils s'étoient folemnellement engagé d'obferver, il a fallu plufieurs réformes.

Saint Bernardin de Sienne rejetta toutes les difpenfes accordées aux Freres mineurs, connus fous le nom de Cordeliers, & établit une obfervance plus étroite; qui fit diftinguer fes religieux, nommés obfervantins, des conventuels,

Vers la fin du quinziéme fiécle, on vit paroître les Recollets. Sous le pape Clément VII. Matthieu de Bafci commença la réforme la plus exacte pour la pauvreté, de toutes celles qui ont été faites dans l'ordre de faint François. On nomma fes religieux Capucins, à caufe de leur capuce long & pointu.

Chacune de ces réformes a introduit comme autant d'ordres différens, qui fuivent tous la régle de faint François les uns plus les autres moins étroitement. Les maifons de chacun de ces ordres font diftribuées en France par provinces. Chaque maison eft gouvernée par un gardien, lequel eft foumis au provincial, qui est le fupérieur de toutes celles qui compofent fa province; & tous les provinciaux font fubordonnés à un général, qui eft le fupérieur de tout l'ordre.

Les deux réformes les plus considérables du dernier fiécle font celles de la congrégation de faint Maur pour les Bénédictins, & de fainte Geneviève pour les Chanoines réguliers.

La premiere eft venue de celle de faint Vanne. Celle-ci commença en Lorraine en 1597. Elle fut introduite en France en 1613, par Jean Regnault abbé de faint Auguftin de Limoges, & confirmée en 1621, par Grégoire XV. fous le titre de congrégation de faint Maur.

La feconde de ces réformes commença à Senlis, fous le pere Charles Faure, que le cardinal de la Rochefoucault appella à fainte Geneviève, où il institua la congrégation autorisée par une bulle d'Urbain VIII.

Les abbés des différentes maifons qui compofent l'ordre de Câteaux, pour conferver l'union qui doit être entre les différens

monaftéres qui vivent fous la même régle, & pour maintenir la difcipline monaftique dans fa vigueur, ont arrêté entre eux de s'affembler tous les ans à Cîteaux : c'eft ce qui fait le chapitre général.

Le quatrième concile de Latran, tenu fous Innocent III. aïant reconnu l'avantage qu'on pouvoit tirer de ces différentes affemblées, a ordonné qu'on tiendroit, dans tous les ordres, ces chapitres généraux de trois ans en trois ans. Benoît XII. Clément V. & le concile de Trente ont renouvellé cette constitution. C'est ordinairement dans ces affemblées qu'on élit les principaux fupérieurs réguliers, & ceux qui doivent gouverner fous eux. On fait des réglemens pour le fpirituel & pour le temporel; & on fait des vifiteurs dont la fonction eft d'aller, dans les tems qui leur font marqués, dans toutes les maifons de leur département, examiner ce qui s'y fait, tant pour le fpirituel que pour le temporel, réformer les abus, & faire obferver la régle & les

conftitutions.

Quelques ordres tiennent des chapitres provinciaux, & les conftitutions qui s'y font, doivent être gardées dans tous les couvens de la province: mais elles peuvent être réformées dans les chapitres généraux.

Il y a, comme nous l'avons dit, des réformes qui ont fait des corps particuliers & entiérement féparés du premier ordre. Tels font les Capucins relativement aux Freres mineurs, & les Feuillans par rapport à Cîteaux. D'autres réformes font restées réunies au premier ordre : mais à condition que les réformés auroient des fupérieurs particuliers, & qu'ils fuivroient librement leurs conftitutions.

De tous les ordres, celui dont le gouvernement eft le plus monarchique, c'eft celui des Jéfuites. Tout s'y fait par l'autorité du général, qui eft électif & à vie. C'est lui qui donne toutes les charges; & il ne les donne ordinairement que pour trois ans: mais il peut toujours révoquer la commiffion, quoique le terme pour lequel il l'avoit donnée ne foit pas expiré. Ceft lui qui fait les fondations & qui fait tous les contrats au profit de la fociété : mais il ne peut aliéner qu'avec le confentement de la congrégation générale, qui ne s'affemble que rarement.

Les ordres militaires font encore plus finguliers. Celui de Malte n'eft, à proprement parler, qu'une feule maison, dont il y a des membres répandus dans tous les païs Catholiques. C'est à Malte qu'eft le corps de la communauté. Le grand-maître en

eft le premier fupérieur. Il est électif & à vie. Son conseil est compofé des grands officiers de l'ordre, des baillis, ou prieurs conventuels, qui portent tous la grande Croix..

Pour faire valoir leurs revenus, ils ont fur les lieux où leurs biens font fitués des chevaliers à qui ils donnent l'ufufruit de certains biens, aux conditions marquées dans les ftatuts.

Dans chaque province ils ont un grand-prieur, qui pofféde la plus grande commanderie, & tient de tems en tems le chapitre provincial. Dans ce chapitre, on approuve ceux qui veulent être reçus dans l'ordre: mais ils ne font profeffion qu'après lui avoir rendu certains fervices.

Il y a plufieurs congrégations de prêtres féculiers, qui ne font pas engagés par des vœux folemnels. La forme de leur gouvernement eft à peu près la même que celle des religieux. Les peres de l'Oratoire, par exemple, ont un général à vie, qu'ils élisent dans leur affemblée.

A l'égard des religieufes, il y en a dont les monaftéres ne font d'aucune congrégation réguliere, & celles-là font fous la jurifdiction de l'évêque diocéfain. Il y en a d'autres qui font foumifes à des fupérieurs réguliers du même ordre. D'autres enfin qui ont pour les gouverner des commiffaires particuliers. L'abbaïe de Fontevrault eft chef-d'ordre. L'abbeffe eft fupérieure générale de plufieurs monaftéres qui en dépendent. Elle a droit de les faire vifiter, & d'ordonner ce qu'elle croit devoir être plus utile pour le gouvernement du fpirituel & du temporel. Ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'eft que cette abbeffe exerce une jurifdiction fur les religieux de fon ordre, comme fur les religieufes, qu'elle envoie fes religieux dans différens monaftéres ; qu'elle leur donne des dimmiffoires pour les ordres, & qu'elle a für eux la même autorité qu'un général fur fes religieux.

Il est aisé de comprendre par tout ce que nous venons de dire, que les moines n'étoient point autrefois partagés en plufieurs ordres, comme ils le font aujourd'hui.

Tous les moines, dit le pere Mabillon, dans fa préface fur la premiere partie de l'hiftoire du quatriéme fiécle de l'ordre de faint Benoît, n. 52, ne formoient qu'une fociété, & paffoient fort facilement d'un monaftére à l'autre. Le confentement refpectif des fupérieurs fuffifoit pour cela. Quoique les communautés fuffent diftinctes & féparées, elles fe tenoient toutes par les liens de la charité. La régle fondamentale de la vie monastique n'étoit autre chofe qu'une abdication de toutes choses, même

de

de fes propres inclinations, fuivant le précepte de l'Evangile. On y joignoit l'éloignement du tumulte du fiécle, la célébration du fervice divin à des heures marquées, une entiére foumiffion aux ordres des fupérieurs, un filence continuel & profond, le travail des mains, beaucoup de tempérance dans le boire & dans le manger, jamais de mets délicats, les mortifications de la chair, des pénitences graves pour les moindres fautes. En un mot chacun n'étoit occupé que de fon propre falut, & de prier continuellement & ardemment pour celui des autres. Lorsque la charité ou la néceffité l'exigoient, on entreprenoit toutes fortes de travaux pour le bien de l'Eglife. Toutes les régles tendoient à ce but, & les moines de chaque monaftére embraffoient celle qui leur paroiffoit y conduire plus fûrement; toujours cependant fuivant la volonté de leurs fupérieurs.

Telle eft la defcription de la vie monaftique des premiers fiécles; elle fubfifta telle jufque vers le onziéme fiécle.

Si l'on remonte au delà de fix cens ans, on ne trouve aucun veftige de cette diverfité d'ordres que l'on remarque aujourd'hui. Elle ne se faifoit point encore appercevoir du tems de Grégoire VII, qui vivoit vers la fin du onziéme fiécle. C'eft ce qui nous eft attefté par tous les auteurs qui ont eu occafion d'examiner cette matiere.

Vers le dixiéme fiécle, faint Odon abbé de Clugni, que Flodoard, dans fa chronique fur l'an 842, appelle le reftaurateur de plufieurs monaftéres & le réparateur des faintes régles; forma, comme nous l'avons dit, la congrégation de Clugni, qu'il foumit à l'étroite observance de la régle de faint Benoît. Alors les monaftéres qui confervérent leurs anciens ufages furent regardés comme d'un autre ordre: quoiqu'au fond, ils fuiviffent toujours la même régle, en forte que la différence extérieure n'étoit prefque pas fenfible.

Mais lorsque les Chartreux, les Camaldules, les Grammontins, l'ordre de Cîteaux parurent dans le onziéme fiécle, les différens habits, les différentes régles, les différentes coutumes dont on fe fervoit dans ces différentes communautés, jettérent beaucoup de bigarures dans les ordres des moines. On appelloit les anciens Bénédictins les moines noirs. Ceux de Cîteaux furent appellés d'abord les moines gris; enfuite les moines blancs. C'est pourquoi faint Bernard, dans fon apologie à l'abbé Guillaume, dit que la profeffion qu'il a faite s'attache à un feul ordre mais que la charité s'attache à tous.

Bbbb

Les ordres religieux fe multipliérent de telle forte dans le fiécle fuivant, & l'on en vit paroître de tant d'efpéces, que lon craignit enfin que cela ne jettât de la confufion dans l'Eglife, que la fuperftition & même l'héréfie & l'impiété ne la ravageaffent en s'y infinuant fous le manteau de la piété & de la religion.

C'eft pourquoi l'Eglife, afin de prévenir ces malheurs, défendit dans le concile de Latran, tenu au commencement du treiziéme fiécle fous Innocent III. d'établir de nouveaux ordres religieux.

Matthieu de Paris, à l'an 1246, fait mention de ce décret, & dit qu'après l'inftitution & l'autorisation des Freres Mineurs & des Prêcheurs, il défendit expreffément de former à l'avenir aucun ordre nouveau, ou d'admettre ceux qui pourroient être inventés.

Mais ce décret ne mit point de frein aux inftituteurs, & l'on voïoit tous les jours de nouveaux ordres fe former. C'est pourquoi le concile de Lion, tenu fous Grégoire X. renouvella les défenfes portées par celui de Latran. Ces deux décrets font rapportés, le premier au chapitre 9, fin ex. de religiofis domibus, & l'autre au chapitre unique de religiofis domibus in 6o.

Fagnan, fur le chapitre, cum fit ars, ex. de atate & qualitate ordinum, n. 15, remarque que ce décret réduisit un grand nombre d'ordres mendians mais que cependant ils ont tellement multiplié depuis, qu'il feroit à fouhaiter qu'on y apportât quelque reméde.

Le cardinal Bellarmin, lib. 2, de monachis, cap. 4, dit qu'avant le concile de Trente, tenu fous Innocent III. les nouveaux établissemens d'ordre n'avoient aucun befoin d'approbation ni de confirmation du faint fiége; & que ce font les Dominicains & les Francifcains, qui l'ont demandée les premiers: mais aujourd'hui cette approbation eft néceffaire pour fervir, dit le même cardinal, de témoignage que la régle du nouvel ordre ne contient rien qui foit contraire à la doctrine de l'Eglife.

[blocks in formation]

Des formalités néceffaires pour l'établissement d'un nouvel ordre & d'un nouveau monaftére en France

Quelque foit le motif de l'approbation du pape, il eft conftant qu'elle eft requife aujourd'hui, & le pouvoir d'admetre

« AnteriorContinuar »